"Souhaitez-vous que je m'accable davantage ?" : Jérôme Cahuzac joue la carte de la contrition devant ses juges
Au deuxième jour de son procès, l'ancien ministre du Budget a été longuement interrogé par le président du tribunal, qui a cherché à savoir s'il n'avait jamais été pris de remords.
Cette fois, il n'y a pas eu de coup de théâtre. Au deuxième jour de son procès, l'ancien ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, a assumé ses actes, mercredi 7 septembre. "Ce que j'ai fait est accablant", répète-t-il à plusieurs reprises, alors que le tribunal correctionnel de Paris se penche sur ce qu'est devenu son compte suisse après 1994. A partir de cette date, il reconnaît avoir fait un usage personnel du compte qu'il affirme avoir créé pour financer les campagnes de Michel Rocard.
Pendant plusieurs années, le compte n'enregistre pas de mouvement, à part son transfert de la banque UBS à la plus discrète banque Reyl, en 1998. "Je fais cela dans un souci de confidentialité. (...) Je viens d'être élu député, je ne suis pas à l'aise, la contradiction est forte", explique Jérôme Cahuzac, avant de lâcher :
J'allais dire : 'J'ai peur'. Oui, j'ai peur.
A ce moment-là, selon sa version des faits, son but "n'est pas que ce compte prospère". "Dans l'hypothèse où l'on me demande de rendre ces sommes [qui appartiendraient aux rocardiens], je ne veux pas qu'il y en ait moins", assure Jérôme Cahuzac.
"Je me retrouve avec un sac de billets"
Une volonté qui ne va pas tarder à vaciller. Le 10 avril 2000, "Birdie", le nom de code qu'il s'est choisi - "le surnom d'un joueur de jazz" [une référence tronquée au jazzman Charlie Parker, alias "Bird"] - dépose 115 000 francs suisses sur son compte. "Je vais travailler à l'étranger. (...) Je me retrouve avec un sac de billets, je ne peux pas rentrer en France avec ça, alors j'appelle Reyl", raconte le chirurgien capillaire. Il refuse de préciser dans quel pays il s'est rendu et les noms de la dizaine de clients soignés pour leur calvitie.
La banque suisse est efficace. "Ils sont venus en quatre, cinq heures. Cela a été assez simple, se souvient l'ancien ministre, avant de reconnaître : cet argent est à moi, mais ne pas l'avoir déclaré, c'est de la fraude." Le président, Peimane Ghaleh-Marzban, tente de comprendre : "Est-ce que vous n'êtes pas effaré de ce que vous faites ?" "Au fond, non", souffle Jérôme Cahuzac.
"Est-ce que vous êtes un homme cynique, duplice, d'une froideur incroyable ?"
Une "transgression" qui se répète l'année suivante, avec un versement de 91 150 francs suisses le 30 juillet 2001. "Après, j'ai arrêté", assure-t-il. Le président insiste, demande s'il n'y a pas eu de freins, de remords, lui demande à quoi il pensait à ce moment-là... Des questions qui ne plaisent pas à un prévenu visiblement marqué par l'interrogatoire.
Cette vérité est accablante. Je reconnais ce que j'ai fait, souhaitez-vous que je m'accable davantage ?
Le président ne se laisse pas impressionner. "On ne peut sonder les cerveaux, les âmes et les cœurs, mais notre responsabilité est de savoir ce qu'on va faire de tout ça, répond Peimane Ghaleh-Marzban. Est-ce que Monsieur Cahuzac est un homme cynique, duplice, d'une froideur incroyable, capable de faire une chose et son contraire, ou un homme qui a d'autres complexités ?" Son jugement tiendra compte de la réponse à cette question.
"Je comprends votre démarche, Monsieur le président, comme vous comprenez, j'imagine, le supplice que je suis en train de vivre", réplique le prévenu, avant de se lancer dans une tirade larmoyante. "Il y a eu, en moi, une part de moi, quelqu'un qui a fait ça. Cela n'est pas que moi, mais c'est aussi moi." Docteur Cahuzac et Mr "Birdie".
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