Cet article date de plus d'onze ans.

L'affaire Karachi expliquée aux enfants

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'affaire Karachi expliquée avec des jouets ( EMMA DEFAUD / NICOLAS ENAULT)

Un article que les adultes ont aussi le droit de lire…

A la télé, ou dans un journal, tu as peut-être déjà entendu parler de "l'affaire Karachi". Vendredi 4 octobre, par exemple, on a appris qu'une nouvelle personne était poursuivie par la justice : le trésorier de campagne d'Edouard Balladur, un ancien Premier ministre. Pourtant, l'affaire Karachi s'intéresse d'abord à un attentat meurtrier dans cette grande ville du Pakistan. Puis à des ventes d'armes françaises. Tu vas me demander : quel rapport entre ces hommes politiques, des sous-marins et une explosion ?

A première vue, avouons qu'on n'y comprend pas grand-chose, à part qu'il y a quelque chose de pas très net là-dessous. Alors pour que tu puisses résumer cette histoire à tes copains, francetv info t'explique tout.

1La France, et son Premier ministre Edouard Balladur, réussissent à vendre des armes au Pakistan

On soupçonne la vente de sous-marins d'être à l'origine de l'affaire Karachi. ( EMMA DEFAUD / NICOLAS ENAULT)

Nous sommes en 1994. Tu n'es pas encore né, et le gouvernement de la France est dirigé par Edouard Balladur. C'est lui le Premier ministre. Cette année-là, le gouvernement réussit à vendre des armes au Pakistan, un pays situé en Asie, loin de la France.

Les armes coûtent très cher, donc le Pakistan doit donner beaucoup d'argent à la France pour acheter deux sous-marins : 826 millions d'euros. C'est à peu près aussi cher que d'acheter 40 000 voitures, ou que de faire construire 4 000 maisons !

2En échange, plusieurs hommes reçoivent énormément d'argent de la part de la France

Pour convaincre le Pakistan d'acheter ces sous-marins, la France a donné beaucoup d'argent à des responsables pakistanais et à d'autres hommes. A l'époque, c'était autorisé. Parmi eux, il y a Ziad Takieddine. Selon le journal Le Point, la France lui a par exemple promis 115 millions d'euros en échange de son aide.

 

Le gouvernement français paie des hommes politiques et des militaires pakistanais, mais aussi quelques intermédiaires qui ont facilité la vente. Parmi eux, Ziad Takieddine. ( EMMA DEFAUD / NICOLAS ENAULT)

3Du coup, ces hommes qui ont gagné beaucoup d'argent en auraient redonné un peu à Edouard Balladur

Imagine : tu aides un copain à vendre sa console de jeux. En vendant sa console, il gagne 1 000 cartes Pokemon ! Comme tu l'as aidé à gagner 1 000 cartes Pokemon, il promet de t'en donner 100. Comme c'est ton ami, tu vas peut-être lui en redonner une ou deux ? C'est un peu ce qui se serait passé dans cette affaire.

A l'époque, Edouard Balladur, le Premier ministre de la France, aimerait devenir président de la République. Mais pour pouvoir faire sa pub, il a besoin de beaucoup d'argent. Alors Ziad Takieddine lui aurait donné 1,2 million d'euros. C'est en tout cas ce qu'il a dit aux juges, selon le journal Le Monde

Une partie des sommes touchées à Karachi serait revenue en France : ce sont les "rétrocommissions". (EMMA DEFAUD / NICOLAS ENAULT)
 

Dit-il la vérité ? En tout cas, on a découvert, grâce à l'affaire Karachi, la trace d'un versement de 1,5 million d'euros en liquide (10 millions de francs, à l'époque) en 1995 sur un compte d'Edouard Balladur. 

Mais les juges se demandent désormais si cet argent ne viendrait pas des "fonds spéciaux de Matignon". Il s'agit d'argent caché du gouvernement, qui n'est pas pour autant destiné à financer des campagnes électorales. Si cette histoire était vraie, ce serait du vol.

4Mais soudain, la France arrête de donner de l'argent à ces hommes-là

Le problème, c'est qu'Edouard Balladur n'a pas été élu président de la République : les Français ont choisi Jacques Chirac. Et en 1995, Jacques Chirac décide que la France ne donnera plus d'argent aux gens qui ont aidé Edouard Balladur à vendre des sous-marins au Pakistan.

Quand Jacques Chirac est élu président en 1995, il fait cesser les versements au Pakistan. (EMMA DEFAUD / NICOLAS ENAULT)

Autrement dit, c'est comme si un copain promettait de te donner cent cartes Pokemon, mais pas tout d'un coup. Il t'en donne d'abord dix… puis encore dix… et subitement, il décide d'arrêter de te donner les cartes Pokemon qu'il t'avait promises.

5Et sept ans plus tard, 11 Français sont tués dans un attentat au Pakistan

En 2002, un attentat a lieu à Karachi, une ville du Pakistan. Cet attentat vise des gens qui travaillent à la Direction des constructions navales, une entreprise française qui construit les sous-marins que la France a vendus au Pakistan. Quatorze personnes sont tuées. Parmi elles, il y a onze Français.

Le 8 mai 2002, le bus militaire qui transportait des employés est la cible d'un kamikaze au volant d'un faux taxi, devant l'hôtel Sheraton de Karachi. (EMMA DEFAUD / NICOLAS ENAULT)

6Depuis, la police cherche à savoir s'il s'agit d'une vengeance

Après l'attentat de Karachi, la police française soupçonne les terroristes d'Al-Qaïda d'en être les auteurs. Il faut dire que l'explosion a lieu peu de temps après le 11-Septembre aux Etats-Unis. Mais au fil du temps, la police a étudié une autre hypothèse : celle d'une vengeance, liée au fait que la France n'ait pas versé tout l'argent promis à ceux qui l'avaient aidé à vendre ses sous-marins au Pakistan.

Trois personnes ont déjà été mises en examen dans l'affaire Karachi. (EMMA DEFAUD / NICOLAS ENAULT)

Dans cette affaire, on entend aussi beaucoup parler de Nicolas Sarkozy, l'ancien président de la République. Que vient-il faire ici ? En 1994, lorsque la France a vendu ses sous-marins au Pakistan, Nicolas Sarkozy était ministre du Budget, c'est-à-dire qu'il s'occupait de l'argent de la France. Et peu après, quand Edouard Balladur voulait devenir président de la République, Nicolas Sarkozy était l'un de ses meilleurs amis, l'un de ceux qui l'aidaient le plus. Alors certains pensent qu'il était forcément au courant qu'Edouard Balladur avait reçu de l'argent de la part de Ziad Takieddine, alors que c'était interdit.

Pour l'instant, quatre personnes sont mises en examen dans cette affaire, c'est-à-dire qu'elles sont soupçonnées par la justice d'avoir fait des choses interdites : l'homme d'affaires Ziad Takieddine, et trois proches d'Edouard Balladur et Nicolas Sarkozy. 

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