Affaire des écoutes : les trois phrases qui affaiblissent la défense de Nicolas Sarkozy
"Le Monde" a consulté les écoutes sur lesquelles les juges se sont appuyés pour mettre Nicolas Sarkozy en examen.
"Je l'aiderai (...) Moi, je le fais monter". Les extraits des écoutes menées par la justice sur les deux téléphones portables de Nicolas Sarkozy, publiés samedi 12 juillet par Le Monde, apportent de nouveaux éléments sur la mise en examen de l'ancien président de la République pour corruption active, trafic d'influence actif et recel de violation du secret professionnel. On y entend Nicolas Sarkozy promettre d'intervenir en faveur de Gilbert Azibert, le haut-magistrat accusé de lui avoir fourni des informations sur une autre procédure, l'affaire Bettencourt, auprès de Monaco, avant de se raviser.
Francetv info revient sur les trois phrases marquantes de ces nouveaux extraits.
Sarkozy : "Appelle-le aujourd'hui en disant que je m'en occuperai parce que moi je vais à Monaco et je verrai le prince."
Le 23 février, Nicolas Sarkozy évoque avec son avocat, Thierry Herzog, le cas de Gilbert Azibert sur la deuxième ligne du président, celle enregistrée sous le nom de Paul Bismuth. Dans une précédente conversation, l'avocat avait expliqué que le magistrat lui avait "parlé d'un truc sur Monaco". "Je l'aiderai", avait alors répondu l'ancien président, avant d'indiquer qu'il allait voir "le prince" de Monaco.
Nicolas Sarkozy doit justement se rendre en Principauté le 25 février. "Vu que tu es sur place, si jamais t'as l'occasion, t'oublies pas, si tu as la possibilité, de dire un mot pour Gilbert. Pour le Conseil d'Etat. Le poste qui se libère", lui demande son avocat. "Et oui, oui, oui, bien sûr", répond Sarkozy. Le jour de sa visite à Monaco, l'ancien président appelle son avocat. Il n'a pas rendez-vous avec le prince, mais avec l'un de ses ministres : "je voulais te dire, pour que tu puisses le dire à Gilbert Azibert, que j'ai rendez-vous à midi avec Michel Roger, le ministre d'Etat de Monaco".
Sarkozy : "Et, je préfère te le dire, je lui ai pas parlé de Gilbert, bon."
Le 26 février, au lendemain de sa visite monégasque, Nicolas Sarkozy rappelle Thierry Herzog. Cette fois-ci, point de Paul Bismuth : les deux hommes conversent sur leur téléphone portable personnel. "Tu as pu faire quelque chose ou pas ?", demande Herzog. "Tu vas m'en vouloir, mais, j'ai réfléchi depuis (...) Et, je préfère te le dire, je lui ai pas parlé de Gilbert, bon", s'excuse l'ancien président. "J'ai trouvé que ça ferait un peu ridicule donc j'ai préféré ne pas en parler", ajoute-t-il.
Pour les enquêteurs, cette conversation est suspecte. C'est la première fois que les deux hommes évoquent Gilbert Azibert sur leur ligne officiel, dont ils se doutent qu'elle est écoutée. Surtout, ils se rappellent sur l'autre ligne, pour se dire la même chose. Selon Le Monde, les enquêteurs "pensent avoir établi" que les deux hommes ont appris le 25 février que leurs portables secrets étaient également sur écoute. Nicolas Sarkozy aurait alors soit renoncer à faire la démarche pour Gilbert Azibert, soit adapté son discours pour éviter d'être pris sur le fait.
La première hypothèse semble tenir la corde puisque le ministre d'Etat de Monaco, Michel Roger, a assuré aux enquêteurs que l'ancien président de la République ne lui avait pas parlé de Gilbert Azibert. Sur TF1, Nicolas Sarkozy a lui-même déclaré qu'il n'avait "pas fait la démarche".
Herzog : "La démarche à Monaco a été faite."
Pour que le trafic d'influence soit caractérisé, peu importe qu'il ait fonctionné ou non. "L'intention et même la promesse d'avoir le bras long, que ce soit vrai ou non, suffit à caractériser le trafic d'influence", expliquait à francetv info au moment de la mise en examen, Jacques Terray, vice-président de Transparency International France.
Or, il apparaît que si Nicolas Sarkozy n'a pas fait la démarche, son avocat a dit le contraire à Gilbert Azibert. Le 3 mars, Thierry Herzog téléphone au magistrat : "la démarche à Monaco a été faite". "Oui, bah, c'est sympa", lui répond Gilbert Azibert. Et l'avocat de conclure : "non, c'est la moindre des choses. Je te raconterai simplement, quand on se verra, de vive voix…"
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