Conseil constitutionnel : quand Jean-Louis Debré fait son état des lieux
Nommé par Jacques Chirac en 2007, ex-ministre de l'Intérieur, Jean-Louis Debré aura passé en tout neuf ans rue de Montpensier à Paris. A 71 ans, le parcours du fils de Michel Debré au Conseil constitutionnel aura été marquée par les économies, c'est d'ailleurs sa grande fierté. 25% de dépenses en moins depuis son arrivée, et toujours 58 permanents, pas un de plus.
La salle d'audience : grande révolution
Depuis 2008, la salle d'audience est mise en place. Désormais, n'importe quel justiciable peut demander le procès d'une loi,
c'est le principe des Questions prioritaires de constitutionnalité, 536 ont déjà été examinées. Il s'agit d'une salle très moderne, équipée de caméras, avec, face au public, les fauteuils des sages, neuf par ordre d'arrivée. A gauche, on trouve celui de Lionel Jospin, "quelqu'un de remarquablement intelligent, selon Jean-Louis Debré, qui est bon camarade, et ne rechigne jamais. Il s'est très bien intégré" assure-t-il.
La cohabitation à venir au Conseil constitutionnel
"La cohabitation, ce n'est pas mon problème" lâche Jean-Louis Debré. En tout cas, c'est celui de Laurent Fabius, qui va donc retrouver un éléphant qu'il a longtemps combattu à l'intérieur du PS.
Autre souvenir, la salle des délibérés
A l'étage, avec vue sur les colonnes du Buren et le ministère de la Culture, on trouve la salle des délibérés. Ambiance bleutée, tables rectangulaires, des extraits de la constitution sur les murs. Il s'agit là du saint des saints, on ne sort pas d'ici sans avoir tranché. Parfois cela peut durer jusqu'à sept heures d'affilée. Abstention interdite, on est pour ou on est contre. En l'occurrence, le 4 juillet 2013, Jean-Louis Debré était pour l'annulation des comptes de campagnes de Nicolas Sarkozy.
"La justice constitutionnelle n'est pas là pour rendre des services"
— Jean-Louis Debré
Il se souvient : "J'ai été critiqué, j'ai été calomnié, mais un an après, une affaire bien connue est sortie. Imaginez si nous avions fait au Conseil constitutionnel, comme l'avait fait un de mes prédécesseurs, faisant comme si on ne voyait rien. La justice constitutionnelle n'est pas là pour rendre des services".
Plus de décisions en cinq ans qu'en cinquante ans
En cinq ans, le Conseil constitutionnel a rendu plus de décisions qu'en cinquante ans. Il se souvient après la validation du mariage pour tous des cris sous les fenêtres, qui contrastait avec la sérénité des membres du Conseil. "Nous ne devions pas nous poser la question du bien ou du mal. Le conseil n'est pas une autorité religieuse ou morale" affirme-t-il.
Les anciens présidents ne siègent plus au Conseil
Théoriquement, ils le peuvent toujours, mais plus personne ne vient, et c'est tant mieux, dit Jean-Louis Debré : "Vous ne pouvez pas demander à quelqu'un qui a voulu une loi, qui l'a promulguée, de venir ici contester certains articles, ce n'est pas possible, c'est du conflit d'intérêts". D'ailleurs, plus aucun portrait de président n'est accroché dans les couloirs, il les a tous fait retirer. "La justice ne s'incarne pas dans un homme, mais elle le transcende" affirme-t-il.
Jean-Louis Debré, futur comédien ?
Pour ses vieux jours, le nouveau retraité a tout prévu. D'abord, il va écrire, cela fait déjà trente ans qu'il écrit tous les soirs, dans des petits carnets. Il a aussi d'autres projets : "J'aimerais faire du cinéma, jouer quelqu'un que je ne suis pas. J'ai beaucoup aimé Tavernier notamment" . Jean-Louis Debré est un amoureux de la mise en scène, il a le sens du décor.
Quand Laurent Fabius montera le grand escalier, il pourra voir ce buste de Marianne, posé là, au premier palier, par Jean-Louis Debré, avec une étoile sur la tête, la République qui rayonne. Des bustes que collectionne depuis toujours Jean-Louis Debré. Parfois, devant ses visiteurs et devant Marianne, il lit ce poème d'un révolutionnaire anonyme, une prière républicaine : "Salut Marianne pleine de force, le peuple est avec toi. Le fruit de tes entrailles, la République, est béni. Sainte Marianne, délivre-nous vierge de la liberté, des rois et des papes. Ainsi soit-il".
En tout cas, si la future carrière cinématographique Jean-Louis Debré ne donne rien, il aura toujours le théâtre, la Comédie française n'est qu'à quelques pas du Conseil constitutionnel.
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