Ce que l'on sait des 5 milliards d'euros de baisse d'impôt sur le revenu annoncées par Emmanuel Macron
Cette diminution des prélèvements obligatoire devrait concerner tous les foyers imposables sauf les plus "aisés", dès le 1er janvier 2020.
Une baisse "significative" de l'impôt sur le revenu. C'est la promesse qu'a formulée Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse, à l'Elysée, jeudi 25 avril. Cette diminution doit répondre à "l'injustice fiscale" dénoncée lors du grand débat, selon le chef de l'Etat. Mais beaucoup de questions se posent sur les modalités et le financement de cette mesure.
Qu'a annoncé le chef de l'Etat ?
La mesure était attendue. Jeudi, Emmanuel Macron a proposé de réduire "significativement" l'impôt sur le revenu. "Je ne veux pas de hausse d'impôts et je veux des baisses pour ceux qui travaillent, en réduisant significativement l'impôt sur le revenu", a-t-il affirmé. "La meilleure orientation pour répondre au besoin de justice fiscale n'est pas d'augmenter les impôts de tel ou tel, mais de baisser l'impôt du maximum de nos concitoyens, et des classes moyennes au premier chef", a expliqué le chef de l'Etat.
Au total, le président de la République a estimé à environ cinq milliards d'euros la baisse de l'impôt sur le revenu, qui rapporte plus de 75 milliards par an à l'Etat. Une somme qui vient s'ajouter à la suppression progressive de la taxe d'habitation ou encore à "la défiscalisation et désocialisation" des heures supplémentaires, annoncées en décembre, a rappelé Emmanuel Macron.
Qui va être concerné par cette baisse d'impôt ?
Vendredi, les ministres de l'Economie et des Comptes publics ont évoqué plusieurs pistes concrètes afin de préciser cette mesure. "On peut considérer qu'il s'agit d'une baisse d'impôt d'à peu près 10% pour chacun des Français qui paie l'impôt sur le revenu, à l'exception des plus riches d'entre eux, a indiqué Gérald Darmanin, sur RTL. La classe moyenne, les gens qui paient l'impôt sur le revenu mais qui ne sont pas considérés comme des Français aisés, auront à peu près 10% de baisse d'impôt sur le revenu."
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a avancé sur LCI que cette mesure pourrait prendre la forme d'une baisse des impôts de la première et de la deuxième tranche. Cela correspond à l'imposition actuelle de 14% des revenus de 9 965 à 27 519 euros par an, et de 30% des revenus supplémentaires jusqu'à 73 779 euros. Ces deux taux devraient ainsi diminuer, mais pas les deux tranches supérieures (41% et 45% d'imposition).
Tous les ménages vont-ils profiter de cette baisse ? Non. En sont exclus d'office les Français qui ne paient pas l'impôt sur le revenu, soit 56,9% des foyers fiscaux, selon les chiffres de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), en 2017. Cette mesure ne s'appliquera pas non plus aux ménages les plus "aisés", selon Gérald Darmanin, qui ne donne pas plus de précision sur le seuil qui sera établi. En définitive, la baisse d'impôt devrait concerner 15 millions de foyers fiscaux imposés sur le revenu, selon Bruno Le Maire, sur les 16,3 millions que comptait la France en 2017.
Quand sera appliquée cette baisse d'impôt ?
La mise en application de cette mesure ne devrait pas trop se faire attendre. "Dès le mois de janvier de l'année prochaine (…) il y aura une baisse d'impôt", a annoncé Gérald Darmanin sur RTL. Dans le détail, cette baisse sera inscrite dans le projet de loi de finances à la fin de l'année 2019 et pourra être appliquée dès le début de l'année 2020 grâce au prélèvement à la source.
Comment va-t-elle être financée ?
Plusieurs pistes ont été lancées (ou écartées) par Emmanuel Macron pour financer cette baisse d'impôt. La première : "Travailler plus". Pour cela, le président de la République a d'abord évacué un certain nombre de mesures évoquées par la majorité ces dernières semaines : pas question de toucher à l'âge légal de départ à la retraite de 62 ans, ni aux 35 heures. La suppression d'un jour férié a aussi été écartée. Reste une piste retenue par le président : "Allonger la durée des cotisations et laisser le libre choix. (...) Cette option permet de dégager des économies pour réinvestir dans des baisses d'impôts."
Concrètement, le chef de l'Etat souhaite inciter les Français à travailler davantage, sans les y obliger pour autant. Cela signifie qu'un salarié qui déciderait de partir à la retraite à 62 ans devrait, dans la plupart des cas, patienter quelques années avant de toucher une retraite à taux plein. Une piste qui ne convainc pas Alexandre Delaigue, professeur d'économie à l'université de Lille. "Ce n'est pas quelque chose d'adapté pour financer une baisse d'impôt sur le revenu, explique-t-il à franceinfo.
On échange une diminution immédiate et claire des recettes publiques contre une mesure dont les effets seront perçus à long terme et dont les recettes sont difficiles à déterminer.
Alexandre Delaigue, professeur d'économie à l'université de Lilleà franceinfo
Emmanuel Macron a évoqué d'autres pistes pour financer cette baisse d'impôt, notamment la réduction des niches fiscales dont bénéficient les entreprises. "Pas celles des ménages ou des particuliers", a-t-il assuré. "Le problème, c'est la mise en œuvre. Comme le dit le proverbe : 'Dans chaque niche fiscale, il y a un chien qui mord', note Alexandre Delaigue. C'est extrêmement difficile à faire, surtout quand il s'agit de bricolage et qu'on ne présente pas cela comme une mise à plat complète du système."
D'autant que les entreprises lèvent déjà les boucliers. "On ne voudrait pas que ce soit les entreprises qui en supportent le poids ou la contrepartie", prévient le président délégué du Medef, Patrick Martin, en citant la suppression (déjà annoncée) de la niche fiscale Copé, qui permet d’exonérer les plus-values de cessions entre filiales et maison mère.
Quelles sont les autres pistes envisageables ? "Si on veut baisser les impôts, la mesure la moins coûteuse, c'est d'emprunter, car emprunter ne coûte rien actuellement. Se focaliser sur des impératifs budgétaires, ce n'est pas si justifié que cela", estime Alexandre Delaigue. Le président de la République, lui, a insisté sur le besoin de réduire la dépense publique pour que "les baisses d'impôt d'aujourd'hui ne soient pas financées par de la dette supplémentaire".
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