Emmanuel Macron a-t-il interdit le drapeau corse lors de son prochain déplacement sur l'île ?
C'est ce qu'affirme un post Facebook largement relayé. L'Elysée confirme à franceinfo que le drapeau corse ne sera pas présent à la tribune, mais les habitants pourront tout à fait "se promener dans la rue" avec la tête de Maure, symbole de l'île.
La tête de Maure bannie du "grand débat" ? C'est ce que laisse penser un post Facebook publié quelques jours avant le déplacement d'Emmanuel Macron en Corse, jeudi 4 avril. "Macron interdit notre drapeau lors de sa venue en Corse, écrit une internaute. (…) Je demande que notre drapeau soit partagé par le plus grand nombre, afin de montrer à l'usurpateur que notre peuple est reconnu en tant que tel !" Dans le live de franceinfo, l'un de nos lecteurs nous a interrogés sur la véracité de ce message, publié le 23 mars et partagé plus de 19 000 fois depuis.
Contacté par franceinfo, l'Elysée dément formellement cette affirmation. "Il n'y a aucune interdiction pour les particuliers de se promener dans la rue avec des drapeaux corses", fait savoir l'entourage du chef de l'Etat, qui qualifie cette publication de "ridicule".
Jamais de drapeaux régionaux à la tribune
Malgré nos sollicitations, nous ne sommes pas parvenus à joindre l'internaute à l'origine de la publication, qui affiche sur Facebook son hostilité à Emmanuel Macron et son soutien au mouvement nationaliste. Néanmoins, son message pourrait faire référence à la précédente visite du chef de l'Etat sur l'île de Beauté, en février 2018. Jean-Guy Talamoni n'a pas oublié. "Il s'agissait à l'époque du tout premier déplacement d'Emmanuel Macron chez nous en tant que président, et on ne peut pas dire que ça c'était très bien passé, recontextualise le président nationaliste de l'Assemblée de Corse. Cette fois-là, des élus nationalistes avaient été fouillés à l'entrée. Pire, le drapeau corse n'avait pas été autorisé à la tribune."
Il y avait une dizaine de drapeaux français à la tribune, mais aucun drapeau corse. C'était une humiliation.
Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corseà franceinfo
@franceinfo 15h23 : 5 drapeaux français, 5 drapeaux européens derrière le pupitre présidentiel. Aucun drapeau corse. Le décor est planté.#Corse #Macron #MacronCorse #nationalisme #Bastia pic.twitter.com/GtnIJbl2HZ
— Paul Tian (@tianplus) 7 février 2018
Pour l'Elysée, les règles du protocole des déplacements du président de la République sont très claires. "Lorsque le président intervient publiquement, les deux seuls drapeaux existants sont l'européen et le français, continue l'entourage d'Emmanuel Macron. C'est à chaque fois la même chose."
Si le président s'exprime en Bretagne, il n'y a pas de drapeau breton à la tribune. S'il s'exprime en Guyane, il n'y a pas de drapeau guyanais non plus.
L'Elyséeà franceinfo
La viralité de ce post Facebook illustre les tensions qui perdurent entre l'île de Beauté et Paris, notamment depuis la victoire des nationalistes aux élections de décembre 2017. Aujourd'hui, Jean-Guy Talamoni n'a "pas plus envie de dérouler le tapis rouge" au président Macron. "On ne va pas l'accueillir avec des fleurs" comme les Néo-Calédoniens, affirme-t-il. "Il faut qu'il comprenne que c'est mal, ce qu'il a fait."
Il a tourné le dos à la Corse, alors la Corse lui tourne le dos.
Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corseà franceinfo
L'élu nationaliste fait savoir à franceinfo que sa chaise restera vide, jeudi soir, dans la salle des fêtes de Cozzano. C'est dans ce village de Corse-du-Sud, situé à plus de 700 mètres d'altitude, qu'aura lieu le grand débat en présence du président entre 15 heures et 19 heures. Jean-Guy Talamoni n'y voit rien de plus qu'un "show de communication" et une "parodie de consultation". Pour manifester son opposition, il appelle d'ailleurs "tous les Corses à exprimer, pacifiquement et symboliquement, leur refus du déni de démocratie qui continue de nous être opposé". Cette opération a un nom : "isula morta", "île morte". En clair, les commerçants sont invités à baisser le rideau "une partie de la journée" et "à faire flotter le drapeau corse sur chaque maison, sur chaque commerce, dans chaque voiture".
La tête de Maure flotte dans les deux communes visitées
Emmanuel Macron devra s'y habituer. A Cozzano, "sur le monument aux morts, il y aura les trois drapeaux", a prévenu le maire, Jean-Jacques Ciccolini, à Corse Matin – il n'a pas répondu aux sollicitations de franceinfo. Et à la salle des fêtes ? Il affirme ne pas savoir si la tête de Maure flottera – "mardi, les services de sécurité de l'Elysée prennent toute la logistique en main" –, mais il assure qu'il "n'y a aucune contrainte pour les habitants, les enfants, les élus, les commerces".
Dans la matinée, avant de se rendre au grand débat de Cozzano, le chef de l'Etat a prévu de faire un crochet par la mairie de Sampolo, 80 habitants. "Sur la façade, il y a trois drapeaux. Le corse à droite, le français au milieu et l'européen à gauche, explique le maire, Jean-Baptiste Leccia, à franceinfo. C'est comme ça sur toutes les mairies corses."
Personne de l'Elysée ne m'a demandé de retirer le drapeau corse, et d'ailleurs je ne l'aurais pas fait.
Jean-Baptiste Leccia, maire de Sampoloà franceinfo
Derrière son comptoir, la patronne du bar L'Onda affirme elle aussi qu'elle "ne changera rien" au décor de son établissement, où est attendu Emmanuel Macron. Selon Corse Matin, "des autocollants insulaires, genre 'amnistia', traînent" dans l'établissement.
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