Réfugiés, déchéance de nationalité, terrorisme : comment Emmanuel Macron soigne sa différence avec Manuel Valls
Le ministre de l'Economie ne manque pas une occasion de faire entendre sa petite musique et de marquer sa différence avec le Premier ministre.
"La fusée Macron : son plan secret pour 2017", titre L'Obs (article abonnés), jeudi 3 mars. Selon le magazine, le ministre de l'Economie va lancer son propre mouvement "à mi-chemin du laboratoire d’idées et du parti politique". Une initiative démentie par l'entourage du ministre auprès du Lab : "Il existe bel et bien des groupes de soutien à Emmanuel Macron, comme la Gauche libre ou les Jeunes avec Macron qui sont totalement indépendants du ministre, mais aucun mouvement qui soit lancé directement par le cabinet du ministre."
Toutefois, Emmanuel Macron ne manque pas une occasion de faire entendre sa petite musique. Une façon de se rendre incontournable dans les débats de 2017 ou d'apparaître comme un recours à gauche, si François Hollande renonçait à se présenter. Après la violente tribune signée par Martine Aubry et des figures de la gauche contre la politique gouvernementale, le ministre de l'Economie confie à l'un des élus réunis ce jour-là à Bercy, selon L'Obs : "J'aurais pu la signer en partie."
"Sur l'Europe, la déchéance de nationalité, les réfugiés, il aurait effectivement pu signer la tribune, et moi aussi d'ailleurs !" explique à L'Obs le député PS Richard Ferrand. Ancien rapporteur de la loi Macron, l'élu précise : "Il n'est pas d'accord avec les critiques sur le CICE [crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi] ou la loi El Khomri, mais ce sont des sujets sur lesquels on peut toujours négocier. En revanche, on ne transige pas avec les valeurs." Une critique à peine masquée de Manuel Valls. Si les deux hommes se retrouvent sur une ligne "sociale-libérale" en matière économique, Emmanuel Macron multiplie les occasions de marquer sa différence face au Premier ministre. Florilège.
Sur les réfugiés
L'Obs rapporte que le discours de Manuel Valls à Munich ne "passe pas". En visite en Allemagne, le 13 février, le Premier ministre critique la politique d'accueil des réfugiés développée par Angela Merkel. "Cette situation ne pourra pas durer, chacun en est bien conscient, lance Manuel Valls. L'Europe ne peut pas accueillir davantage de réfugiés, ne pourra pas accueillir tous les réfugiés."
Interrogé en septembre sur la capacité de la France à accueillir des migrants en nombre, même dans un autre contexte, Emmanuel Macron avait répondu : "Je crois que si cela est fait dans le bon ordre, de manière intelligente, c'est une opportunité pour nous." "C'est d'abord notre dignité et c'est aussi une opportunité économique car ce sont des femmes et des hommes qui ont aussi des qualifications remarquables", avait ajouté le ministre de l'Economie. Il avait ensuite plaidé en novembre pour la création d'un fonds franco-allemand de 10 milliards d'euros qui servirait à financer la sécurisation des frontières et l'accueil des réfugiés.
Sur la déchéance de nationalité
Alors que Manuel Valls défend pied à pied l'extension de la déchéance de nationalité, son ministre de l'Economie prend ses distances avec cette mesure emblématique du projet de réforme constitutionnelle. "Je crois qu'on a prêté trop d'importance à ce débat sur la déchéance, explique Emmanuel Macron, lors d'une conférence à la Fondation France-Israël, à Paris. J'ai, à titre personnel, un inconfort philosophique avec la place [que ce débat] a pris, parce que je pense qu'on ne traite pas le mal en l'expulsant de la communauté nationale."
Et il enfonce le clou : "Déchoir de la nationalité est une solution dans un certain cas, et je vais y revenir, mais à la fin des fins, la responsabilité des gouvernants, c'est de prévenir et de punir implacablement le mal et les actes terroristes. C'est cela notre devoir dans la communauté nationale." Quelques heures plus tard, Manuel Valls est forcé de relativiser : "Le texte a été adopté en Conseil des ministres. Emmanuel Macron le soutient. Il ne peut pas en être autrement."
Sur le terrorisme
"Aucune excuse sociale, sociologique et culturelle" ne doit être cherchée au terrorisme. Cette phrase, lancée, la voix nouée, par Manuel Valls, le 25 novembre, est en théorie une réponse à la question d'un député Les Républicains, à l'Assemblée nationale. "Dans notre pays, rien ne justifie qu'on prenne des armes et qu'on s'en prenne à ses propres compatriotes", explique le Premier ministre, fidèle à sa ligne stricte concernant les terroristes ("Expliquer, c'est déjà vouloir un peu excuser", avait-il aussi dit).
Mais tout le monde voit dans ces propos un recadrage d'Emmanuel Macron. En effet, quelques jours plus tôt, le 21 novembre, le ministre de l'Economie déclare : "Le terreau sur lequel les terroristes ont réussi à nourrir la violence, à détourner quelques individus, c'est celui de la défiance." Dénonçant notamment les discriminations et le manque de mobilité sociale au sein de la société française, le ministre ajoute : "Je ne suis pas en train de dire que tous ces éléments sont la cause première du jihadisme. C'est la folie des hommes, et l'esprit totalitaire et manipulateur de quelques-uns. Mais il y a un terreau, ce terreau est notre responsabilité." Il insiste : "Nous avons une part de responsabilité, parce que ce totalitarisme se nourrit de la défiance que nous avons laissée s'installer dans la société. Il se nourrit de cette lèpre insidieuse qui divise les esprits, et si demain nous n'y prenons pas garde, il les divisera plus encore."
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