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Vidéo Fin de l'abondance : pour la sociologue Sandra Hoibian, "la sobriété présentée par le chef de l'Etat est celle de la contrainte, du renoncement"

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Temps de lecture : 4min
Article rédigé par franceinfo
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En prĂ©ambule du conseil des ministres du mercredi 24 aoĂ»t, Emmanuel Macron a appelĂ© Ă  "l'unitĂ©" pour faire face Ă  "la fin de l'abondance". Une expression mal choisie qui tĂ©moigne de la vision de la sociĂ©tĂ© du prĂ©sident, selon la docteure en sociologie Sandra Hoibian.

"La sobriĂ©tĂ© prĂ©sentĂ©e par le chef de l'Etat est celle de la contrainte, du renoncement", a expliquĂ© jeudi 25 aoĂ»t sur franceinfo Sandra Hoibian, docteure en sociologie, directrice gĂ©nĂ©rale du Centre de recherche pour l'Ă©tude et l'observation des conditions de vie (Credoc). "L'idĂ©e de la sobriĂ©tĂ© c'est plutĂŽt de partir des besoins des individus", a-t-elle ajoutĂ© alors que l'expression "la fin de l’abondance" employĂ©e par Emmanuel Macron au sujet du rĂ©chauffement climatique a beaucoup fait rĂ©agir.

franceinfo : Cette expression "fin de l'abondance" peut-elle ĂȘtre entendue comme une remise en cause de notre sociĂ©tĂ© de consommation ?

Sandra Hoibian : Emmanuel Macron a dans son ADN l'image d'une croissance verte, l'idĂ©e que pour conserver les conditions de vie de la population et faire Ă©voluer la sociĂ©tĂ©, il faut s'appuyer sur la technologie, la responsabilitĂ© individuelle. Aujourd'hui, on est face Ă  une pĂ©nurie de matiĂšres premiĂšres et donc ce modĂšle de croissance infinie s'arrĂȘte un peu et on sent qu'il y a une forme de virage que le chef de l'Etat essaie de prendre. Il dit qu'on ne va plus pouvoir ĂȘtre dans ce modĂšle de croissance verte et qu'il faut aller vers de la sobriĂ©tĂ©. Mais la sobriĂ©tĂ© prĂ©sentĂ©e par le chef de l'Etat est celle de la contrainte, du renoncement. L'idĂ©e de la sobriĂ©tĂ© c'est plutĂŽt de partir des besoins des individus. Aujourd'hui, il y a 40% des voitures qui sont des SUV et le poids des voitures ne cesse d'augmenter depuis une dizaine d'annĂ©es. On a besoin de se dĂ©placer mais est-ce qu'on a besoin d'avoir un SUV ? La Convention citoyenne pour le climat avait dĂ©cidĂ© de renoncer Ă  cette forme d'abondance que peut ĂȘtre le SUV en se disant qu'on allait interdire ces ventes de gros vĂ©hicules. Mais finalement, on n'a pas interdit les 1,4 tonne mais les 1,8 tonne, soit 2% des vĂ©hicules.

Donc vous partagez le constat d'Emmanuel Macron mais pas son vocabulaire ?

Le vocabulaire et la vision de sociĂ©tĂ©. Il y a une responsabilitĂ© individuelle qui est valorisĂ©e, l'idĂ©e de faire de petits gestes et que c'est comme ça qu'on va rĂ©ussir Ă  gĂ©rer la pĂ©nurie et le manque. On sait que la responsabilitĂ© individuelle, c'est un quart du chemin Ă  faire pour rĂ©duire l'empreinte carbone. On comprend que cela puisse agacer une partie de l'opinion qui essaie de faire un certain nombre de choses, mais pour pouvoir se mettre en mouvement il faut un mouvement gĂ©nĂ©ral. La sobriĂ©tĂ© c'est comme un Rubik's cube : s'il n'y a qu'un petit carrĂ© qui bouge ça ne peut pas suffire. Il y a des choses qui pourraient changer, un rapport Ă  la consommation qui est en train d'Ă©voluer mais pas suffisamment rapidement. Mais cela ne peut pas ĂȘtre le seul levier. Il y a beaucoup de dimensions contraintes dans le choix des mĂ©nages, la question des infrastructures, des transports en commun, du prix des logements, sur lesquels ils ne peuvent pas agir. C'est lĂ  que le mot d'abondance vient heurter.

Si Emmanuel Macron avait dit qu'il fallait tout changer, les Français auraient-ils Ă©tĂ© prĂȘts ?

On a un Français sur deux qui est déjà engagé dans une action. Certains ont diminué la consommation de viande, on a une baisse de 12% sur une dizaine d'années ce qui n'est pas rien. La question qui se pose c'est de faire bouger les ménages, mais pour ça il faut une action des entreprises et des pouvoirs publics. Mais tout le monde se renvoie la balle. Pour se mettre en mouvement il faut avoir le sentiment que c'est juste. De maniÚre récurrente, quand il y a des mesures prises de limitation, il y a un sentiment que c'est "deux poids, deux mesures", que pour les petits il y a beaucoup de taxes et qu'il y en a moins pour les gros. L'acceptabilité se joue beaucoup dans la question de l'équité et dans l'accompagnement des ménages.

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