Fillon relance le malaise de l'UMP face au FN
Avec ses propos incitant à choisir le moins "sectaire" entre un socialiste et un frontiste aux municipales, l'ex-Premier ministre fragilise la ligne "ni-ni" de son parti.
François Fillon sème le trouble dans son camp après ses propos, dimanche 8 septembre, conseillant aux siens de choisir "le moins sectaire" entre un socialiste et un candidat FN aux élections municipales. Le député UMP a réitéré dans un entretien au Figaro (lien payant), lundi : "Je revendique ma liberté. Je ne veux plus de cette règle stupide du 'ni-ni'."
Loin du "cordon sanitaire", théorisé par Jacques Chirac en 1986, comme le détaille Le Monde, l'UMP voit ainsi sa ligne du "ni-ni" (ni alliance avec le FN, ni appel à voter PS) fragilisée. Un changement qui pourrait créer de nouvelles divisions dans un parti qui ne s'est toujours pas remis de sa guerre interne Copé-Fillon. Francetv info revient sur ce nouveau malaise à l'UMP.
Le "cas par cas", l'apparition d'une nouvelle stratégie
François Fillon a esquissé ce qui pourrait devenir une nouvelle stratégie, lors du "Grand Rendez-Vous Europe 1 / Le Monde / i-Télé". Concernant les seconds tours entre des listes PS et FN, il a déclaré : "Aux municipales, je conseille de voter pour le moins sectaire." L'ancien Premier ministre, candidat annoncé à la primaire UMP pour 2017, a ainsi détaillé qu'un maire se devait de rassembler sa ville. Et d'estimer que certains socialistes peuvent se montrer plus sectaires que des membres du Front national.
Invité à réagir sur France Inter, Jean-Louis Borloo s'est également prononcé pour un "cas par cas". Le président de l'UDI a quand même souligné, qu'il était plus facile de conduire une ville "avec des gens de gauche qu'avec le Front national", évoquant le souvenir des municipalités gérées par le FN. Le reste de l'opposition a montré moins d'entrain dans son soutien à François Fillon.
Le "ni-ni" reste la ligne officielle
Le président de l'UMP, Jean-François Copé, s'est étonné de la sortie de François Fillon, sur BFMTV, avant de rappeler avec fermeté la ligne du "ni-ni" de son parti, développée en 2011 lors des élections cantonales par Nicolas Sarkozy et reconduites pour les élections législatives de 2012. Mardi, il a même avoué sur i-Télé ne pas "avoir très bien compris" la déclaration de son rival, réaffirmant qu'aucune consigne de vote ne serait donnée lors des affrontements PS-FN. Dans la même veine, Henri Guaino a réclamé qu'on cesse de "donner des conseils aux électeurs", qui d'ailleurs "n'écoutent pas".
Parmi les responsables de l'UMP, si certains préfèrent esquiver toute réaction à l'image de Luc Chatel, d'autres se montrent plus critiques. Ainsi, par deux fois, Alain Juppé a recadré François Fillon. Dans un entretien à l'Express, puis au micro de France info, le maire de Bordeaux a assuré qu'il ne mettait pas l'extrême droite et le PS sur le même plan. Pour lui, il n'est pas question "de soutenir un candidat Front national, et aujourd'hui moins que jamais", invoquant les dangers du programme économique du FN. Si le "ni-ni" de son parti convient à Alain Juppé, l'ancien Premier ministre estime qu'il existe tout de même des "circonstances exceptionnelles", où l'UMP peut soutenir le candidat social-démocrate.
D'une manière générale, l'abandon du "front républicain" au profit du "ni-ni" semblait faire consensus au sein de l'UMP. Même Benoist Apparu, longtemps resté un fervent partisan du barrage commun au FN, avoue pencher aujourd'hui vers le "ni-ni". Contacté par francetv info, il se déclare en effet "excédé par les leçons de morale permanentes du PS", qui instrumentalise, selon lui, le FN. La stratégie du "ni-ni" permettait à l'UMP de ne pas froisser les électeurs de Marine Le Pen et de rester au contact de sa base militante très ancrée à droite, analyse Le Parisien. Pourtant, François Fillon vient jouer les trouble-fêtes.
La nouvelle stratégie de François Fillon
Les proches de l'ancien Premier ministre ont, dans un premier temps, cherché à désamorcer la polémique. Eric Ciotti est monté au créneau sur Europe 1, en assurant que la ligne de François Fillon n'avait "pas changé" et que sa position restait "toujours claire". Mais le principal intéressé a confirmé ses propos au Figaro et qualifié le "ni-ni" de règle stupide. Il a même lâché qu'il serait prêt à voter FN, "si vraiment, dans un cas donné, le candidat du FN était manifestement le moins sectaire des deux".
François Fillon connaît suffisamment bien le système médiatique pour savoir que ce genre de phrase va laisser des traces, comme le note un édito de France info. Il assumerait là une nouvelle stratégie en vue des municipales de 2014, pour envoyer un signal aux électeurs frontistes, selon Le Point. L'hebdomadaire estime que François Fillon a conscience du poids de l'électorat FN sur les élections, mais aussi du fait qu'il ne peut pas se passer de cette droite radicale. L'ancien Premier ministre, souvent vu comme trop centriste, chercherait ainsi à durcir son image.
Reste qu'une telle tactique pourrait conforter les partisans d'une politique d'alliances locales entre l'UMP et le FN. Libération relevait en juillet de nombreux exemples d'élus locaux tentés par un rapprochement. Un tel scénario renforcerait Marine Le Pen dans sa stratégie qui vise à faire imploser l'UMP pour créer un grand parti à la droite de la droite, comme le décrypte La Tribune. L'ancienne ministre Chantal Jouanno, qui passe pour une modérée au sein de l'UMP, avait d'ailleurs estimé sur RFI au moment des législatives l'an dernier : "Marine Le Pen n'a pas caché son ambition de faire éclater l'UMP, sa volonté est de détruire l'UMP et la droite classique."
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