François Bayrou, l'homme qui zigzague sans cesse vers la présidentielle
Le MoDem et l'UDI ont annoncé mardi leur rapprochement. Mais à quoi joue exactement François Bayrou ?
Un mariage qui redonne de l'espoir à François Bayrou. Son parti, le MoDem, et l'UDI de Jean-Louis Borloo ont annoncé le rapprochement de leurs formations dans une grande alliance centriste, lors d'une conférence de presse mardi 5 novembre.
Une étape vers la potentielle reformation d'un centre puissant à l'image du défunt UDF (Union pour la démocratie française), qui est devenue possible avec le recentrage effectué par François Bayrou depuis quelques mois. Des mains tendues à la gauche aux gifles distribuées à l'UMP, le parcours du président du MoDem se dessine depuis dix ans en zigzag. Mais une constante demeure : l'envie de devenir président de la République.
Les revirements de François Bayrou
"Il est passé d'une alliance avec la droite, à un positionnement au centre, à un soutien à gauche, avant de revenir aujourd'hui vers le centre droit. Quand on regarde les volte-face du bonhomme, on peut être déboussolé." Joint par francetv info, le député UMP Benoist Apparu résume ainsi la trajectoire de François Bayrou, pour expliquer la méfiance de son camp à l'égard de la nouvelle alliance UDI-MoDem.
L'ancien ministre d'Edouard Balladur et d'Alain Juppé commence à prendre son indépendance vis-à-vis de la droite à partir de 2002, pour construire progressivement un centre émancipé, comme l'expliquait Libération en 2007. En mai 2012, il franchit même un nouveau cap. Sans donner de consignes de vote à ses électeurs, il déclare qu'il votera François Hollande au second tour de l'élection présidentielle, actant ainsi sa rupture avec la droite.
Pas de revirement, mais "une vraie cohérence", estime pour sa part le militant MoDem Erwan Balanant, interrogé par francetv info. Candidat aux municipales à Quimperlé (Finistère), il explique que "François Bayrou souhaite construire depuis quinze ans un mouvement centriste du centre gauche au centre droit", et le rapprochement avec Jean-Louis Borloo s'inscrit dans cette logique.
L'échec de la main tendue à gauche
Depuis l'élection de François Hollande, l'ancien député des Pyrénées-Atlantiques a fait plusieurs appels du pied en direction du président. Comme en avril dernier, lorsqu'il se déclare "prêt depuis des années" à occuper le poste de Premier ministre, dans l'émission "C Politique" sur France 5. "Il a ouvert la voie à un nouveau paysage politique français en tendant la main à Hollande, mais depuis, la porte s'est claquée", détaille Erwan Balanant. Une porte que "Bayrou s'est prise (...) dans la gueule", complète le président du Nouveau Centre, Hervé Morin, interviewé par le JDD.
Pour Erwan Balanant, "ce n'est pas un échec" du président de son parti, mais uniquement une erreur des socialistes, qui "se recroquevillent sur leurs idées, leurs vieilles traditions politiques". A l'inverse, pour Benoist Apparu, le recentrage de François Bayrou s'apparente bien à un échec de sa stratégie au regard du nombre d'élus qu'a perdus le MoDem ces dernières années.
Interrogé par francetv info, le politologue Richard Robert, auteur de l'ouvrage La Possibilité d’un centre. Stratégies de campagne de François Bayrou (Ed. Michalon, 2007), considère pour sa part que "Bayrou s'est aperçu que l'électorat venu de sa gauche n'était pas très fidèle". Par conséquent, "l'effervescence politique des débuts du MoDem n'a pas réussi à trouver sa traduction dans les urnes". Et pour le chercheur, Bayrou s'est aperçu qu'une alliance avec la gauche se révélait impossible en raison de l'histoire du PS et du poids de la gauche mélenchoniste.
L'obsession présidentielle
"En 2010, je pensais qu'il était mort et qu'il ne reviendrait pas", avoue Richard Robert. Le politologue évoque "une trajectoire de vie" entièrement tournée vers la présidentielle : "Pour lui, il sera président un jour coûte que coûte. Il ne pense qu’à ça, persuadé de son destin présidentiel."
"On a tous un peu l'impression qu'il a vu la vierge qui lui a dit 'tu seras président un jour'", abonde Benoist Apparu. L'ancien ministre du Logement espère cependant que celui qui a été candidat trois fois à l'élection présidentielle (2002, 2007 et 2012) a appris de ses erreurs, mais il conclut : "Je ne crois pas qu'il ait vraiment changé."
Erwan Balanant marque son désaccord : "Je ne suis pas du tout sûr qu’il ait envie d’y retourner en 2017." Il estime que François Bayrou cherche désormais à mettre en place un mouvement capable de porter ses idées en 2017, avant de rappeler que l'ambition est nécessaire pour réussir en politique. De toute manière, Bayrou président, Richard Robert n'y croit pas vraiment. "Ou alors il faudrait une vraie crise du régime avec un éclatement du quinquennat Hollande ou bien un effondrement de l'UMP", et même dans ces conditions, Marine Le Pen pourrait tirer son épingle du jeu, selon le politologue.
Une question de survie
Reste à savoir quels bénéfices peut espérer François Bayrou dans cette recomposition du centre. Benoist Apparu pense que cela va lui permettre de se "reconstituer une force politique avec un petit tissu d'élus". De son côté, Richard Robert évoque les rumeurs d'un accord où François Bayrou pourrait se porter candidat à l'élection présidentielle, mais il laisserait à Jean-Louis Borloo le soin de négocier le poste de Premier ministre en cas de victoire de l'UMP. "Une stratégie délicate", selon le spécialiste, qui ajoute par ailleurs que Bayrou va chercher à "grignoter Borloo".
Si Erwan Balanant refuse de se poser "si tôt" dans l'optique de 2017, il espère que le rapprochement permettra "d'attirer des gens modérés" sur la ligne des centristes. Il évoque l'objectif des élections intermédiaires en posant ses conditions sur cette nouvelle alliance : "Un nouveau projet politique, qui ne soit pas la reformation d’une formation de centre droit sur les cendres de l’UDF."
Dans tous les cas, "François Bayrou n'a pas d’autres alternatives, s’il ne souhaite pas se retrouver tout seul", tranche Richard Robert. L'UMP Benoist Apparu partage cette analyse : "Quand on voit le nombre d'élus du MoDem actuellement, on comprend qu'il joue sa survie politique."
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