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Comment les soutiens d'Alain Juppé s’organisent en coulisses pour contrer François Fillon

Depuis plusieurs semaines, des cadres des Républicains cherchent à contraindre leur candidat d'abandonner, face aux soupçons présumés d'emplois fictifs. Les juppéistes en particulier, même s'ils se défendent d'être à la manœuvre.

Article rédigé par Sophie Brunn
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Alain Juppé, lors d'un meeting de soutien à François Fillon, le 17 février 2017 à Bordeaux (Gironde). (UGO AMEZ / SIPA)

Comment débrancher François Fillon ? "Si on avait la réponse à cette question, on l’aurait fait depuis un certain temps", s’exclame un ancien soutien d’Alain Juppé à la primaire. Tous le reconnaissent sans ambage : il n’y a aucun moyen de contraindre le vainqueur de la primaire de la droite et du centre à renoncer. Le processus ne prévoyait pas de marche arrière. Et à présent que le député de Paris "a ses 500 parrainages, et l’argent pour faire campagne, on ne peut pas le 'putscher'", dit un autre proche du maire de Bordeaux. "Personne ne peut l’empêcher d’avoir ses bulletins au premier tour. Le seul moyen de le faire changer d’avis, c’est la pression politique". Et pour que cette pression soit maximale, les partisans de Juppé, rejoints par bien d'autres clans des Républicains, jouent sur plusieurs tableaux.

Avancer ses pions sans abattre ses cartes

D’abord, jouer l’union, l'intérêt de la famille politique avant celui de leur champion. "L'opération, ce n’est pas pour faire la place à Juppé, c’est pour débrancher Fillon", assume ainsi le député Benoist Apparu. Et de poursuivre : "Que ce soit Juppé, Baroin, Larcher ou un autre, j’ai envie de vous dire, ca m'est égal, ce n’est pas le sujet."

Aujourd’hui, je ne suis pas juppéiste, pas sarkozyste, pas filloniste. Je suis juste un type de droite qui a envie d’être représenté au second tour. C’est une opération pour qu’il y ait encore un espace politique entre le FN et Macron.

Benoist Apparu

à franceinfo

C’est la raison pour laquelle Alain Juppé ne donnera pas lui-même de signe explicite en ce sens. "Ce serait totalement incohérent", d'après Benoist Apparu. Un autre proche du maire de Bordeaux se défend d’être à la manœuvre. "Beaucoup de gens me demandent ce qu’ils doivent faire. Je leur réponds de faire en conscience, de parrainer Fillon, de parrainer Juppé, ou d’attendre."

La solution Juppé, si elle doit exister, doit venir d’ailleurs que de chez nous.

Un proche du maire de Bordeaux

à franceinfo

Et Juppé, il en est où ? "Il en est nulle part, il observe, il attend." Ce n’est pas ce qu’affirme Le Parisien, qui raconte que Juppé a donné son feu vert pour lancer les hostilités. Mais il y met en effet une condition : que ce soit une "lame de fond" en sa faveur.

Orchester les défections et récupérer des parrainages

Pour pousser Fillon dehors, il faut (res)susciter l’hypothèse du recours. Impossible, certes, d’obliger Fillon à renoncer. Mais "cela ne veut pas dire qu’il peut empêcher un autre candidat d’exister", souffle ainsi un juppéiste. Et cet "autre candidat" s’appelle naturellement... Alain Juppé. Alors les troupes du maire de Bordeaux commencent à s’organiser. Etape 1 : orchestrer les défections. Elles se sont multipliées depuis 48 heures. Etape 2 : canaliser les parrainages. 

"Des dizaines d’élus" auraient déjà choisi de parrainer Juppé. "Au vu du contexte, si Fillon renonce, il faut s’organiser pour permettre à Juppé d’être candidat", dit Pierre-Yves Bournazel, conseiller de Paris et conseiller régional, qui a apporté sa signature au maire de Bordeaux. 

C'est aussi ce que font des partisans de Bruno Lemaire, des proches de Jean-François Copé, des centristes...

Pierre-Yves Bournazel

à franceinfo

Vincent Le Roux, qui vient de démissionner de son poste de conseiller auprès du directeur de campagne de Fillon, serait déjà en charge de superviser cette collecte. Le Parisien relate même que par téléphone, "le cabinet de Juppé" serait en train de battre le rappel auprès des anciens soutiens de Juppé, y compris ceux qui depuis la primaire, ont rallié... Emmanuel Macron !

Mais qui sortira du chapeau ?

Si Juppé obtenait 500 signatures, cela deviendrait en tant que tel "un argument pour empêcher Fillon", estime un de ses partisans. "Si deux candidats de droite ont les parrainages, là on rentre dans un autre monde, les deux vont être testés dans des sondages…Cela crée une situation où on n’est plus soumis au couperet du 17 mars", date limite de l’envoi au Conseil constitutionnel des parrainages. D’autres préfèrent attendre avant d’envoyer leur parrainage, le temps de voir "qui sortira du chapeau".

Difficile, en effet, d’être sûr que le parti va s’accorder sur la candidature de Juppé. C’est le dernier volet de cette stratégie, et l’une des clefs pour contraindre Fillon : les alliances au sein des Républicains, et notamment la nécessité de s’accorder avec Nicolas Sarkozy. "C’est un levier", reconnaît un partisan d’Alain Juppé. "Il n’y a plus de veto de Sarkozy à l’encontre de Juppé", croit savoir un autre. De nombreux sarkozystes ont en tout cas publiquement désavoué François Fillon.

Si "la machine est en route", comme le dit un partisan de Juppé, cela sera-t-il suffisant ? Certains en doutent, au vu de l’attitude de Fillon depuis plusieurs semaines. "Il faut se mettre à sa place", explique un cadre des Républicains. "Pour lui, quelle est l’alternative ? Abandonner et finir dans l’opprobre général ou une micro-chance de gagner la présidentielle ? Tout cela a un côté 'Waco'." Référence à la ville du Texas où en 1993, 82 membres de la secte des Davidiens étaient morts dans l’incendie de leur ranch. Après des semaines de siège, la police avait donné l’assaut.

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