Charleville-Mézières : avant le meeting de François Fillon, l'enthousiasme a laissé place au doute
A Charleville-Mézières, dans les Ardennes, où François Fillon est en meeting jeudi soir, les soupçons d'emplois fictifs qui pèsent sur le candidat semblent avoir flétri le crédit que lui portaient sympathisants et militants.
François Fillon est en meeting jeudi 2 février à Charleville-Mézières dans les Ardennes, après plusieurs visites dans l'après-midi sur le thème de la fracture des territoires. Dans ce département tant rural qu'industriel de 280 000 habitants, symptomatique de ce sentiment de déclassement que vivent les habitants, le Front national avait réalisé d'importants scores.
Ainsi y a-t-on vu Florian Philippot recueillir plus de 38% des voix au premier et au second tour des élections régionales de 2015. François Fillon, lui, avait fait réalisé un score de 73% lors du deuxième tour de la primaire de novembre face à Alain Juppé. Ici, les soupçons d'emplois fictifs qui pèsent sur le candidat semblent avoir froissé le crédit que lui portaient sympathisants et militants.
Une impression de trahison
À Charleville-Mézières, sur la place Ducale, Mathilde a voté à la primaire et s'appprêtait à voter Fillon en avril prochain. Cette sympathisante non militante a aujourd'hui l'impression d'avoir été trahie. Et pourrait changer d'avis. "Cela dépendra de la réponse de la justice. Pour moi, être président, c'est effectivement avoir un bon programme politique mais aussi être une personne droite pour gérer le pays", confie-t-elle.
Elle sera jeudi soir au meeting de François Fillon, ce qui fait dire à la patronne des Républicains dans le département, Else Joseph, que tout n'est pas perdu. "Les gens interrogent, se posent des questions, mais je pense qu'il existe encore une forme de confiance envers François Fillon" explique Else Joseph. Et elle ajoute : "Nous l'accueillons avec plaisir pour écouter ses propositions sur la fracture territoriale, sur développement du numérique, sur le soutien aux zones rurales...Voilà ce qu'on attend !", relativise l'élue.
Sauver les apparences, faire bloc
Benoit Huré, le président Les Républicains du département, lui, est persuadé que les sympathisants seront présents en masse pour le meeting ce soir. Avec un objectif : écouter François Fillon dérouler ses propositions, mais aussi faire bloc autour du candidat attaqué de toutes parts.
Il y a des gens qui sont venus spontanément vers nous en nous disant 'Nous sommes de votre sensibilité politique, mais la vie politique ne nous intéresse pas. Nous allons voter, et si le reste ne nous intéresse pas, ce qui se passe en ce moment nous semble tellement excessif que nous irons pour la première fois à un meeting et ce sera celui de François Fillon.
Benoit Huré, président LR du départementà franceinfo
Si les cadres du parti dans le département essaient de sauver les apparences, il semble cependant que derrière les postures, souffle un vent de panique. Else Joseph a même le sentiment que quelque chose s'est brisé irrémédiablement. "Nous avions un boulevard pour gagner, on a tout foutu en l'air, concède-t-elle. On entend ce genre de questions...Il restera toujours quelque chose : que ce soit illégal ou pas, c'est à la justice de le dire. Mais moralement, je pense qu'il restera quelque chose" souligne l'élue.
Le Front national aux abois
Certains pourraient, à écouter Benoit Huré, être tentés d'exprimer une colère à travers un vote Front national. Le patron du Front national dans les Ardennes, Guillaume Luczka, le sait bien, même s'il se garde de tout triomphalisme. "On n'essaie pas de récupérer telle ou telle affaire... parce que c'est l'ensemble de la classe politique qui en prend un coup. Et ça ne peut que faire augmenter l'abstention.", tempère-t-il. Patrick, cadre dans une collectivité locale, éduqué, informé, au contact des élus, ne sait d'ailleurs pas s'il ira voter : "Ce sera la première fois. Tout ceci me laisse assez froid. C'est regrettable...", soupire l'homme.
Ce que gagne un smicard toute une vie
Du côté des élus, c'est plutôt la manière dont les chiffres ont été présentés qui exaspère. "Quand on dit que Penelope Fillon a gagné 500 000 euros, et encore aujourd'hui 900 000, puis qu'on y ajoute les enfants pour faire bon poids et arriver au million, tant qu'à faire... Combien gagne un smicard dans toute sa carrière professionnelle ? 750 000 euros, environ ! tempête Patrick Fostier, référent de la campagne de François Fillon dans les Ardennes. "Quand on sait que ce dernier a environ 1 200 euros net par mois, on relativise les choses... En utilisant l'une ou l'autre manière de présenter les chiffres, on ne dit pas tout à fait la même chose !" souligne Patrick Fostier.
L'affaire laissera des traces indélébiles
Else Joseph se range derrière le même argument : "Évidemment que de telles sommes me choquent, explique la patronne locale des Républicains. Mais il faudrait pouvoir comparer avec le salaire cumulé d'un smicard ou d'un ouvrier." Benoit Huré ne s'en écarte pas davantage : "On voit des chiffres astronomiques. Mais avez-vous fait le calcul ? Si on totalisait les sommes versées à un pauvre smicard depuis 1988, savez vous ce que cela représenterait ?"
Les éléments de langage semblent avoir été bien digérés. Autant sur le sujet des sommes évoquées que sur celui du député Georges Fenech qui appelait François Fillon à retirer sa candidature mercredi midi, sur l'antenne de franceinfo. Patrick Fostier, à cet égard, n'économise pas ses mots. "En temps de guerre, estime-t-il, quand ça tire et que ça mitraille, il y a des gens qui se cachent dans les trous d'obus, et d'autres qui y vont. Monsieur Fenech est un monsieur dont le courage n'est pas la vertu principale." Quelle que soit l'issue politique et judiciaire de cette affaire, nul doute qu'elle laissera quelques traces indélébiles dans cette campagne.
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