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François Hollande est-il en voie de chiraquisation ?

Retour d'un Premier ministre bouclier, nomination de proches de Chirac, même rebond dans un sondage au moment du Mondial... Le quinquennat de Hollande ressemble parfois au premier mandat de son prédécesseur corrézien.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'ancien président Jacques Chirac (à g.) et sa femme Bernadette, aux côtés de François Hollande, le 11 juin 2011, à Sarran (Corrèze). (JEAN-PIERRE MULLER / AFP)

On savait déjà, grâce à une confidence peu discrète, que Jacques Chirac votait François Hollande. On s'aperçoit ces derniers mois que l'actuel président de la République s'inspire de plus en plus de son prédécesseur "corrézien", en nommant des proches de Chirac à des postes à responsabilités, ou en se mettant en scène comme premier supporter de l'équipe de France. Même la courbe d'approbation de son action, qui rebondit de 5 points (18 à 23%) dans le dernier baromètre Ifop pour Paris Match, paraît suivre la tendance de celle des premières années de Jacques Chirac à l'Elysée. Avec des taux d'approbation néanmoins très en deçà.

Quels sont les points communs entre les deux présidents ? François Hollande va-t-il rebondir comme Jacques Chirac en son temps ? Francetv info tente d'y voir plus clair.

Oui, il revient aux fondamentaux de la Ve République

En nommant Manuel Valls à Matignon, François Hollande a renoué avec un grand principe de la Ve République, le Premier ministre fusible, principe oublié par Nicolas Sarkozy et par lui-même pendant deux ans. "L'arrivée de Manuel Valls permet au président de se cacher derrière lui, analyse pour francetv info Arnaud Mercier, professeur en communication politique à l'université de Lorraine. Jean-Marc Ayrault ne jouait pas ce rôle."

Le président a pris un peu de recul sur la politique intérieure, laissant son Premier ministre monter en première ligne face à la grève à la SNCF ou sur la réforme territoriale. Il s'est, à l'inverse, beaucoup investi dans les cérémonies du 70e anniversaire du Débarquement. Un événement qui pourrait expliquer son léger rebond dans le baromètre Ifop, selon Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'institut. "Nous avons eu des gens qui nous ont dit : 'Je ne l’aime pas, son action m’inquiète, mais il a fait président à cette occasion'", raconte-t-il à francetv info.

Ces derniers mois, le président de la République est donc "un peu plus sur les hauteurs que soutier au fond de la mine à pousser les wagonnets", résume Arnaud Mercier. C'est d'ailleurs comme défenseur des "intérêts de la France à l'étranger" que le chef de l'Etat grappille des points dans le baromètre Ifop.

Oui, il surfe sur la Coupe du monde

Pendant la Coupe du monde 1998, Jacques Chirac n'avait pas hésité à enfiler un maillot des Bleus et à débouler dans les vestiaires de l'équipe de France pour redorer sa cote de popularité (+15 points, selon les calculs de notre blog Electionscope).

 

Le chef de l'Etat reçoit un maillot de l'équipe de France floqué à son nom, à la mi-temps du match France-Nigeria, le 30 juin 2014, à l'Elysée. (PHILIPPE WOJAZER / REUTERS / X00303)

Depuis le début de la compétition au Brésil, François Hollande tente lui aussi de surfer sur l'événement. Interviews avant et après le premier match, réceptions à l'Elysée pour regarder chaque rencontre des Bleus, tweetsSMS de félicitation à Didier Deschamps... Le président aime les Bleus et veut le faire savoir.

Cela peut-il fonctionner aussi bien qu'en 1998 si les Bleus vont au bout ? "François Hollande a pour lui d’avoir toujours aimé le foot et d'être connu pour ça. Son intérêt est plus marqué que chez Chirac, observe Philippe Moreau-Chevrolet, communicant chez MCBG Conseil, contacté par francetv info. Mais ce qu’avait Chirac que n’a pas Hollande, c'est la capacité à être en phase avec l’émotion des Français." "Hollande n'est pas quelqu’un qui a un sens de l’humain ou de l'empathie", ajoute-t-il. 

Oui, il adopte son look

Autre emprunt à Jacques Chirac, le look. "Ils ont la même manière de s'habiller, avec des costumes larges et un côté terrien", constate Philippe Moreau-Chevrolet, pour qui les nouvelles lunettes du président, plus grandes et plus visibles, s'inscrivent dans une volonté d'imiter Jacques Chirac. "Le look plouc a beaucoup servi, c'est parfois un outil de communication", précise-t-il.

Oui, il nomme des Chiraquiens

Depuis son arrivée au pouvoir, François Hollande s'est entouré de plusieurs proches de Jacques Chirac. Thierry Rey, père du petit-fils de l'ancien président de la République, a été membre de son cabinet de 2012 à 2014. Et Hollande a proposé la nomination de Jacques Toubon, ancien ministre chiraquien, au poste de Défenseur des droits.

Début juin, l'ancienne porte-parole de Jacques Chirac à l'Elysée, Catherine Colonna, a été nommée ambassadrice à Rome. L'ancien conseiller diplomatique de Chirac, Maurice Gourdault-Montagne, hérite, lui, du poste de Pékin, rapporte Le Figaro. Politiquement, Philippe Moreau-Chevrolet voit dans ces nominations une volonté délibérée "d'affaiblir ses adversaires à droite".

Non, il est bien plus bas dans les sondages

Il reste à savoir si François Hollande peut rebondir comme son prédécesseur. Pour les observateurs contactés par francetv info, le scénario est peu probable, même si le dernier sondage laisse entrevoir une embellie. "Ce n'est qu'un seul sondage, il faut voir si les autres enquêtes confirment ce rebond", rappelle Christian Delporte, historien et professeur à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, contacté par francetv info. 

"Il y a l'évolution du sondage, mais il y a aussi le niveau : les trois quarts des Français n'approuvent toujours pas l'action de Hollande et cela reste l'un des plus mauvais scores jamais mesurés par ce baromètre", pointe Frédéric Dabi, de l'Ifop. En novembre, le président avait déjà battu tous les records d'impopularité dans les baromètres Ifop et CSA. Dans cette situation, même une victoire des Bleus ne lui permettrait pas de remonter durablement. Pour Christian Delporte, s'il faut faire un parallèle en matière de sondage, c'est plutôt avec Nicolas Sarkozy : "Il y a eu de temps en temps des rebonds, et puis, c'est retombé", rappelle-t-il.

Non, la situation économique est bien plus mauvaise

François Hollande doit en outre affronter un contexte économique de crise inédite sous les années Chirac. "En 1998, nous étions dans une période de croissance qu'on ne connaît pas en ce moment", rappelle Frédéric Dabi. Or, "la grille d'évaluation de l'action de François Hollande par les Français est très indexée sur l'économie et le social", note le sondeur.

"Pour que cette remontée dans les sondages se stabilise, il faudrait un changement de regard sur sa politique intérieure, et on n'en est pas là", abonde Christian Delporte. Les prévisions de croissance de l'Insee, qui table sur une timide progression de 0,7% du PIB en 2014, n'incitent pas à l'optimisme. 

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