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RECIT FRANCEINFO. Isolement, chômage, sentiment d'abandon... En Thiérache, "on a les miettes" et on vote FN à 60%

Camille Adaoust le mardi 6 juin 2017

Une maison de l'Aisne affiche une pancarte "Oui à la sauvegarde de notre Thiérache", le 19 mai 2017. (CAMILLE ADAOUST / FRANCEINFO)

Dans mon village, 42 personnes sur 83 ont voté pour Le Pen au second tour de la présidentielle. Quand je pense que nous sommes 18, dans ma famille, à avoir voté pour Macron, ça me fait peur." Depuis son bureau, à Haution, Claire Halleux fait les calculs. Cette agricultrice de la Thiérache – une petite région rurale située dans le nord-est de l'Aisne – relève ici une tendance qui se vérifie dans toute sa circonscription. Le 7 mai, au second tour de l'élection présidentielle, 59,84% des Thiérachiens ont glissé un bulletin FN dans l'urne.

Un "vote de contestation", un "cri de colère", pour beaucoup d'habitants. "Il y en a marre des entreprises qui ferment. Ce qui a poussé les gens d’ici à voter pour Marine Le Pen, c’est son programme pour empêcher la délocalisation des entreprises", avance un couple de retraités. La fuite des entreprises, mais pas seulement. Les transports manquent, tout comme les médecins ou les services publics. "Dans l’Aisne, tous les indicateurs sont alarmants. Dans la Thiérache plus précisément, ils sont encore plus dans le rouge", confirme Jean-Marc Prince, maire de Vervins, une commune située dans le centre de la circonscription.

Pour mieux comprendre cette "colère" des Thiérachiens, franceinfo a passé plusieurs jours à leur rencontre. 

Une heure aller, une heure retour...

Les trains sont rares dans la gare d'Origny-en-Thiérache (CAMILLE ADAOUST / FRANCEINFO)

Le transport est le problème majeur de la Thiérache." Ce n'est pas toujours le cas, mais sur ce point, élus locaux et habitants font le même constat. Lorsque nous arrivons dans la petite gare d’Origny-en-Thiérache, le prochain train est annoncé dans trois heures et demie. Sur le quai désert, aucun guichet, seulement un petit abri pour se protéger de la pluie.

Dans ce territoire, pas la peine de chercher une gare TGV ou une autoroute. Les Thiérachiens doivent se contenter de petites stations, qui ne voient que quelques trains passer chaque jour. Et de la nationale 2, qui traverse la région, de Laon, la préfecture axonaise, jusqu'à la frontière belge. Marle, Vervins, La Capelle... "Elle irrigue la Thiérache", décrit dans son bureau Jean-Marc Prince, le maire de Vervins, l'une des plus petites sous-préfectures de France avec seulement 2 500 habitants. Problème ? "Elle est à voie unique, et parfois en mauvais état. Les candidats qui se sont présentés dans la région ont toujours proposé de l’améliorer. Mais personne n’y croit plus. Dès que vous en parlez, les gens vous répondent qu’ils seront morts avant que cela change", soupire Jean-Marc Prince. 

Sur la route qui nous mène à La Capelle, des panneaux "chaussée déformée" ornent effectivement les bas-côtés. "Sur la RN2, on n’avance pas", souffle Isabelle, directrice d'école dans ce petit bourg de 1 800 âmes, connu pour sa foire aux fromages et son concours du plus gros mangeur de maroilles. "La route traverse beaucoup de petits villages dans lesquels on doit réduire, à chaque fois, notre vitesse", reprend Isabelle. Des ralentissements auxquels il faut ajouter ceux causés par les très nombreux poids lourds et tracteurs qui traversent la région.

A huit kilomètres de là, Josiane et Roger Sapin sont attablés dans leur jardin d'Etréaupont. La RN2, c'est un peu leur quotidien. D'abord, parce qu'elle passe juste devant leur maison en briques – du jardin, on devine le bruit régulier des véhicules. Et aussi parce que ces deux retraités de 69 et 70 ans l'empruntent constamment. "En voiture, on la prend obligatoirement, assure le couple de retraités. Et sans voiture, ici, on ne fait rien. On est loin de tout."

La Thiérache est à une heure environ de toutes les grandes villes de la région. (ANSELME CALABRESE / FRANCEINFO)

"Pour faire les cadeaux de Noël des petits enfants", Josiane et Roger doivent se rendrent à Laon ou Maubeuge, deux petites villes qui comptent moins de 30 000 habitants. Une heure aller, une heure retour. "Pour s'habiller", Claire Halleux, l'agricultrice laitière d'Haution, préfère Saint-Quentin, la plus grosse ville du département. Même tarif : une heure aller, une heure retour... "Ça prend la journée." "Pour avoir internet", Claire Martin-Delozanne, une journaliste récemment arrivée à la rédaction locale de L'Union, à Hirson, a dû aller "chercher un boîtier" à Maubeuge. Une heure aller, une heure retour... "Et pour faire ma carte grise ? J’ai dû aller à Charleville-Mézières." Une heure aller, une retour. Encore et toujours.

Claire Martin-Delozanne en profite pour pointer du doigt la trop faible offre de transports en commun. Sur une carte accrochée dans son bureau, elle montre : "A Hirson, on n’a pas de bus de ville, alors qu’il s’agit d’une commune de 10 000 habitants. A Guise, 5 000 habitants, il n'y a pas de gare..." Maire de Fontaine-lès-Vervins depuis 2003, Laurent Marlot se présente aux législatives les 11 et 18 juin, sous l'étiquette des Républicains. "Autour de la RN2, ça vit un peu, mais plus on s’écarte, moins c’est le cas, constate-t-il lui aussi. La Thiérache n’a jamais été désenclavée."

Des services publics toujours plus loin

Sur le bord d'une route thiérachienne, une station-service est à vendre (CAMILLE ADAOUST / FRANCEINFO)

Si la voiture est indispensable, les pompes à essence sont, elles, assez rares. "Station-service fermée. A vendre", peut-on lire sur le bord d’une route de la région. L'enseigne, franchement défraîchie, est entourée d'un bandeau déchiré. Au-dessus, les lettres semblent presque tomber de l'écriteau.

Quand ils n'ont pas disparu, les services publics ont parfois réduit leurs horaires, constatent aussi les habitants. "La Poste n’ouvre, dans la plupart des villages, que le matin", souligne Claire, la journaliste de L'Union. Anthony Lagneaux, qui travaille aux finances publiques de Laon, assure, pour sa part, avoir vu le nombre de trésoreries diminuer ces dernières années. "Les centres des finances publiques ferment. Sur le département, on devait être à 70 ou 80 centres. Il n’en reste que 22."

Plus déplorable encore : l’éducation. La Thiérache ne compte aucune université. Le seul lycée public, celui d’Hirson, affiche des résultats très moyens. En 2016, selon notre classement, Joliot-Curie n'est arrivé qu'au 1 839e rang des lycées français, sur 2 288 établissements notés. "Si un élève veut se spécialiser dans la restauration, il doit se rendre à Saint-Quentin ou à Soissons. Alors la plupart du temps, il renonce", dénonce Jean-Marc Prince, le maire de Vervins. "J’ai sept enfants. Pour faire leurs études, ils sont tous partis...", soupire Claire Halleux, l'agriculturice d'Haution.

Quant aux écoles et aux collèges, leur nombre a chuté. "Avant, il y avait des petites écoles dans les villages ici", se rappelle Isabelle, la directrice de l'établissement scolaire de La Capelle. Quand elle y est arrivée en 1995, elle se souvient qu’elle n’enseignait qu’à des enfants de la commune. "L’académie a décidé de regrouper les classes. Aujourd’hui, il y a environ 20% des élèves qui viennent de différentes communes, parfois situées jusqu’à 10 km de l’école. Les enfants viennent grâce à des cars de ramassage scolaire." Un changement qui n'est pas sans conséquence. Isabelle évoque une coupure entre les parents et les enseignants : "On ne voit pas les familles. J’ai l’impression, du coup, que les parents se sentent moins concernés..." Pour cette directrice d’école, la suppression d’un établissement a aussi d’importantes répercussions sur la vie dans la Thiérache. "Une école donne de la vie à une commune, les gens s’installent autour", fait-elle valoir.

Faire disparaître une école, c’est détruire le tissu social du village...

Isabelle, directrice d'école à La Capelle

Député PS de la 3e circonscription de l'Aisne depuis 2012 et maire de Bohain-en-Vermandois, Jean-Louis Bricout regrette lui aussi cette disparition des services publics en Thiérache. "Mais ils sont confrontés à la réalité budgétaire", déplore-t-il. "Le manque de services, en milieu rural, c’est toujours un handicap. Il n’y a pas le potentiel client pour que ce soit rentable. Mais le pouvoir central doit se rendre compte qu’ici, on ne peut pas penser rentabilité, défend-il. Il faut accepter que les services publics soient peut-être plus déficitaires ici !"

"C'est sous-médicalisé, ici"

La maison de santé de La Capelle a ouvert en janvier 2017 (CAMILLE ADAOUST / FRANCEINFO)

Quand la sonnette de son commerce retentit, des clients venus parfois de loin entrent, ordonnance à la main. Pharmacien à La Capelle, Pierre Léonard déplore "une véritable désertification médicale de la ThiéracheMes clients viennent de tous les villages alentours : La Flamengrie, Etréaupont, Sommeron, etc.", énumère-t-il. "Ici à Etréaupont, on avait un docteur avant, mais il est parti à Marle. Alors on fait le déplacement, raconte par exemple Josiane Sapin. Mais on n’en a pas besoin souvent !", sourit cette fervente défenseuse de la Thiérache.

Non loin de la pharmacie de Pierre Léonard, une toute nouvelle maison médicalisée s’est créée, en janvier 2017. Le bâtiment, neuf, accueille plusieurs médecins généralistes. Parmi eux, François-Xavier Catimel. Pour lui, la situation est "inquiétante". "Deux médecins ont quitté La Capelle et n’ont pas été remplacés. Il y avait aussi un dentiste à Guise, qui est parti à la retraite et dont le cabinet n’a pas été repris", explique-t-il. Dans sa maison de santé, ils rencontrent des difficultés pour remplir les cabinets. "On a 70 m², prévus pour deux kinésithérapeutes, qui restent vides. On passe des annonces partout, mais personne ne veut prendre le poste." Selon lui, les jeunes sortis de médecine ne veulent pas s’installer dans la Thiérache.

Pour pallier ce manque de médecin et "pour répondre à la demande de la population", François-Xavier Catimel a l’habitude de commencer sa journée à 8 heures du matin pour finir, souvent, à 21 heures. Entre-temps, 35 à 40 patients défilent dans son cabinet. Et son rayon d’activité s’étend à plus de 15 km de son lieu de travail. "Il faut tenir le coup, rester très concentré." Avec cette charge de travail, François-Xavier Catimel explique avoir renoncé à reprendre, avec ses collègues encore présents, la clientèle des deux médecins qui ont quitté la commune.

Il y a eu beaucoup d’incompréhension. Les patients ont râlé parce qu’ils doivent aller plus loin ou parce que ça ne va pas assez vite. Mais c’est clairement sous-médicalisé ici.

François-Xavier Catimel, médecin à La Capelle

Le tableau n’est pourtant pas si sombre concernant les médecins généralistes, d’après certains habitants. La distance à parcourir pour consulter un spécialiste ou se faire opérer est plus dérangeante à leurs yeux. François-Xavier Catimel envoie souvent ses patients à plus de 50 km de son cabinet : "Pour voir un pneumologue, un rhumatologue, un obstétricien ou un psychiatre, il faut aller à Maubeuge, Laon, Reims ou Saint-Quentin." Plus de deux heures de route aller-retour à chaque fois.

Il en va de même pour une opération. Si la Thiérache comprend trois petits hôpitaux, plus aucun ne dispose de bloc opératoire. "S’il y a la moindre urgence, les pompiers nous emmènent directement à Laon. Je me suis cassé trois fois la jambe, ils m’ont conduit là-bas à chaque fois", explique Anthony Lagneaux, habitant de Montcornet, à plus de 40 km de Laon.

Des usines et des fermes qui meurent

Anthony Lagneaux, Joël Lagneaux et Norbert Degoi sont délégués CGT et se battent pour sauvegarder les 130 emplois de l'usine MATT, à Montcornet (CAMILLE ADAOUST / FRANCEINFO)

Avec ses 16,4% de chômage au 4e trimestre de 2016, la Thiérache est le deuxième bassin d’emploi le plus sinistré de France. Les raisons de ce triste record : "Le départ des entreprises", assurent d'une seule voix les habitants et les élus. Josiane et Roger Sapin étaient fleuristes à La Capelle. "Avant, on y trouvait quatre bouchers, une vingtaine de cafés... Et maintenant ? Zéro boucher, zéro maison de la presse et bien moins de cafés. On a vu, petit à petit, les commerces fermer."

Plusieurs usines ou entreprises de bonne taille ont aussi quitté les terres thiérachiennes. "Les grosses industries sont parties", observe Clément Raveaux, journaliste à l'hebdomadaire La Thiérache. Dans les différentes communes, chacun se souvient de l’entreprise qui a fermé à proximité. L’un cite l’usine de fabrication de caravanes de Rozoy-sur-Serre. L’autre parle d’Aromont, fermé en 2014 et laissant plus de 70 personnes sans emploi. "Récemment, il y a deux grosses entreprises du bâtiment qui ont fermé, explique à son tour l'élu Laurent Marlot, lui-même chef d'entreprise dans le bâtiment. Chez De Gryse, c’était près d’une centaine de salariés qui se sont retrouvés au chômage." Dans le secteur agricole, même constat. "La Thiérache voit ses exploitations décliner malheureusement. Pour les agriculteurs, la trésorerie est difficile en ce moment, ici comme partout", expose Claire Halleux. Près de ses terres, à Haution, une exploitation a récemment disparu.

Je suis vervinois depuis cinquante ans. J’ai toujours entendu parler de crise ici.

Jean-Marc Prince, maire de Vervins

"Il reste quand même des fleurons de l’industrie : Givenchy, Lu, etc.", tient à souligner Jean-Louis Bricout. Mais "le nombre d’entreprise n’est pas énorme, alors quand une coule, les conséquences sont phénoménales", déplore Laurent Marlot.

Cette semaine, le journal local de la Thiérache braque justement les projecteurs sur une usine en danger. "130 emplois menacés à la MATT", alerte l'hebdomadaire dans son édition du 11 mai. Située à Montcornet, dans le sud de la Thiérache, la manufacture de transformation textile est détenue par le groupe Trèves. "Ils veulent fermer la MATT d’ici à août 2019. Il y a déjà eu deux plans sociaux qui ont fait passer les effectifs de 580 à 130", explique Joël Lagneaux, délégué syndical CGT. Le groupe a toutefois indiqué, "début 2016", que le site industriel de Montcornet allait être repris, avec ses employés, par le groupe allemand AMS Konzern. "Mais depuis, on a aucun document, aucun papier signé qui prouve qu’AMS va bien reprendre l’usine, explique Anthony Lagneaux, son fils. La transition entre la MATT et AMS devait se faire progressivement. La MATT arrête donc lentement sa production, mais AMS ne reprend pas ! Ce qui fait que les salariés sont en chômage technique partiel, avec 200 à 300 euros de moins par mois", poursuit ce délégué de l’union locale de la CGT de Laon. "Ça a dégringolé, tout est allé si vite", ajoute, fataliste, Joël.

Le groupe Trèves détient l'usine de la MATT, située à Montcornet. (CAMILLE ADAOUST / FRANCEINFO)

"Une fermeture serait une catastrophe pour la région. De la MATT dépendent 130 familles", réagit Norbert Degoi, également salarié du site industriel. Pour ces trois syndicalistes, le calcul est tout fait : les salariés de la MATT ont en moyenne 51 ans. Si leur usine ferme, leurs maisons ne se vendront plus, ils resteront donc dans la région sans retrouver du travail, en attendant la retraite... Tous trois envisagent donc la grève pour éviter une issue qu’ils ont trop souvent vu se produire. "Ici, on ne vit pas, on survit", décrit Anthony Lagneaux. 

"Personne ne défend notre territoire"

Josiane et Roger Sapin vivent à Etréaupont et ne cessent de défendre "leur Thiérache" (CAMILLE ADAOUST / FRANCEINFO)

Face à tous ces problèmes non résolus, les habitants avouent ne plus avoir confiance en la classe politique. "Les politiques sont des gens de la ville. Ils ne viennent pas par ici", déplorent Josiane et Roger Sapin. Et la campagne présidentielle n’a rien arrangé. "Les affaires de cette campagne ont souligné la fracture entre les Thiérachiens et le monde politique de Paris, explique Laurent Marlot. Je l’entends tout le temps : 'Paris, y en a ras le bol'. Les voix et les décisions viennent de la capitale, sans qu’on ne voie jamais personne ici pour contrôler si ça fonctionne."

Ici, on est très loin du microcosme parisien, à des années-lumière à vrai dire.

Laurent Marlot, maire de Fontaine-lès-Vervins

Les élus locaux semblent pourtant épargnés par la plupart des reproches. "Ils sont très actifs. Tout repose sur eux", défend le journaliste Clément Raveaux. Ce dernier décrit, tour à tour, les initiatives prises par son maire pour tenter de redynamiser le centre-bourg de Vervins : baisse des loyers pour l’installation de nouveaux commerces, jeu pour gagner un voyage en se rendant dans les boutiques du centre, etc.

Malgré leurs efforts, les élus eux-mêmes se sentent pourtant désemparés. Dans leurs bureaux, ils multiplient les récits. Pour Jean-Marc Prince, maire de Vervins qui a parrainé Emmanuel Macron, c’est l’appel à projets pour 500 centres-bourgs auquel sa commune a participé. "C’était pendant l’été 2014. Il s’agissait de redynamiser les centres-bourgs. Vervins n’a pas été retenue, mais on nous a dit que nos demandes de financement seraient étudiées", raconte-t-il. Jean-Marc Prince a donc fait plusieurs propositions, toutes "classées sans suite". "Les gendarmes nous ont par exemple demandé de mettre en place un système de vidéosurveillance pour faciliter l’élucidation des affaires. On a monté un dossier, mais ce n’était jamais comme il fallait. Et puis finalement, il n’y avait plus de budget", regrette le maire. Et de conclure : "On a l’impression de ne pas être pris au sérieux."

Laurent Marlot (LR) cite, lui, l’exemple de la fibre. "Ici, les communautés de commune payent les équipements nécessaires à son installation, contrairement aux autres endroits plus peuplés et pris en charge par les opérateurs, présente-t-il. Le gouvernement aurait dû annoncer aux opérateurs : 'On vous offre les villes, mais en échange, vous prenez en charge le déploiement de la fibre dans les campagnes.' C'est l’une des preuves qu’on est complètement oubliés", critique le candidat aux législatives.

Le député socialiste Jean-Louis Bricout remarque, lui aussi, l’incompréhension qui règne entre "le pouvoir central" et la Thiérache. "Au niveau économique, on manque cruellement d’un dispositif plus territorialisé. Prenons le CICE : il a accentué la fracture territoriale en donnant de l’argent aux endroits où il y avait déjà des industries et des salaires. Mais il faut aider les territoires en plus grande difficulté", défend-il. Côté transport, même problème. Si "la mobilité est un sujet majeur pour la jeunesse dans la Thiérache", sa proposition d’acquérir gratuitement le Code de la route dès le lycée n’a pas été écoutée. "L’Etat ne comprend pas qu’avec ses dotations, il nous faut répondre à ces enjeux qui nous sont propres."

Jean-Louis Bricout
Jean-Louis Bricout Jean-Louis Bricout

De droite ou de gauche, tous en viennent à la même conclusion. "L’Etat néglige notre secteur, regrette Jean-Marc Prince. Notre territoire va mal, il devrait être traité différemment." Laurent Marlot, alors en campagne pour les législatives, lance également : "On se sent abandonnés ! La Thiérache est délaissée par Paris. Personne ne défend notre territoire." Jean-Louis Bricout, qui siège à l’Assemblée depuis 2012, explique enfin y avoir l’impression d’être "écouté simplement par politesse, sans être pour autant compris". "Le pouvoir central ne mesure pas les besoins qu’il y a sur ce territoire, ajoute-t-il. Avant de conclure. Ici, on a les miettes."

"Un engrenage de petites choses"

Eloignement géographique, disparition des services publics, difficultés économiques, sentiment d'abandon... De retour dans le jardin ensoleillé des Sapin, à Etréaupont, le couple souffle : "C’est tout un engrenage de petites choses qui ont fait que, peu à peu, notre région s’est perdue". Pas question pour autant de la quitter. Josiane et Roger comptent bien défendre la Thiérache, et ne veulent surtout pas qu'on la dénature. 

Début mai, dans leur circonscription, le Front national a enregistré l'un de ses meilleurs scores au second tour de l'élection présidentielle. "Ce n'est pas un vote raciste ou quoique ce soit, mais juste un ras-le-bol", assurent Josiane et Roger. Ils ajoutent que "si Emmanuel Macron parvient à relever notre Thiérache, alors tant mieux".

Pour les élections législatives des 11 et 18 juin, les habitants ne placent pas franchement le candidat local de La République en marche en tête de leurs pronostics. Pour beaucoup d'entre eux, c'est certain, c'est le candidat du Front national qui affrontera le socialiste sortant Jean-Louis Bricout au second tour du scrutin. Et qui, peut-être, lui succédera même au Palais-Bourbon.

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