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Gouvernement Valls 2 : "Hollande et Valls souhaitent d'abord envoyer un message fort aux partenaires européens"

La formation d'un nouveau gouvernement doit permettre, face à l'Europe et à l'opinion, d'affirmer qu'une seule politique économique est possible, analyse le politologue Roland Cayrol. 

Article rédigé par Hervé Brusini - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
François Hollande et Manuel Valls, à l'Elysée, le 20 août 2014 (PATRICK KOVARIK / AFP)

Le chef du gouvernement a choisi la fermeté. Après l’annonce surprise de la démission du gouvernement lundi 25 août, les ministres ont été priés de choisir leur camp. Le message de Manuel Valls envers ceux qui étaient tentés par la fronde de l'intérieur a été clair : soit ils acceptent la ligne économique du gouvernement et ils peuvent rester, en acceptant de se plier à la discipline collective, soit ils partent.

Trois ministres, menacés de limogeage, ont annoncé "reprendre leur liberté". Loin de faire profil bas, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Aurélie Filippetti disent vouloir s’engager à gauche pour une "autre" voie politique. Pour francetv info, le politologue Roland Cayrol analyse le défi qu’ils lancent à François Hollande et Manuel Valls.

Nous assistons à une vraie rupture, profonde, au sein d'un même camp...

Roland Cayrol : Depuis le début, Montebourg sait qu’il ne va pas rester au gouvernement jusqu’à la présidentielle. Il espérait probablement pouvoir choisir son moment, il n’a pas réalisé qu'il allait devoir partir si tôt. La tactique de Hollande et Valls l’a pris un peu de court en l’obligeant à se déterminer. Il ne pouvait que partir après ce qu’il avait dit dans son discours de la Fête de la rose, dimanche.

Pour lui, l'objectif est désormais de s’ouvrir un espace politique. Sur le papier, il n’en a guère : pas de réseau, pas de mandat sauf celui de conseiller général. Il ne peut que se créer un espace d’opinion, et un espace médiatique. Il lui faut s’affirmer comme un leader alternatif, et sur chaque question économique et sociale, être prêt à répondre présent… aux médias.

Quel destin politique se dessine, selon vous, pour les trois ministres démissionnaires Montebourg, Hamon et Filipetti ?

Roland Cayrol : Je pense que leur idée est de démontrer qu’il y a une "autre" politique à gauche et qu’ils l’incarnent. Ce qui à vrai dire est extrêmement compliqué. Les études d’opinion ne montrent pas de façon claire que l'espace politique existe pour cela. Il n’y a pas aujourd’hui une soif, une demande sociale très puissante pour une politique alternative dans l’électorat de gauche. Ce que demandent les gens, c’est plutôt des résultats à l’égard du chômage, de l’avenir de leurs enfants et des questions d’actualité.

Les Français ne sont pas assez familiers du débat économique pour trancher entre diverses options. Il y a en revanche une attente diffuse d’un mieux être, d’un respect des promesses de Hollande et en tout cas de l’amélioration de l’emploi. Les trois ex-ministres vont essayer d’incarner cela mais dans un espace politique qui reste à créer.

Pour Hollande et Valls, quel est alors le défi politique à relever ?

Roland Cayrol : Je pense qu’avec cette démission conduisant à la formation d’un nouveau gouvernement, ils souhaitent envoyer un message fort d’abord à nos partenaires européens. N’oublions pas que dans ses dernières prises de position, Montebourg s’en prenait à la politique économique décidée au niveau européen et par des Etats amis dont l’Allemagne.

Un autre message est également adressé en direction de l’opinion. Il dit : vous verrez, il n’y aura plus de couac, on aura un gouvernement mono-couleur, nous menons la “seule” politique économique possible et raisonnable. Et tout cela finira par donner des résultats. Enfin, c’est aussi un message au gouvernement et parlementaires du PS. La fronde commençait à pouvoir s’appuyer sur des ministres du gouvernement et pas des moindres. C’était un danger de politique intérieure considérable… Donc la pression est dorénavant sur les députés. “On ne peut qu’être totalement avec nous ou contre nous”, et “ce qui est vrai au gouvernement l’est aussi au Parlement”, tels sont, selon moi, les messages envoyés aux uns et aux autres.

Est-ce que la composition du futur gouvernement est le bras de levier déterminant pour mettre un coup d’arrêt aux tensions politiques que l’on a constatées depuis l’arrivée de François Hollande au pouvoir ?

Roland Cayrol : Ce qui est déterminant, c’est le fait qu’il y ait eu cette opération de débarquement collectif, de mise en place d’un nouveau gouvernement en 24 heures, et la communication qui suivra si elle donne une impression d’autorité et de rapidité. La future composition ne peut pas donner beaucoup plus d’indications car au fond, elle est déjà un peu contrainte. Il n’y a pas de possibilités considérables de changement. Beaucoup des sortants seront des rentrants et on prendra quelques autres poids lourds, très certainement plutôt des gens d’expérience. Il s’agira de montrer que l’on ne court pas de nouveaux risques. C’est donc l’opération elle-même de débarquement qui constitue le coup de poing, beaucoup plus que l’arrivée de Monsieur X ou de Madame Y.

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