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L'affrontement entre Claude Guéant et Thierry Solère pourrait profiter à la socialiste Martine Even

Dans la 9e circonscription des Hauts-de-Seine, les électeurs auront le choix entre trois candidats lors du second tour : Claude Guéant investi par l’UMP, le dissident UMP Thierry Solère et la socialiste Martine Even.
Article rédigé par Catherine Rougerie
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Claude Guéant et Thierry Solère se croisent à Boulogne-Billancourt, le 27 mai 2012. (AFP - Thomas Samson)

Dans la 9e circonscription des Hauts-de-Seine, les électeurs auront le choix entre trois candidats lors du second tour : Claude Guéant investi par l'UMP, le dissident UMP Thierry Solère et la socialiste Martine Even.

Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). A quelques jours de l'été, temps maussade à Boulogne-Billancourt. Climat électoral quelque peu surprenant aussi.

Dans ce territoire de droite, la bataille des législatives est marquée par un âpre duel entre l'ancien ministre de l'intérieur, Claude Guéant soutenu par l'UMP (30,41% au premier tour), et (26,89%), exclu du parti en avril dernier, dont la socialiste (22,14%) espère bien tirer profit.

A première vue, le champ semblait dégagé pour l'ancien ministre. Dans cette circonscription ville, Nicolas Sarkozy a réuni 63% des suffrages au second tour de la présidentielle et en 2007, le député UMP sortant a été élu dès le premier tour avec près de 60% des voix.

Mais c'était ignorer le caractère frondeur des électeurs boulonnais.

Fortes tensions boulonnaises

Une dizaine de mètres à peine les séparent. D'un côté du trottoir, Claude Guéant et son équipe de campagne. De l'autre, le staff du conseiller municipal de Boulogne, Thierry Solère. Ni provocations, ni invectives. A Boulogne, les belles manières priment.

Il n'empêche. Les deux concurrents de droite ne s'épargnent guère, dans les médias comme sur le terrain, avec un seul but, battre l'adversaire. L'un arguant de la légitimité de l'investiture de l'UMP, l'autre de son ancrage local.

"Le premier tour a constitué une primaire", avance aussi l'ancien ministre soutenu par le maire et député sortant Pierre-Christophe Baguet, et qui enregistre à trois jours du scrutin le ralliement de trois candidats du premier tour (Dorothée Pineau 4,68% et Julien Marcel 2,98% Divers droite, Sofiane Bouktit 0,24% autres).

"A Boulogne, il y a un très fort sentiment de territorialité", fait-on valoir dans le camp adverse. "La dynamique est du côté de Thierry Solère", souligne par ailleurs son directeur de campagne qui rappelle que l'élu boulonnais est passé de 15% des intentions de vote selon un sondage IFOP le 19 mai, à près de 27% le 10 juin.

Une progression qui renforce l'hypothèse d'un duel fratricide.

Les soutiens de Thierry Solère font campagne à Boulogne-Billancourt, le 13 juin 2012. (CR)

Le risque d'une triangulaire

Jeudi 14 juin, 20h 30, salle comble à l'école Escudier de Boulogne pour la dernière réunion publique du candidat UMP officiel.

Visage fermé, ton grave, Pierre-Christophe Baguet ouvre la soirée. "Tout se passe bien dans notre ville" mais "si c'est la candidate socialiste qui est élue, ce sera le K.O. à Boulogne-Billancourt".

A l'origine de ce scénario, un sondage de l'institut CSA/Association de soutien électoral de Thierry Solere qui donne Claude Guéant à 37%, Martine Even à 32% et Thierry Solère à 31%.

Or à Boulogne, le 6 mai dernier, François Hollande a réalisé 35%. Du coup, en cas d'égalité entre les deux rivaux de droite et si la candidate réitère le score du candidat du PS à la présidentielle, c'est elle qui sera élue. Une première à Boulogne depuis 1967.

"On ne peut pas se permettre ce luxe", affirme l'édile de la ville avant d'appeler à voter Guéant "la seule solution". A l'entrée de la salle, un tract titré : "Boulonnais Attention danger" enfonce le clou.

Tract proposé aux Boulonnais, le 14 juin 2012. (CR)

Campagne discrète

Courtois, souriant, posé Claude Guéant est descendu dans l'arène. "Je fais campagne tous les jours", assure l'ancien ministre venu tracter à plusieurs reprises dans la ville.

Présence discrète mais empreinte d'urbanité avec les résidents qui parfois viennent le saluer aimablement. "C'est une ville chaleureuse et courtoise", reconnaît l'ancien ministre.

"Très franchement, les réactions déplacées, je les compte sur les doigts d'une seule main", poursuit-t-il admettant que "parfois, certains veulent des éclaircissements sur mon discours sur les civilisations". "Une fois les explications fournies, ils me comprennent très bien", ajoute aussitôt celui qui à 67 ans espère entamer une carrière parlementaire.

Ses points forts ?

Résumés dans son slogan de campagne : "La force de l'expérience au service de tous les Boulonnais". Une expérience et un parcours, de directeur de campagne à secrétaire général de l'Elysée et ministre de l'intérieur, que l'ancien locataire de la place Beauvau se plaît à rappeler au fil des conversations.

Claude Guéant fait campagne à Boulogne-Billancourt, le 13 juin 2012. (CR)

Elu du cru contre parachuté du sommet
Ancien responsable de l'UMP de Boulogne de 2003 à 2011 et ancien secrétaire national de l'UMP auprès de Nicolas Sarkozy, le candidat Thierry Solère n'a pas été choisi par son parti.

Pour autant, Thierry Solère, vice-président du conseil général des Hauts-de-Seine, et maire-adjoint de Boulogne-Billancourt de 2001 à 2011, n'a pas l'intention d'abdiquer.

"M. Guéant s'est mis la couronne sur la tête. Il a été ministre de l'intérieur. Il a été l'un des collaborateurs de Nicolas Sarkozy. Au regard de l'état major de l'UMP, nous n'avons pas le même pouvoir d'influence. Il n'y a même pas eu de discussion. Cela a été une formalité".

Une injustice ? "C'est la démonstration criante de la nécessité de moderniser nos formations politiques, qui à l'UMP comme ailleurs passe par le non cumul des mandats et l'arrêt des parachutages sans demander l'avis des élus locaux, des électeurs, des sympathisants et des militants", répond l'élu qui assure "ce parachutage, les Boulonnais n'en veulent pas" et ne manque pas d'évoquer le cas de La Rochelle avec Mme Royal.

"Cela ne fonctionne pas bien. Les gens ne se reconnaissent plus dans ces pratiques qui datent des années 50", insiste-t-il.

A ces critiques, Claude Guéant répond : "Boulogne ne m'est pas inconnue". Secrétaire général de la préfecture des Hauts-de-Seine (1986 - 1991), l'ancien fonctionnaire a vécu cinq années à Boulogne.

Martine Even fait campagne à Boulogne-Billancourt, le 13 juin 2012. (AFP - Jacques Demarthon)

Deux droites ?
Autres arguments avancé par M. Solère, la ligne politique.

"Claude Guéant, c'est la droite des clins d'œil au front national, la droite contre les civilisations. Ce n'est pas la droite que nous aimons ici", affirme le dissident qui rappelle à l'envi le soutien récent apporté par Mme Le Pen à l'ancien ministre.

Boulogne a une tradition de centre droit, rappelle encore M. Solère qui est soutenu par deux anciens maires de la ville Jean-Pierre Fourcade et Pierre-Mathieu Duhamel ainsi que par Patrick Devedjian, député et président du Conseil général des Hauts-de-Seine en guerre ouverte avec l'ancien chef de l'Etat.

Représentant "d'une droite moderne, tolérante ouverte et humaniste", l'élu des Hauts-de-Seine entend "aider les plus faibles, les plus démunis, et les accidentés de la vie" tout en luttant "avec détermination contre les abus".

"Il faut gagner"

Claude Guéant ne renie rien de sa politique et dit "avoir encore plein d'idées sur le plan de la sécurité". "En matière de justice des mineurs, il est indispensable de revoir notre dispositif", dit-il prônant "une réponse rapide" à chaque acte délictueux.

"Je serai un député très actif qui exercera son seul mandat à plein temps pour porter et défendre les préoccupations des Boulonnais au plan nationa", promet ainsi M. Guéant qui s'engage à défendre "la compétitivité des entreprises, à préserver l'emploi" et à "faire vivre nos valeurs républicaines".

Quant au plan local, "la majorité municipale pourra compter sur mon soutien pour obtenir l'ouverture d'une maternité ou de classes préparatoires pour les lycéens", assure aussi ce proche de l'ancien président.

A ce propos, a-t-il parlé avec Nicolas Sarkozy depuis le premier tour des législatives ? "Je l'ai eu lundi au téléphone", assure M. Guéant.

Et ? "Il m'a dit, faut gagner".

Résultat dimanche 17 juin à 20 heures.

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