Municipales : comment les candidats LREM se préparent-ils ? On a suivi une journée de formation à la sauce start-up
Le mouvement d'Emmanuel Macron organisait, jeudi à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), sa cinquième journée de formation à destination des candidats aux municipales. Franceinfo était sur place.
Et soudain, le document PowerPoint affiche un drôle de graphique. Dans une salle impersonnelle de l'hôtel Mercure d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), jeudi 10 octobre, les yeux de la trentaine de participants se plissent pour déchiffrer ce qui s'affiche à l'écran. Le titre – "La carte des partenaires" – n'en dit pas beaucoup plus. Mais, Roman Baudin, directeur général de Tous Politiques !, l'institut de formation de La République en marche, se veut rassurant.
Micro en main, il vante les mérites de cet "outil de sociologie et de management" aux candidats aux municipales et à leurs équipes, réunis pour une formation. En ordonnée, "la synergie", "c'est l'énergie que l'on dépense pour soutenir votre campagne", et en abscisse, "l'antagonisme", "l'énergie que l'on dépense à aller à l'encontre de votre campagne".
Sur le graphique, sont répertoriés différents groupes : "les engagés", "les alliés, "les déchirés", "les alignés", "les passifs", "les hésitants", "les opposants" et "les irréductibles". Les candidats sont invités, de retour chez eux, à classer les acteurs locaux suivant ces catégories, que Roman Baudin détaille une à une. "Les alliés, ce sont des gens de votre équipe qui sont capables de dire 'merde', de vous remettre en cause. Car, vous allez voir, dans votre équipe, tout le monde va vous dire : 'Vous êtes intelligent, beau, formidable'". Dans la salle, un directeur de campagne se marre. "Compte sur moi !", glisse-t-il à sa candidate.
"Les Français n'ont pas envie de revoir des politiciens classiques"
C'est la sixième journée de formation que LREM organise à destination des candidats des communes de plus de 9 000 habitants. Le mouvement d'Emmanuel Macron, qui assure avoir déjà formé deux cents candidats, se veut transparent dans sa démarche, à un détail près. L'après-midi, les têtes de liste se voient dispenser une formation en communication, interdite cette fois à la presse. Pas question de montrer un candidat s'initier à la prise de parole en public et aux relations avec les journalistes. "On a fait des jeux de rôle pour voir notre manière de nous exprimer en public", raconte David Pereira, directeur de concessions automobiles et investi candidat de LREM, il y a quinze jours, au Raincy (Seine-Saint-Denis).
Ce novice en politique, qui mènera donc sa première campagne, était venu "chercher la vision du mouvement par rapport aux municipales, les lignes directrices dans lesquelles on doit se tenir". Il en ressort, comme tous les participants interrogés par franceinfo, pleinement satisfait et convaincu des méthodes proposées par LREM. "Ce sont des méthodes d'entreprise que j'ai pu retrouver, comme les notions de faiblesses et d'opportunités. Les Français n'ont pas envie de revoir des politiciens classiques", juge-t-il. Même enthousiasme du côté de Valérie Oppelt, députée de Loire-Atlantique et candidate à Nantes, qui assure que ce sont "des méthodes efficaces qui ont fonctionné".
On a reconnu l'esprit du mouvement avec ce côté entreprise que j'apprécie. Une campagne, ça rassemble à du management de projet, ce sont les méthodes et l'ADN d'En marche.
Valérie Oppelt, députée et candidate à Nantesà franceinfo
En la matière, ils ont été servis. On leur apprend qu'avant toute chose, il faut qu'ils définissent en équipe une stratégie de campagne. Pourquoi ? "Pour vous fixer des objectifs à atteindre, pour allouer vos ressources de la meilleure manière possible, pour prendre la main et imposer vos idées, pour éviter de subir la campagne de vos adversaires...", énumère Antoine Parodi, ancien d'EELV et formateur pour Tous Politiques !.
"Les victoires décisives" et "les victoires faciles"
Après la stratégie de campagne, place à la définition des "objectifs", car "vous ne voulez pas qu'en mars une personne de votre liste dise : 'Ce n'est pas mon objectif d'être prioritaire dans tel quartier, je quitte la campagne'", dixit Roman Baudin. Ce dernier leur propose donc de faire "un état des lieux en équipe de vos forces et faiblesses, de vos opportunités et menaces". Pour les aider à faire le tri dans ces objectifs, LREM leur conseille de les classer dans une matrice. Il y a les objectifs qui sont considérés comme des "victoires décisives". Exemple : "Une alliance avec une liste sur le même credo que vous" – spoiler : "c'est très difficile". Et puis, il y a les "victoires faciles", comme bénéficier d'"un article positif dans la presse ou le soutien d'un acteur local en votre faveur".
Il faut célébrer 'ces victoires faciles' avec votre équipe, c'est très important vu la tension émotionnelle. Ça permet de rassembler l'équipe et de relancer la dynamique.
Roman Baudin, directeur général de "Tous politiques"
Intervient ensuite "l'atelier du quart de page". Il s'agit de plier en deux une page A4 et de répondre à une série de questions pour "se projeter". Quatre interrogations s'affichent à l'écran : "Qui suis-je ?", "Où suis-je situé dans l'espace politique ?", "Quelle est mon identité politique ?" et "Quel est mon projet ?" Antoine Parodi met en garde sur la question de l'espace politique : "Il faut le faire, sinon, les électeurs et vos adversaires le feront à votre place !"
La méthode avant le projet
La salle, studieuse, prend des notes. Au-delà de ces méthodes très entreprenariales, LREM fait aussi dans le plus classique. Le mouvement en profite, comme tous les partis politiques, pour recommander des prestataires et vendre "un pack d'accompagnement technique" qui regroupe "un outil de réalisation de tracts et d'affiches chartés LREM". Il met aussi à la disposition des candidats "une hotline conformité" pour répondre à leurs questions, notamment sur le plan du Code électoral. Car cette journée de formation a également été l'occasion de rappeler le b.a.-ba des règles en la matière, ce que LREM nomme "les dix règles d'or". "On peut gagner une campagne dans les urnes mais la perdre au tribunal. Le candidat est responsable aux yeux de la loi, le remboursement des dépenses officielles ne concerne que les candidats ayant obtenu au moins 5% des suffrages exprimés...", rappelle Antoine Parodi.
C'est la dernière règle qui va susciter le plus de réactions chez les candidats : "L'exercice du mandat en cours d'un élu ne doit pas jouer en la faveur de sa nouvelle candidature". "Est-ce que la promotion du bilan du maire sur les réseaux sociaux est intégrée dans ce point ?", demande un participant. Réponse d'Antoine Parodi : "Si c'est sa page personnelle, ça ne pose aucune difficulté. Mais si c'est sa page institutionnelle, alors non". Autre question posée dans la salle : "Si on constate ces pratiques-là de l'autre côté, qu'est-ce qui se passe ?" Petit conseil du formateur : "Vous prenez un cahier et vous notez. Vous ne savez pas ce qui va se passer en mars".
Au final, cette journée aura beaucoup plus porté sur les méthodes à mettre en place pendant la campagne et non sur les projets politiques que les candidats veulent porter. Seul Pierre Person, numéro deux d'En marche, a rappelé, en préambule, les fondamentaux du mouvement. Avec, comme pierre angulaire, "le renouvellement".
Il faut aller à la rencontre des citoyens pour élaborer le programme. Vous aurez fait 50% du travail si les gens considèrent que vous les avez écoutés.
Pierre Person, numéro deux d'En marche
Les candidats sont incités à travailler sur deux grands axes : "la logique inclusive" pour "résorber les fractures et donner une place à chacun" et "la question de la transition écologique" car "il y a un réveil de nos concitoyens là-dessus".
Venue avec sa mandataire financière, Emmanuelle Plougoulm, investie à Blanquefort (Gironde), ressort conquise de cette journée. "Ça m'a confortée, montré que mon instinct était le bon. Ça rebooste !" Elle gardera sans doute en mémoire les derniers mots des formateurs : "Soyez authentiques, sincères, soyez-vous mêmes !" Et au tableau, cet ultime conseil tiré du vocabulaire start-up : "Surtout, restez agiles !"
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