Trois questions sur l'embauche par des députés LREM d'enfants d'autres parlementaires
Au moins deux députés de la majorité ont embauché les enfants de leurs collègues. Une pratique légale, mais encadrée par la loi.
La pratique est légale, mais pose question. Au moins deux députés de La République en marche (LREM), Christophe Arend et Bertrand Sorre, ont embauché les enfants d'autres députés, a révélé Streetpress mardi 7 novembre. Ces embauches interviennent après plusieurs polémiques en 2017 à propos d'emplois présumés fictifs de collaborateurs parlementaires.
Pendant la campagne présidentielle de 2017, le candidat et député François Fillon a été accusé d'avoir payé avec son enveloppe parlementaire sa femme et ses enfants, sans qu'ils ne travaillent effectivement pour l'Assemblée. Une procédure judiciaire a été engagé contre lui et une loi pour la confiance dans la vie publique a été votée pendant l'été. Le 15 décembre, la loi interdira aux parlementaires l'embauche de leurs conjoint ou enfants.
Franceinfo répond à trois questions sur ces deux embauches.
1Que reproche-t-on aux deux députés ?
Les deux collaborateurs parlementaires en cause dans ces révélations étaient par le passé employés par leurs parents, députés. Depuis l'élection de la nouvelle Assemblée et le vote de la loi de confiance, ils travaillent pour d'autres parlementaires. La question se pose de savoir s'il s'agit d'un contournement de la loi pour la confiance de la vie publique.
Charlie Trisse, fille de la députée de Moselle Nicole Trisse, a été embauchée par Christophe Arend, élu du même département, par ailleurs accusé d'agression sexuelle. Nicole Trisse déplore "un amalgame entre emplois familiaux et emplois fictifs".
Ma fille est dans la sphère politique depuis trois ans. Elle est compétente et avait déjà travaillé avec le député Bertrand Pancher (UDI) dans le passé.
Nicole Trisseà l'AFP
L'avocat de Christophe Arend a rappelé dans un communiqué que la loi "autorise un parlementaire à embaucher la fille ou le fils d'un autre parlementaire" car "elle ne l'interdit pas".
Maryll Vignal, fille du député LREM de l'Hérault Patrick Vignal, travaillait auparavant pour son père. Elle est aujourd'hui assistante parlementaire de Bertrand Sorre, député LREM de la Manche. Et ce dernier assure à Streetpress n'entretenir "aucun lien d'amitié" avec Patrick Vignal. Le député de l'Hérault a lui aussi défendu l'emploi de sa fille, assurant à BFMTV qu'il n'y a "pas d'emploi croisé".
2Pourquoi ces embauches posent question ?
L'interdiction de l'embauche des conjoints et des enfants avait provoqué l'opposition de nombreux députés, qui étaient eux-mêmes concernés. Si beaucoup se sont déjà conformés à la loi, d'autres s'y accrochent. Selon le décompte de Streetpress, une dizaine de députés emploient toujours des membres de leur famille proche, comme le député Les Républicains Jean-Luc Reitzer, qui emploie sa femme et son fils.
A l'approche de la date butoir, le 15 décembre, certains useraient ainsi, selon Streetpress, d'une astuce pour que leur proches continuent de travailler : les faire embaucher par des collègues. Le président de l'Assemblée nationale, François de Rugy, minimise. "Non, [ils ne contournent pas la loi], a-t-il répondu jeudi à franceinfo. La question est simple : est-ce que ce sont des personnes qui travaillent réellement ? Ça, c'est contrôlable. Les personnes fournissent à ma connaissance des explications qui montrent que ça n'a rien à voir avec des emplois fictifs."
3Comment est encadré ce type de pratiques ?
Un parlementaire qui emploie son conjoint, ses parents ou ses enfants encourt une peine maximale de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. La loi s'appliquera le 15 décembre.
Cette loi pour la confiance dans la vie publique prévoit et encadre aussi le cas où un parlementaire emploierait l'enfant ou le conjoint d'un collègue. Lorsqu'un collaborateur parlementaire a un lien familial avec un autre député ou sénateur, il doit en informer "sans délai le député ou le sénateur dont il est le collaborateur, le bureau et l'organe chargé de la déontologie parlementaire de l'Assemblée dans laquelle il est employé", énonce l'article 14.
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