Les écolos ont-ils vraiment intérêt à négocier avec le PS ?
Si elles aboutissent, les discussions avec les socialistes permettront à Europe Ecologie-Les Verts de disposer d'un groupe à l'Assemblée. Au prix de certains reniements.
Comment continuer à asseoir son leadership sur la gauche sans paraître hégémonique ? Comment arracher quelques concessions programmatiques et grappiller des sièges supplémentaires ? Voilà le difficile exercice auquel se livrent le Parti socialiste et ses alliés à l'approche de chaque élection. Surtout lorsqu'elle est nationale.
Après la parenthèse de la primaire socialiste, le PS et Europe Ecologie-Les Verts (EELV) ont repris leurs négociations en vue des législatives de 2012. Ces discussions serrées, qui portent sur l'élaboration d'un programme de gouvernement et sur les investitures, devraient aboutir d'ici à mi-novembre. Mais au-delà de l'arrière-cuisine, qu'ont vraiment à gagner (ou à perdre) les écologistes à conclure un tel accord ?
• Le bénéfice : gagner des sièges et peser sur le pouvoir
Les écologistes n'ont jamais obtenu plus de sept sièges à l'Assemblée nationale. C'était lors de la victoire de la gauche en 1997, après la dissolution ratée de Jacques Chirac. Une entrée au Parlement rendue possible grâce à un accord avec les autres composantes de la "gauche plurielle", malgré un score modeste de 6,81 % aux législatives.
Entraîné dans la défaite de la gauche en 2002 et 2007, le parti écologiste a, depuis, signé de beaux scores. Aux européennes de 2009, les Verts se sont ainsi payé le luxe de talonner le PS (16,28 % contre 16,48 %).
De quoi leur donner des ailes en vue des prochaines échéances ? Pas vraiment. Le scrutin majoritaire, en vigueur à la présidentielle et aux législatives, pénalise les petites formations. Et les écologistes ne sont pas aidés par leur implantation géographique : tandis que le PCF peut compter sur quelques bastions "rouges" pour obtenir des sièges, eux sont pénalisés par un vote mieux réparti sur tout le territoire.
Les écolos comptent donc sur les accords avec le PS. Selon Jean-Paul Bozonnet, maître de conférences à Sciences Po Grenoble, c'est aussi "le seul moyen pour eux de peser sur le pouvoir et de s'installer dans le système pour conduire des politiques publiques. Ce qu'ils ont bien compris depuis 1997."
Pour les prochaines législatives, EELV revendique une douzaine de députés en cas de défaite de la gauche et 30 à 40 en cas de victoire. Mais au PS, on se borne à promettre un groupe parlementaire. Soit quinze élus.
• Le revers de la médaille : renier une partie du programme
"Autant ils ont tout à gagner en termes de sièges, autant ils ont tout à perdre du point de vue du programme. Tout se paie !", affirme Jean-Paul Bozonnet, selon qui Dominique Voynet "n'avait pas pu faire le dixième de ce qu'elle voulait faire" lorsqu'elle était ministre de l'Environnement sous Lionel Jospin, de 1997 à 2001.
Et les négociations risquent d'être cruelles pour les écologistes, qui seraient prêts, selon certains médias, à ne plus faire de la sortie du nucléaire un préalable à tout accord.
Autre couleuvre que le PS entend bien faire avaler à ses alliés : la construction d'un aéroport près de Nantes, à Notre-Dame-des-Landes, projet contre lequel les écologistes se battent depuis plusieurs années.
• L'effet pervers : la candidature d'Eva Joly affaiblie
Un négociateur EELV l'avoue : "Si le PS présentait des candidats partout contre nous, nous n'obtiendrions qu'un ou deux députés." Mais alors, pourquoi les socialistes se forceraient-ils à composer avec des partenaires si peu dangereux ? "Au second tour, les candidats de gauche ont besoin de nos voix pour battre la droite", répond David Corman, qui mène les négociations pour EELV.
Mais certains observateurs pensent aussi qu'un accord entre les deux partis pourrait permettre au PS de siphonner le vote écologiste dès le premier tour de la présidentielle. Si le programme de gouvernement et le nombre de circonscriptions accordées sont négociés avant même la campagne, quel intérêt y aurait-il à voter pour la candidate écologiste ? Le score d'Eva Joly importerait peu…
Soutien de Nicolas Hulot pendant la primaire EELV mais future membre de l'équipe de campagne d'Eva Joly, l'eurodéputée Sandrine Bélier reconnaît que le calendrier de négociations risque d'affaiblir l'ancienne juge d'instruction : "Il aurait peut-être été plus judicieux de discuter d'abord des circonscriptions, puis d'un éventuel accord de gouvernement entre les deux tours de la présidentielle."
Mais disposer de la visibilité d'un groupe parlementaire pendant les cinq années d'une législature vaut bien quelques reniements. Y compris une discrète impasse sur la campagne présidentielle ?
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