Primaire à droite : comment expliquer le naufrage de Nicolas Sarkozy
Largement distancé par François Fillon et Alain Juppé, l'ancien chef de l'Etat n'a pas réussi, au cours de la campagne, à redorer une image largement ternie depuis sa défaite à la présidentielle de 2012.
La défaite de Nicolas Sarkozy, dimanche 20 novembre, dès le premier tour de la primaire à droite, met un brutal coup d'arrêt à la carrière politique de l'ancien président de la République. Largement distancé par François Fillon et Alain Juppé, il n'a pas réussi, au cours de la campagne, à redorer une image en partie ternie depuis sa défaite lors de la présidentielle de 2012. Autopsie d'un naufrage.
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Le poids de l'échec de 2012
En politique, il est toujours très difficile de revenir.
De fait, en trois mois de campagne, Nicolas Sarkozy n'a jamais su tirer avantage de son statut d'ancien président de la République. Au contraire : déjà rejeté par une large frange de l'opinion depuis son passage à l'Elysée, il a dû subir les attaques de ses concurrents à la primaire, qui ont tous critiqué, à leur façon, son bilan. "Je t'ai vu de près, et justement, maintenant, je suis candidate contre toi", lui a par exemple lancé son ancienne ministre, Nathalie Kosciusko-Morizet, lors du deuxième débat.
Ciblé de toutes parts, Nicolas Sarkozy s'est souvent défendu avec panache, mais n'a pas réussi à convaincre que son retour aux affaires serait synonyme de meilleurs résultats. Son come-back politique en 2014 n'y aura rien changé : trop droitier pour les juppéistes, pas assez libéral pour les fillonistes, il n'a pas réussi à rassembler au-delà de sa base.
Des polémiques à répétition
Les Gaulois, la double ration de frites… La campagne de Nicolas Sarkozy a été marquée par des polémiques à répétition qui n'ont pas servi sa cause. En multipliant les excès de langage, il a échoué à prouver qu'il pourrait être un président plus rassembleur que le chef d'Etat clivant qu'il a été pendant cinq ans. Une rhétorique qui a pu lui jouer des tours, reconnaît Eric Woerth, l'un des piliers de sa campagne, dimanche soir sur franceinfo.
"Quand il a parlé des Gaulois, c'était une belle idée – on prend toute l'histoire de la France quelle que soit son origine – probablement mal comprise", regrette-t-il.
Peut-être que certains mots ont pu choquer, certaines polémiques l'ont affaibli.
Au contraire, le premier tour de la primaire à droite a récompensé deux personnalités aux antipodes des "excès" sarkozystes. Dimanche soir, un proche de Nicolas Sarkozy reconnaissait que François Fillon devait son succès, en partie, à "une synthèse réussie entre le calme et le sérieux d'Alain Juppé, et les yeux ouverts sur la société de Nicolas Sarkozy". Un alliage que l'ancien président n'a pas été en mesure de proposer aux électeurs de droite.
Une mobilisation mal anticipée
Avec trois millions de votants, c'était jouable. Mais avec quatre, ce n'était pas possible.
La forte mobilisation des électeurs, pourtant prévisible sur la foi de multiples enquêtes d'opinion, n'a pas été captée par les radars de son équipe de campagne. "S'il y a trois millions de votants dimanche, je vous paie un café !", plaisantait d'ailleurs l'un de ses lieutenants, interrogé par franceinfo, quelques jours avant le vote.
Pendant trois mois, Nicolas Sarkozy n'a pas concouru comme un candidat à une primaire ouverte : il ne s'est adressé qu'au noyau dur des sympathisants des Républicains. L'épouvantail François Bayrou, agité comme un chiffon rouge, n'a produit qu'une partie des effets escomptés : s'il a bien réussi à détourner de nombreux électeurs d'Alain Juppé, ceux-ci se sont reportés sur François Fillon plutôt que sur lui.
Un candidat plombé par les affaires
Dans la dernière semaine, Nicolas Sarkozy a vu une nouvelle embûche perturber son parcours. La publication par Mediapart d'un témoignage l'accusant d'avoir reçu des valises pleines d'argent liquide en provenance du régime libyen de Mouammar Kadhafi pour financer sa campagne de 2007 est arrivée au pire moment pour l'ancien chef de l'Etat.
Interrogé à ce sujet lors du dernier débat télévisé, le 17 novembre, il n'avait pu dissimuler une colère froide, évoquant "l'indignité" du service public, sans pour autant répondre sur le fond de l'affaire. A force d'être mis en cause, Nicolas Sarkozy, dont les gardes à vue et mises en examen ont alimenté la chronique judiciaire ces cinq dernières années, a perdu une bonne partie de la stature qui lui avait permis de devenir président en 2007.
"Le poids des affaires a joué, injustement", regrette Eric Woerth, qui a bénéficié d'une relaxe dans l'affaire Bettencourt. Désormais en retrait de fait de la vie politique, Nicolas Sarkozy a dit, dimanche soir, aspirer à une vie "avec plus de passion privée et moins de passion publique". Si son nom ne fera plus les gros titres des pages politiques, il pourrait encore faire les choux gras de la rubrique justice.
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