"Hors de question qu'on soit pris de court" : comment Jean-Luc Mélenchon s'agite pour provoquer une élection présidentielle anticipée
Matignon ne les intéresse plus vraiment. Depuis la censure de Michel Barnier, mercredi 4 décembre, les insoumis ont décidé de ne pas prendre part aux négociations sur la formation du nouveau gouvernement. Inutile donc, aux yeux des responsables de La France insoumise, de faire le déplacement à la réunion organisée mardi par Emmanuel Macron avec différents partis pour évoquer un difficile accord de non-censure, où les trois autres partis du Nouveau Front populaire se sont au contraire rendus. L'attitude tranche avec celle que le mouvement de Jean-Luc Mélenchon affichait cet été, lorsqu'il ferraillait pour installer Lucie Castets à Matignon.
Pour LFI, seul compte désormais le palais de l'Elysée. Cela fait maintenant plusieurs semaines que le mouvement de gauche radicale concentre ses offensives sur Emmanuel Macron, vu comme le seul responsable de la crise politique actuelle. "La solution, c'est de traiter la cause du problème, pas l'effet. La cause, c'est lui. C'est lui qui fiche la pagaille, c'est lui qui bloque tout et ne veut entendre personne", a fustigé Jean-Luc Mélenchon sur TF1, le 5 décembre.
"L'esprit, c'est qu'il doit s'en aller pour que le peuple puisse de nouveau voter."
Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumisesur TF1
Alors qu'une nouvelle dissolution et des élections législatives ne peuvent pas intervenir avant le mois de juillet, selon la Constitution, La France insoumise a trouvé son nouveau cheval de bataille : tout faire pour aboutir à une élection présidentielle anticipée, deux ans avant l'échéance prévue, au printemps 2027. Deux chemins sont possibles pour y parvenir, à commencer par la destitution du chef de l'Etat. En octobre, la procédure a considérablement pris du plomb dans l'aile depuis le refus de la conférence des présidents de l'Assemblée nationale d'examiner ce texte dans l'hémicycle.
"Il ne peut pas tenir trente mois"
Dans ce dossier, Jean-Luc Mélenchon et ses soutiens comptent indirectement sur l'appui de l'extrême droite pour relancer la machine. "Je suis prêt à prendre les paris que dans un ou deux mois, peut-être que le RN finira par se dire qu'il n'y a pas d'autre solution", a affirmé le triple candidat à l'élection présidentielle sur TF1. Marine Le Pen et l'extrême droite sont-elles prêtes à rejoindre les insoumis dans leur volonté de le démettre ? "Les Français commencent à penser que c'est Emmanuel Macron le problème. (...) C'est lui, le perturbateur en chef", confie une responsable du parti à la flamme.
Pour permettre une présidentielle anticipée, comme le souhaitent La France insoumise et Jean-Luc Mélenchon, l'autre option consiste en une démission du chef de l'Etat. Lors de son allocution du 5 décembre, Emmanuel Macron a exclu cette éventualité avant la fin de son mandat. Mais les insoumis misent sur un blocage politique en espérant qu'aucun gouvernement n'échappe à la censure d'ici à l'été prochain. "Il n'a jamais cessé de faire autre chose que ce qu'il avait annoncé. Il avait dit qu'il ne ferait pas de dissolution, il l'a fait. Et ainsi de suite. C'est normal qu'il dise qu'il veut rester. (...) Inéluctablement, le président Macron finira par s'en aller. Il ne peut pas tenir trente mois en nommant un gouvernement Barnier tous les trois mois", a lancé Jean-Luc Mélenchon auprès des médias espagnol et italien El Pais et La Repubblica.
Les insoumis croient dur comme fer à un coup de tonnerre politique au printemps 2025. Ils ont déjà à l'esprit le mois de février, avec le renouvellement d'un tiers des neuf membres du Conseil constitutionnel, dont un membre par le chef de l'Etat. "Une composition plus favorable au président de la République pourrait alors rendre possible une interprétation de la Constitution permettant une nouvelle candidature de sa part", anticipe le parti dans la première version du texte d'orientation stratégique de son "assemblée représentative", sorte d'assemblée générale du mouvement, qui a lieu samedi. Le président de la République n'a cependant pas affiché le souhait de se représenter, une éventualité qui poserait par ailleurs d'autres problèmes constitutionnels.
"Nous devons être immédiatement en campagne"
En attendant cet improbable départ du chef de l'Etat, Jean-Luc Mélenchon se prépare et s'active. Dans les médias, dans les meetings, jusque dans la tribune de l'Assemblée nationale avant le débat de la motion de censure… Le leader insoumis se démultiplie et tente de précipiter ce rendez-vous autant qu'il le peut. Lui se refuse publiquement à valider sa propre candidature en cas de présidentielle anticipée : "Si, avec mes camarades, je demande la destitution du président de la République, ce n'est pas parce que j'ai l'intention obsessionnelle d'aller me casser la tête à faire ce boulot", a-t-il balayé à Redon (Ille-et-Vilaine)< mardi soir.
Ses lieutenants ne se privent pourtant pas pour rappeler son pedigree. "S'il y a une élection présidentielle anticipée, évidemment qu'on revendiquera le fait que Jean-Luc Mélenchon a rassemblé 22% des suffrages en 2022", appuie Nathalie Oziol, coresponsable des élections au sein de la direction de La France insoumise.
"Sa candidature serait une très forte hypothèse."
Nathalie Oziol, députée et cadre de La France insoumiseà franceinfo
Pour justifier de présenter le même candidat pour la quatrième fois d'affilée, le parti de gauche radicale met en avant la nécessité d'aller vite, car le premier tour de l'élection présidentielle anticipée doit se tenir entre vingt et trente-cinq jours après le départ du chef de l'Etat, d'après la Constitution. "Pour gagner, nous n'avons pas intérêt à passer quinze jours dans des palabres qui tournent en rond. Nous devons être immédiatement en campagne : LFI proposera une candidature issue de ses rangs autour de ce programme. Et si l'élection présidentielle anticipée doit avoir lieu dans les prochaines semaines, Jean-Luc Mélenchon est aujourd’hui le candidat le mieux placé pour la porter", a insisté Manuel Bompard, coordinateur du mouvement, dans Libération.
Derrière l'agitation du tribun, la frénésie a gagné La France insoumise pour être prêts le jour J. "Nous avons engagé depuis plusieurs mois maintenant une réactualisation du programme L’Avenir en commun (...). Nous préparons nos financements et nous commençons à recontacter les élus qui avaient parrainé Jean-Luc Mélenchon à la dernière élection présidentielle", a assuré Manuel Bompard à Libération. "Il est hors de question qu'on soit pris de court", résume Nathalie Oziol, à propos d'une échéance qui pourrait ne pas advenir avant deux ans, comme le souhaite Emmanuel Macron.
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