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Ministre de l'Ecologie, un poste maudit ?

Delphine Batho est la deuxième ministre de l'Ecologie du gouvernement à devoir quitter son poste. Et avant elle, d'autres ont dû abandonner ce ministère précaire.

Article rédigé par Julie Rasplus, Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'ancienne ministre de l'Ecologie Delphine Batho répond aux questions des journalistes devant l'Elysée, le 5 juin 2013. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Elle a tenu un an. Pas plus. Les critiques de la ministre de l'Ecologie contre le budget envisagé pour son ministère en 2014 l'ont poussée vers la sortie. Delphine Batho a été remerciée par François Hollande mardi 2 juillet.

L'éviction de la ministre a provoqué de très nombreuses réactions à droite comme à gauche, certains se questionnant sur la symbolique d'une telle décision, un an après le renvoi de Nicole Bricq de ce même ministère. Depuis mai 2012, la France a donc connu trois ministres de l'Ecologie : Nicole Bricq, Delphine Batho et désormais Philippe Martin. L'Ecologie serait-il un portefeuille si difficile à conserver ? Eclairage. 

Des passages éclair

Au cours des vingt dernières années, 14 ministres ou secrétaires d'Etat se sont succédé à ce poste. Des passages pour le moins rapides. Depuis la réélection de Jacques Chirac en 2002, seul Jean-Louis Borloo est resté à la tête du ministère de l'Ecologie et du Développement durable plus de deux ans, de juin 2007 à novembre 2010. Alain Juppé et Nicole Bricq battent eux le record inverse : le premier n'a conservé le poste que 32 jours, poussé vers la sortie après son échec aux législatives de 2007, et la seconde y est restée seulement 37 jours. 

De quoi faire de ce ministère l'un des plus précaires de la République. Une analyse des chiffres depuis 2002 révèle que le titulaire du poste ne reste en place que 512 jours en moyenne. C'est presque deux fois moins que pour ses homologues de la Défense ou de la Culture.

Un poste où il faut combattre… 

Pour Dominique Voynet, ex-ministre de l'Environnement (1997-2001), Delphine Batho a surtout manqué de combativité. Elle "l'a ouvert bien tard, a-t-elle lâché sur France 2. Et, au moment où elle choisit de se rebeller, elle le fait d’une façon qui ne lui permet pas de peser vraiment. On attend d'un ministre de l'Ecologie qu'il soit capable de démontrer qu'il est rationnel, efficace et créateur d'emplois."

Cette complexité de la fonction, Corinne Lepage, ministre de l'Environnement dans le gouvernement d'Alain Juppé (1995-1997), l'a décrite dans On ne peut rien faire Madame le ministre. Elle y couche son impuissance face aux lobbies industriels ou politiques qui ont tout fait pour bloquer ses réformes, raconte Libération. Delphine Batho avait-elle appris la leçon ? Déjà peu connaisseuse de ces sujets, elle a en tout cas marché sur des œufs sans réussir à convaincre, note Le Monde (article abonnés)

Une impertinence vite sanctionnée

Mais plus que le manque de combativité, c'est l'indiscipline de la ministre qui lui a coûté son poste. Pour François Hollande, Delphine Batho a "manqué au principe majeur de solidarité gouvernementale". Avant elle, d'autres ministres ont aussi payé cher leurs décisions et propos critiques envers la politique de leur gouvernement.

Parmi eux, Nathalie Kosciusko-Morizet. En 2008, la secrétaire d'Etat à l'Ecologie est sommée de présenter ses excuses à son ministre de tutelle Jean-Louis Borloo et au chef des députés UMP de l'époque, Jean-François Copé, après s'être écharpée avec les députés de la majorité à propos d'un projet de loi sur les OGM. La punition arrive début 2009, lors d'un remaniement ministériel : NKM est éloignée de l'Ecologie pour rejoindre quelques temps l'Economie numérique. 

Nicole Bricq, avant-dernière ministre de l'Ecologie, doit elle son passage éclair à sa décision de suspendre les forages pétroliers au large de la Guyane en juin 2012. "Elle a perdu face au lobby de Shell", analyse le porte-parole de France Nature Environnement dans Terra Eco. Elle est finalement recasée au ministère du Commerce extérieur lors d'un mini-remaniement en juin 2012

Un budget qui pâtit de la crise 

L'écologie souffre enfin de la rigueur. Ainsi, la mission "Ecologie" du budget est considérée comme "non prioritaire" par le gouvernement, à l'instar de la Culture ou de la Défense. Cette position s'accorde avec les résultats d'une enquête de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (PDF). Les Français y apparaissent davantage préoccupés par le chômage et les inégalités sociales que par l'environnement. 

Un rapide coup d'œil aux sommes débloquées chaque année pour le ministère montre de façon concrète l'impact de la crise économique. Alors qu'il avait augmenté entre 2011 et 2012, le budget alloué à ce maroquin a diminué entre 2012 et 2013, passant de 9,74 à 8,38 milliards d'euros dans la dernière loi de finances. La baisse devrait encore s'accentuer en 2014, puisque le gouvernement prévoit de baisser de 7% les crédits pour la mission Ecologie, soit environ 500 millions d'euros. Il s'agit de la diminution la plus importante après la "politique des territoires" (-8%), note Le Monde (article abonnés). L'Ecologie est aussi le troisième ministère le plus touché par les réductions de postes, avec 1 093 suppressions prévues.

Toutefois, ces économies conséquentes devraient être en partie compensées "par les recettes de l'écotaxe poids lourds", qui entre en vigueur en octobre et devrait générer près de 800 millions d'euros par an. Le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, a également relativisé cette baisse, assurant à l'AFP que 6,4 milliards d'euros seront disséminés sur d'autres postes. Lors des questions au gouvernement, Jean-Marc Ayrault a lui renvoyé aux investissements "ambitieux" qu'il prévoit "en matière de transports qui préservent l'environnement" et "pour l'efficacité énergétique".

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