"Mon maire, ce n'est plus mon maire ?" En Normandie, 18 communes fusionnent pour n'en former qu'une
Petit Caux, en Seine-Maritime, fait partie des 230 communes nouvelles créées le 1er janvier 2016. Avec 18 communes regroupées, elle représente la fusion la plus importante de France.
A l'autre bout du fil, l'incompréhension domine. "J'habite Biville-sur-Mer, pas Petit Caux", lance Maria, 72 ans. Elle n'a pas entendu parler de sa commune nouvelle, créée dans ce coin de Seine-Maritime le 1er janvier 2016. "Mais je vais me renseigner", promet-elle. Un peu plus loin sur la côte, Ghislaine, 64 ans, est mieux informée. "Je suis au courant, répond d'emblée cette habitante de Saint-Martin-en-Campagne, avant de s'interroger : Si j'ai bien compris, notre maire, ce n'est plus notre maire ?"
Oui, elle a bien compris. Depuis le 1er janvier, les maires des 18 communes qui ont fusionné pour former Petit Caux, 9 000 habitants et un nom tout nouveau, ne sont plus que des "maires délégués". Le maire de Ghislaine et Maria s'appelle désormais Patrick Martin. Il était déjà le président de la communauté de communes qui a précédé la commune nouvelle. Une entité trop petite, selon la loi NOTRe, cette "com com" allait être avalée par une voisine. "Il y avait un risque de retour en arrière. La commune nouvelle est la meilleure solution pour conserver nos compétences", pointe l'édile.
"Je n'en pense pas grand-chose"
Dans une période où l'Etat donne de moins en moins d'argent aux communes, la fusion est, en outre, encouragée par une incitation financière. In fine, la manœuvre doit permettre à ces petites communes d'unir leurs forces, de mutualiser les équipements et les moyens et d'augmenter leur poids politique dans la région. "Il vaut mieux une seule collectivité soudée que 18 petites communes dispersées", explique Patrick Martin, qui espère en outre réaliser des économies d'échelle.
Les habitants attendent de voir. "Pour l’instant, je n’en pense pas grand-chose, ça vient de se mettre en place", confie Patrick, 54 ans, du village d'Assigny. Il aimerait bien que cette fusion se traduise par la fin des inégalités entre les 18 villages du territoire. "Sur le bord de mer, c'est parfait. Mais de l'autre côté de la D925, il faut pleurer pour avoir quelque chose : une connexion internet avec du 512 kbits à notre époque, ce n'est pas terrible."
"On essuie un peu les plâtres"
Beaucoup s'inquiètent d'une éventuelle hausse d'impôts. "A Brunville, on ne paye pas beaucoup d'impôts. Ce qui me fait peur, c'est d'être regroupé et de payer plus", explique Mélina, 37 ans. "L'essentiel, c'est que cela ne change rien au niveau des impôts", abonde Ghislaine. Le maire promet que la hausse sera limitée. "On a prévu un lissage sur douze ans, avec une hausse maximum de 10 euros par an et par foyer", indique-t-il.
Comme le montre le site internet –qui souhaite la bienvenue dans la communauté de communes de Petit Caux aujourd'hui disparue– tout n'est pas encore calé. Validée définitivement le 7 novembre, la fusion s'est faite "à marche forcée". "On essuie un peu les plâtres, on ne connaît pas encore toutes les conséquences de cette décision", reconnaît Patrick Martin, qui se donne jusqu'aux prochaines municipales, en 2020, pour que cette commune soit "effective dans les faits et dans les têtes". Pendant cette période transitoire, il a été décidé de conserver les anciennes mairies, les conseils municipaux –qui forment, rassemblés, le conseil de Petit Caux– ainsi que le personnel. Les anciennes communes conservent leurs compétences d'état civil, d'urbanisme et d'élections.
Plusieurs rues ont le même nom
En attendant, le maire de Petit Caux a dû gérer tout une série de problèmes pratiques. Quelle adresse indiquer sur les enveloppes ? Comment résoudre l'imbroglio de ces rues qui partagent un même nom, un même code postal et désormais une même commune ? Après avoir consulté La Poste, il a opté pour la solution "la plus indolore possible". Les nouvelles adresses conservent le nom des anciennes communes, auxquels s'ajoute la mention "Petit Caux". Quelques rues seront rebaptisées. "Pour les rues de l'église ou de la mairie, il va falloir faire preuve d'un peu d'imagination pour les doter d'un nouveau nom", reconnaît Patrick Martin.
Les panneaux d'entrée de ville ne seront pas modifiés, mais complétés avec une mention "commune de Petit Caux". Le problème le plus épineux reste le choix du nom des habitants. "On a lancé une consultation et reçu une petite centaine de réponses. Mais je n'ai rien vu de très séduisant", confie le maire, qui veut prendre le temps de trouver un nom "moderne et symbolique". Ghislaine n'est pas plus inspirée : "Là, vous me posez une colle", répond-elle.
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