Publier le patrimoine des élus : du "voyeurisme", juge Bartolone
François Hollande a annoncé une série de mesures pour "moraliser la vie publique". Parmi elles, la publication des déclarations de patrimoine des parlementaires. Réactions des députés, à l'Assemblée, ce mercredi.
L'opération transparence prônée par François Hollande n'est pas complètement du goût de Claude Bartolone. Dans un entretien au Figaro, jeudi 11 avril, le président socialiste de l'Assemblée nationale se dresse contre la publication du patrimoine des élus, souhaitée la veille par le chef de l'Etat. "La dérive individuelle de M. Cahuzac ne doit pas déboucher sur une culpabilité collective. Je mets en garde contre toute initiative qui viendrait alimenter le populisme, prévient Claude Bartolone. Déclarer, contrôler, sanctionner, c'est de la transparence. Rendre public, c'est du voyeurisme. L'émotion d'un moment ne doit pas aboutir à ce que les députés soient jetés en pâture."
Un avis partagé par de nombreux députés, de droite comme de gauche. "La politique est un acte qui compte, pas un acte qui rapporte." Dans les couloirs de l'Assemblée, Patrick Balkany (UMP) s'en tire avec une pirouette pour dénoncer le "strip-tease" imposé par François Hollande.
"C'est un gouvernement de nudistes ! Tous à poil !"
A l'Assemblée, la mesure réveille le parfum du soupçon. Gilbert Collard (apparenté FN) ouvre le bal, avec une référence à La Guerre des boutons. "Si j'avais su qu'on serait traité comme ça à la représentation nationale, j'aurais pas venu !" L'élu du Gard redoute la dérive "populiste" d'une mesure aux accents de "Terreur", prise à la hâte pour faire oublier l'affaire Jérôme Cahuzac."C'est un gouvernement de nudistes, tous à poil !" Lionnel Luca (UMP), lui, préfère parler de la "démagogie" de "dazibaos maoïstes". Le député des Alpes-Maritimes ajoute que "François Hollande fait tout pour salir la profession politique", en expliquant qu'il faut la moraliser. Après tout, résume-t-il à sa manière, "quand il y a un professeur pédophile, cela ne veut pas dire que tous les professeurs sont pédophiles."
Lorsqu'il est interpellé sur l'opacité supposée du système actuel, le député UMP Eric Woerth coupe court. "Vous plaisantez ? Vous ne connaissez pas la loi !" Comme des milliers de personnalités publiques, les parlementaires ont en effet l'obligation de déclarer leurs patrimoines en début de mandat, auprès de la commission pour la transparence financière de la vie politique. Ils doivent à nouveau remplir ce document (PDF) en fin de mandat. En cas d'enrichissement suspect, la commission transmet le document au parquet. Dans ces conditions, à quoi bon rendre publics des documents déjà passés au crible des institutions ?
A gauche non plus, tout le monde n'est pas emballé par ce grand déballage. "Je suis dubitatif à l'idée de devoir étaler mon patrimoine privé, mais je le donnerai, même s'il est modeste, explique ainsi Olivier Falorni (groupe radical). Etre cigale ou fourmi ne rend pas les gens honnêtes, les voyous restent des voyous."
"Quand on est un homme politique, on n'a rien à cacher"
Mais la principale gêne est sans doute culturelle. "Si la loi m'y oblige, je rendrai publique ma déclaration de patrimoine, concède Bernard Accoyer. Avoir un grand patrimoine, c'est une qualité dans les pays anglo-saxons. Ce n'est pas le cas en France." Et si la députée PS Elisabeth Guigou ne voit "aucune opposition" à l'idée de ces publications – comme "cela se fait dans d'autres pays européens" –, elle ajoute que cette question "qui intéresse beaucoup les médias" n'est qu'un "symbole". Avant d'embrayer sur les paradis fiscaux.
"Pour beaucoup de gens, le pouvoir est associé à l'argent", acquiesce Patrick Mennucci (PS). Il a donc fait le choix inverse et a pris les devants. Une première fois, lors des municipales à Marseille, puis une seconde fois, au début du mois d'avril. Il estime aujourd'hui son patrimoine à 500 000 euros. "Ma femme de ménage m'a dit que son mari trouvait que je n'avais pas grand-chose." Rendre publics ces documents aurait pour effet de simplifier les vérifications. "Quand on a travaillé toute sa vie comme parlementaire, on ne peut pas avoir une maison de 2 ou 3 millions d'euros", ajoute Patrick Mennucci.
"Quand on est un homme politique, on n'a rien à cacher", résume Nicolas Dupont-Aignan. L'élu de Debout la République a déjà joué le jeu, lors de sa candidature à la présidentielle. Mais cette fois, il doute pourtant de la capacité de la future Haute autorité à mener des investigations. Cinquante enquêteurs de police judiciaire, et autant de magistrats et d'agents, devraient grossir les rangs de la direction générale des finances publiques, selon François Hollande.
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