Examen du budget 2025 à l'Assemblée nationale : pourquoi certains groupes retirent-ils une partie de leurs amendements ?

Article rédigé par Thibaud Le Meneec - avec Margaux Duguet
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Des députés lors d'une séance à l'Assemblée nationale, à Paris, le 24 octobre 2024. (JULIEN DE ROSA / AFP)
Le Nouveau Front populaire, le groupe de droite et une partie du bloc présidentiel ont renoncé ces dernières heures à des centaines d'amendements, alors qu'un vote sur la première partie du texte budgétaire doit théoriquement avoir lieu mardi.

L'Assemblée nationale a connu, depuis le début de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, bon nombre de manœuvres parlementaires dont elle est coutumière. Les dernières en date ont eu lieu jeudi 24 et vendredi 25 octobre, à l'occasion des discussions budgétaires dans un hémicycle au centre du jeu politique cet automne. A gauche, au centre, à droite... Face à des débats qui s'enlisent, plusieurs groupes ont affirmé qu'ils retiraient une partie de leurs amendements sur ce texte crucial.

Le président de La France insoumise (LFI) de la commission des finances, Eric Coquerel, a annoncé que les quatre groupes du Nouveau Front populaire (NFP) allaient retirer un quart de leurs amendements, soit environ 270. Ensemble pour la République (EPR, ex-Renaissance), présidé par Gabriel Attal, a pour sa part retiré "une centaine d'amendements", a précisé jeudi après-midi le député David Amiel. Selon une source parlementaire contactée par franceinfo, vendredi matin, le groupe Droite républicaine (DR, ex-Les Républicains) a lui aussi procédé au retrait d'une centaine d'amendements sur la première partie du PLF, consacré aux recettes.

Accélérer l'examen pour aller jusqu'au vote

Tous partagent un objectif identique : accélérer l'examen du texte pour aller jusqu'au vote. "Les quatre groupes du NFP ne seront pas ceux qui feront échouer l'examen du budget 2025", ont assuré quatre de leurs représentants devant les journalistes, jeudi après-midi. David Amiel, au nom du groupe EPR, est allé dans le même sens, affirmé jeudi qu'il souhaitait "des votes et des débats". Dans le cas contraire, "les Français vont se demander à quoi sert l'Assemblée", a plaidé le député auprès des journalistes.

Dans cette bataille parlementaire acharnée, le temps est compté. Certes, la conférence des présidents de l'Assemblée nationale a prévu la possibilité pour les élus de siéger samedi afin de débattre de ce texte, mais "au rythme où nous allons, nous ne pourrons pas finir cette première partie du PLF, ce qui serait un échec démocratique collectif pour l'ensemble des députés et pour l'ensemble de l'Assemblée nationale", a avancé David Amiel, jeudi. 

Avec plus de 2 000 amendements qui restaient à débattre, vendredi en fin d'après-midi, il est en effet possible que les débats ne puissent pas se terminer samedi, voire dimanche, si les débats se poursuivaient en fin de week-end. Dans ce cas, le vote solennel, prévu mardi 29 octobre pour cette première partie du budget 2025, ne pourra pas avoir lieu et les débats devront reprendre le 5 novembre. Jeudi, l'insoumis Eric Coquerel a accusé la droite et du camp présidentiel, "socle commun" qui compose la quasi-totalité du gouvernement, d'utiliser des amendements pour éviter le vote.

"Manifestement, tout est fait par le gouvernement et les groupes gouvernementaux pour essayer de faire traîner les débats."

Eric Coquerel, président LFI de la commission des finances à l'Assemblée nationale

à l'AFP

Jean-Philippe Tanguy, vice-président du groupe Rassemblement national, a également dénoncé "l'obstruction en permanence" des groupes de la droite et du centre. "Nous sommes baladés par un pouvoir qui n'existe plus", a-t-il fustigé dans l'hémicycle.

"Les oppositions espèrent toutes qu'on claque le 49.3"

Le gouvernement rejette ces accusations. Dans la configuration actuelle, il pourrait soit utiliser l'article 49.3, qui permet de faire adopter un texte sans vote, soit utiliser l'article 47 de la Constitution, selon lequel, si l'Assemblée n'arrive pas à se prononcer en première lecture sur un projet de loi de finances au bout de quarante jours (soit ici le 21 novembre), le gouvernement saisit directement le Sénat.

Pour l'heure, "Michel Barnier n'a pas envie d'un 49.3", assure un proche du Premier ministre. Par sécurité, le gouvernement a tout de même autorisé, mercredi, l'ancien commissaire européen au Brexit à y recourir. Cette solution aurait deux inconvénients aux yeux de l'exécutif. D'abord, une seule utilisation de cette arme constitutionnelle pourrait ne pas suffire pour faire passer le budget. Elisabeth Borne avait pâti des très nombreux recours à cet article pour faire adopter les textes budgétaires en 2022 et 2023. "Michel Barnier veut s'épargner dix 49.3", croit savoir un cadre du "socle commun" à l'Assemblée nationale, et ce, d'autant que tout 49.3 engendre le risque d'une motion de censure votée par des oppositions coalisées.

La perspective d'une commission mixte paritaire en décembre

"La réalité, c'est que les oppositions espèrent toutes qu'on claque le 49.3, analyse un conseiller ministériel. Elles viennent de comprendre qu'on allait aller au vote et qu'on ne poserait pas de 49.3 sur la première partie du PLF. Ils ne peuvent donc pas hurler au déni de démocratie." Pour contrer cette stratégie gouvernementale, les groupes de gauche pourraient donc être tentés de battre le gouvernement aux voix, si le vote a bien lieu. Si la première partie du PLF 2025 était rejetée, le texte initial présenté par le gouvernement le 10 octobre serait alors transmis au Sénat pour être examiné.

"Il y aura une commission mixte paritaire et ensuite un seul 49.3 sur tout le texte", prédit le proche de Michel Barnier. Cette commission, qui réunit sept députés et sept sénateurs en fonction des équilibres politiques de chaque chambre, serait alors chargée en décembre d'aboutir à une version finale du texte. Avec une composition favorable au "socle commun", elle devrait en théorie soutenir l'exécutif, qui doit manœuvrer avec habileté dans cet automne budgétaire de tous les dangers.

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