Portrait de Robert Rochefort, lieutenant de François Bayrou
Jeudi 12 avril, François Bayrou tient une conférence de presse sur "le produire en France", en compagnie de Robert Rochefort qui a nourri ce concept. Portrait de cet expert de la société civile entré en politique, rencontré il y a trois semaines.
Si vous avez regardé la télévision dans les années 90 et 2000, vous connaissez forcément le visage de Robert Rochefort.
L'expert
A l'époque directeur du Credoc, organisme d'observation des modes de consommation, il est l'un des experts chouchous des médias. Un Monsieur-Je-sais-tout capable de disserter aussi bien sur le boom des couches-culottes jetables que sur l'évolution du marché de l'immobilier des pavillons en zone péri-rurale.
Le professeur Rochefort a toujours quelquechose à dire et il le dit bien. Le bon client idéal, comme disent les casteuses de talk-show de société.
Aujourd'hui, il fait le tour des plateaux télé pour défendre la campagne de François Bayrou. Est-il toujours aussi bon ?
"C'est aux autres de le dire. Certains pensent que je négocie bien le virage. Mais pour être honnête, mon idéal est d'être dans une posture, ou bien que politique, je continue à être dans une fonction pédagogique. Je veux être un analyste engagé"; explique-t-il.
Le matheux
Petite devinette: quelle est le comble du statisticien ? Faire mentir les statistiques.
Fils d'une blanchisseuse de la Goutte-d'Or, le jeune Rochefort est orienté en filière professionnelle qui ne le passionne guère. Mais son goût des mathématiques est détecté. Et lui permet de continuer des études supérieurs en statistiques
"Les statistiques ont été pour moi le compromis entre le fait d'utiliser mes capacités en maths et ma volonté de compréhension du monde. Je les utilise toujours. Je suis incapable d'appréhender une question sans avoir une quantification, dont je me détâche ensuite. Ca devient une philosophie. L'important dans la vie c'est d'avoir le sens de la mesure", commente Rochefort.
Le chrétien
Sens de la mesure ! Le mot est lâché. Très centriste d'esprit . Cela explique-t-il son adhésion au MoDem ? Il est élu député européen sur une liste orange aux élections européennes dans le Sud-Ouest en 2009. Il se définit avant tout comme un militant associatif inspiré par le christianisme social. Il est rentré en politique sur le tard, à 53 ans, menant auparavant sa carrière au Credoc qu'il dirige de 1987 à 2009.
"J'ai toujours eu le goût de la politique. Il m'a été transmis par mon grand-père qui m'a élevé et qui était maire adjoint, tendance radical socialiste au Raincy (93). Après mes études, j'ai choisi de travailler pour la Sécurité Sociale plutôt que de faire du marketing dans le privé. Au Credoc, j'ai rencontré beaucoup de politiques. Je savais que c' était un monde très dur. J'ai un peu hésité, mais j'en ai eu assez de ne pas être dans l'action", confesse-t-il.
Le centriste
Le voici donc aux côtés de François Bayrou avec l'étiquette politique venu de la vie civile. Même s'il dit ne guère goûter la fonction tribunicienne, au meeting du Zénith, il est allé de son petit encouragement à Bayrou comme le reste de ses camarades.
Sa connaissance des panels de consommateurs pourrait l'amener à être un de ses hommes de l'ombre, ses spin doctor qui lisent dans les sondages et les "études quali" comme dans une boule de cristal. "Surtout pas. Je dénonce l'envahissement du schéma consommatoire dans le champ politique", explique-t-il.
Il a néanmoins influencé l'idée du produire en France, en tout cas la nécessité d'impliquer le consommateur dans cette proposition pour qu'elle fonctionne.
Le conseiller
Miracle, il aurait donc été écouté par François Bayrou, qui a la réputation de décider un peu tout seul.
"Bayrou est l'exemple même du type qui n'aime pas montrer qu'il écoute. Il fait tout pour faire comme s'il n'écoutait pas. Il aurait tendance à vouloir se démarquer à fond car il a l'esprit de contradiction. En fait, vous vous rendez compte en l'écoutant le lendemain à la radio, qu'il dit ce que vous disiez la veille", analyse l'ancien directeur du Credoc.
Alors quels seraient les conseils de Rochefort pour ce dernier mois de campagne, où Bayrou doit rattraper son retard et atteindre l'objectif minimal d'arriver en troisème position au premier tour ?
"Il faut qu'il n'ait pas peur de faire des propositions dérangeantes, originales, un peu transgressives qui ne soient pas populistes. Il est au fond de lui-même un type original avec une colère contre l'ordre établi. Mais en même temps par son aspect cultivé et son expérience de trente ans de vie politique, quelquechose le fait hésiter à être transgressif. S'il veut avoir une chance, il doit secouer le cocotier".
En somme, perdre un peu le sens de la mesure pour affoler les statistiques.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.