Candidat ou pas ? Ce que Manuel Valls envisage pour 2017 après sa confrontation avec François Hollande
Après s'être déclaré "prêt" pour la primaire à gauche, le Premier ministre a semble-t-il reculé face à une possible candidature de François Hollande. Mais le sujet n'est pas clos pour lui, à en croire les confidences de certains de ses proches.
A Tunis, lundi 28 novembre au soir, Manuel Valls vient de finir son discours à la résidence de France. Le Premier ministre descend de l'estrade et salue les invités, quand des journalistes l'abordent pour lui demander : "Pourquoi avez-vous renoncé à être candidat ?" Manuel Valls sourit, tourne les talons. Puis il se retourne pour répondre, sourcils froncés et index menaçant : "Vous avez des drôles de traductions, vous !" Il s'éloigne. Avant, quelques minutes plus tard, de revenir à la charge : "Pourquoi 'renoncer' ? Réfléchissez, il y a un schéma, il y a d'autres possibilités qui existent." Et de tourner les talons – cette fois pour de bon.
Manuel Valls n'a donc pas renoncé à être candidat en 2017. Dimanche déjà, dans les colonnes du JDD, le Premier ministre évoquait la nécessité pour la primaire initiée par le PS de "donner un élan, de l'espoir". "Il faut se préparer au face-à-face, lançait-il. Je m'y prépare, j'y suis prêt." Comment pourrait-il se lancer dans la bataille ? Comment pourrait-il défier l'actuel locataire de l'Elysée ? Franceinfo liste les scénarios qui s'offrent à lui.
1Hollande ne se présente pas, la voie est libre
Peut-être Manuel Valls espère-t-il encore que François Hollande ne brigue pas un second mandat. D'après l'un de ses soutiens, interrogé par franceinfo, c'est le sentiment qu'il a eu lundi, au lendemain de ses déclarations au JDD, en sortant de son déjeuner à l'Elysée. Ou, du moins, que le président n'a toujours pas pris sa décision. "Pendant le déjeuner, Manuel Valls a mené une intense campagne de persuasion pour expliquer au président qu'il ne pouvait pas être candidat, compte tenu de l'opinion publique, raconte cette source. Il y a eu ce dialogue franc et massif, comme on dit en langage diplomatique, sur le thème : 'tu ne peux pas y aller'."
Le président n'a pas dévoilé ses intentions. Mais le Premier ministre a l'impression que Hollande réfléchit toujours, et qu'il l'a ébranlé. Il a senti des doutes, des fléchissements.
Le récent rappel à l'ordre du premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, sur la nécessité d'en passer par une primaire peut aussi nourrir ce sentiment. Plusieurs proches du président, à commencer par le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, avaient laissé entendre ces dernières heures que François Hollande pourrait s'affranchir de ce processus en cas de candidature. Hors de question, a tonné le patron du parti, mardi 29 novembre. Sur Europe 1, il a "exclu" cette possibilité : "Il y aura une primaire (…) et personne ne me fera reculer là-dessus."
2Valls démissionne pour être candidat
D'autres soutiens de Manuel Valls vont plus loin. Ils pensent que même si François Hollande se présente, cela n'empêche pas le Premier ministre d'être candidat à la primaire. C'est le sens de l'intervention – très remarquée – de Claude Bartolone, samedi dernier à Bondy : "Je souhaite que Valls participe à la primaire, je souhaite que Hollande participe à la primaire", a lâché le président de l'Assemblée nationale, rallié à la cause du chef du gouvernement. Un tel scénario impliquerait que ce dernier démissionne, puisque Matignon a déjà fait savoir qu'il n'y aurait "aucune confrontation au sein d'une primaire entre le président de la République et le Premier ministre".
L'hypothèse n'est pas exclue par un très proche de Manuel Valls, interrogé par franceinfo. "Le principe même de la primaire écrase le carcan de la Ve République, qui veut que le seul candidat soit le président sortant, explique cette source. Quand, le 18 juin dernier, le PS acte l'organisation d'une primaire, c'est une façon de dire qu'il n'y a pas dans la personne du président sortant un candidat naturel." Un responsable socialiste abonde : si Manuel Valls démissionnait avant de se présenter contre François Hollande, il ne provoquerait pas de crise institutionnelle. "On a intégré dans notre vie politique un mécanisme de désignation des candidats, justifie-t-il. Et François Hollande l'a validé. En acceptant de participer à une primaire, c'est le président qui fait bouger les institutions. Donc il en assume les conséquences. On ne peut pas revendiquer une évolution dans nos pratiques démocratiques et ensuite dire : 'c'est la crise' quand on y passe."
Si les soutiens de Manuel Valls espèrent encore une candidature de leur champion, c'est aussi parce qu'ils se projettent au-delà de la présidentielle, notamment aux législatives. "Si on ne se pose pas les bonnes questions aujourd'hui, on aura tout perdu, prédit l'un d'entre eux. Je ne me résigne pas à cela. On n'est pas condamné à subir la victoire d'une droite décomplexée, tout ça pour faire plaisir au roi nu."
3Valls prend ses distances… pour préparer la suite
Et si Manuel Valls, finalement, renonçait à être candidat ? Aurait-il mené cette offensive pour rien ? Ce n'est pas ce que pense un membre du gouvernement interrogé par franceinfo : "Dans l'offensive incroyable qu'il a menée, Manuel Valls avait un objectif minimal, la différenciation, et un objectif maximal, la dissuasion. Il a déjà gagné le premier." Il est vrai que le Premier ministre a repris des couleurs en termes de popularité, depuis qu'il a fait part de sa "colère" et de la "honte" ressentie par les militants après la parution d'Un président ne devrait pas dire ça, livre de confidences source de multiples polémiques. Pendant que François Hollande continue sa descente aux enfers auprès de l'opinion, Manuel Valls a commencé à remonter la pente.
D'après un de ses amis, "la dégringolade du président le tire vers le bas dans des conditions qu'il n'avait pas imaginées". "Il comprend que le piège est total et que François Hollande va l'entraîner au fond de la piscine, poursuit cette source. Dans le même temps, il voit Emmanuel Macron et Arnaud Montebourg, qu'il considère comme ses principaux rivaux dans le futur, se porter candidats." Pour éviter de se laisser entraîner par le président dans sa chute, reste la possibilité de prendre un maximum de distance. "Son unique intérêt, c'est de faire comprendre qu'il n'est plus avec François Hollande. C'est une obsession pour lui. Il veut aller jusqu'au bout du découplage." Une stratégie pour préserver son avenir politique.
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