Primaire de la gauche : à quoi pourrait ressembler la stratégie du candidat Valls ?
Après le renoncement de François Hollande, la voie est libre pour le Premier ministre, qui depuis des mois se pose en recours naturel. Comment va-t-il s'organiser ? Franceinfo a interrogé ses proches.
"Vous imaginez comme je suis satisfait." Après le renoncement de François Hollande, jeudi 1er décembre, un député soutien de Manuel Valls ne faisait pas mystère de son sentiment. Le Premier ministre sera-t-il candidat ? "Bien entendu." Dans cette perspective, la question de sa démission est posée, même si à Matignon, personne ne veut, aujourd'hui, s'engager sur ce sujet.
Si Manuel Valls ne s'est pas encore lancé officiellement dans la course à l'Elysée, aucun socialiste n'en doute. Depuis des mois, sa garde rapprochée assurait qu'en cas de renoncement du président, Manuel Valls reprendrait le flambeau pour représenter la gauche réformiste à la primaire de la gauche. Aujourd'hui, tous ses plus proches soutiens estiment que l'heure est venue. Franceinfo détaille sa probable stratégie.
Une ligne : la "présidentialisation"
Depuis plusieurs semaines, et notamment la publication du livre Un président ne devrait pas dire ça, dans lequel François Hollande s'épanche longuement, Manuel Valls s'est lancé dans une opération de "présidentialisation", pour reprendre le terme d'un de ses soutiens. Dans ses discours, il ne fait plus "du Valls". Celui qui était friand de coups d'éclat et de formules à l'emporte-pièce doit "prendre de la hauteur, rassembler, incarner la gauche", comme l'expliquait à franceinfo un proche à la mi-octobre.
Cette nouvelle ligne va se décliner sur plusieurs sujets. Le 16 novembre, alors qu'Emmanuel Macron déclare sa candidature, le Premier ministre discourt sur l'éducation, un thème cher à la gauche. Détaillant un "projet pour la France, celui d'une nation éducative", il assure que le prochain quinquennat sera celui de l'augmentation des salaires pour les enseignants. Le 23 novembre, il publie une tribune dans Les Echos sur la mondialisation. Celui qui, dans la primaire socialiste de 2011, portait la ligne la plus libérale, assure à présent qu'"il faut répondre aux dégâts de la mondialisation". Et ainsi de suite.
Dans sa campagne de la primaire, il est probable qu'il adoptera cette même ligne. "Il a toujours porté cet équilibre entre réforme et justice sociale", assure un de ses amis à franceinfo. Le même Manuel Valls avait pourtant, en février 2016, théorisé le concept de "deux gauches irréconciliables". "Ce n'est plus tellement d'actualité", concède ce proche.
Une équipe : les fidèles d'Evry
Dans cette (future) campagne, Manuel Valls pourra compter sur sa garde rapprochée, ces collaborateurs extrêmement fidèles qui le suivent depuis la mairie d'Evry (Essonne) : son chef de cabinet, Sébastien Gros, son conseiller en communication, Harold Hauzy, ou encore Christian Gravel, actuel directeur du Service d'information du gouvernement.
Cette garde rapprochée est également composée d'une poignée d'élus, principalement issus des réformateurs du PS, comme le sénateur Luc Carvounas, le député Philippe Doucet ou le suppléant du Premier ministre à l'Assemblée nationale, Carlos da Silva. Au gouvernement, il devrait pouvoir s'appuyer sur Michel Sapin ou Jean-Yves Le Drian, des hollandais historiques qui l'avaient adoubé comme un recours naturel en cas de renoncement de leur champion.
Un premier défi : rassembler
"Si Hollande n'y va pas, dans la minute, je suis candidat." Voilà ce que Manuel Valls avait confié, en petit comité, début octobre, raconte Le Monde. "Je vois qu'il prend un peu son temps", observe en souriant un député réformateur qui le soutient. Pourquoi ? "Il teste les uns et les autres. Imaginez qu'il y aille et qu'il essuie une offensive de Martine Aubry ! Même s'il est moins décrié que le président, il a un espace politique encore plus réduit que François Hollande." Car Manuel Valls a beau avoir considérablement adouci son propos ces dernières semaines, une partie des socialistes a bien du mal à le voir en rassembleur, tant sur le fond que sur la forme.
Valls, c'est Monsieur 49.3, Monsieur divisions, Monsieur 'gauches irréconciliables' qui essaie de nous la faire à l'envers.
"Il a tiré sur la corde jusqu'à la casser avec une partie de la majorité, explique cette même source à franceinfo. C'est un Premier ministre craint, mais pas aimé." "Manuel Valls est le dépositaire du bazar dans la majorité depuis deux ans et demi. Je parle de la méthode, pas de la ligne politique", ajoute un soutien d'Emmanuel Macron. Comment les sympathisants de gauche vont-ils interpréter sa récente offensive contre François Hollande ? Vont-ils lui en tenir rigueur ? Ou, a contrario, bénéficiera-t-il d'une certaine légitimité institutionnelle ?
Si Manuel Valls remporte la primaire le 29 janvier prochain, le plus dur commencera alors pour lui : la campagne présidentielle. Elle dépendra beaucoup de l'éventuelle dynamique que pourrait lui apporter le processus de désignation. Mais face à un FN solidement installé, une droite très mobilisée, des candidatures hors primaire (Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron), la partie sera particulièrement compliquée pour le candidat socialiste. "Il a une vision assez lucide de la difficulté de l'exercice qui l'attend", résume un proche. Il y a quelques jours, avant le renoncement de François Hollande, un ministre osait une comparaison historique.
S'il tue Hollande, Valls ne sera pas pour autant Brutus. Car Brutus a tué César puis est devenu empereur. Valls, s'il tue Hollande, devra d'abord remporter la primaire puis la présidentielle. C'est quand même loin d'être gagné.
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