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Primaire de la gauche : on a vérifié les propositions des candidats

Revenu universel, défiscalisation des heures supplémentaires, légalisation du cannabis ou 100% énergies vertes. Faisable ou infaisable, franceinfo a vérifié. 

Article rédigé par Louise Bodet, Antoine Krempf
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8min
Les sept candidats à la primaire de la gauche. De gauche à droite et de haut en bas : Jean-Luc Bennahmias, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon, Sylvia Pinel, François de Rugy et Manuel Valls. (Stéphanie Berlu - Radio France)

Ils ont croisé le fer jeudi 19 janvier lors du dernier débat d'avant premier tour. Les sept candidats de la primaire ont chacun défendu leur projet et leurs propositions. Louise Bodet, du service politique de franceinfo a choisi la proposition phare de chaque candidat et Antoine Krempf, notre vérificateur maison, explique si elle est faisable ou non.

Benoît Hamon propose le Revenu d'existence universel

Benoît Hamon part du postulat que le travail va se raréfier, sous l'effet de la robotisation et de la révolution numérique. D'où ce revenu universel d'existence qui se ferait pas étape.

Dès 2018, un RSA porté à 600 euros, attribué automatiquement et ouvert aux 18-25 ans. Puis, à long terme, un revenu de 750 euros pour tous. Une mesure jugée irréalisable et philosophiquement discutable par les autres candidats.

J’ai toujours dit que l’objectif d’un revenu universel c’était une cible 750 euros pour toutes les personnes mais qu’il est parfaitement irréalisable que du jour au lendemain en 2018, il puisse être mis en œuvre

Benoît Hamon

Faisable ou infaisable ?

Ce sera très difficile à financer. Benoît Hamon évalue lui-même le coût à terme à 300 milliards d'euros par an. Certains économistes tablent plutôt sur 500 à 600 milliards d'euros par an. Alors où trouver l'argent ? Benoît Hamon évoque des pistes de réflexion mais pour l'instant c'est surtout très flou.

 

Manuel Valls veut remettre en place la défiscalisation des heures supplémentaires

Ce dispositif est né sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy puis avait été supprimé par la gauche en 2012. Les autres candidats pointent une volte-face de l'ex premier ministre. Manuel Valls revendique, lui, le droit de changer d'avis.

On peut changer d’avis parce qu’il faut écouter. Les salariés comme les fonctionnaires se plaignent d’avoir perdu du pouvoir d’achat. C’est une mesure de bon sens et de justice.

Manuel Valls

Faisable ou infaisable ?

C’est faisable puisque ça a déjà existé mais deux remarques sont à apporter. D’abord, sur le gain de pouvoir d’achat, c’était assez limité. Entre 30 et 40 euros par mois en moyenne pour les 9 millions de salariés concernés. C'est beaucoup moins que prévu.

Et puis, d’après les calculs de l’Observatoire français des conjonctures économiques, cette mesure a empêché la création de centaines d’emploi (http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/6-2012-1.pdf). Selon l'organisme les patrons préféraient utiliser des heures supplémentaires plutôt que d’embaucher.

 

Arnaud Montebourg défend son « made in France »

 L'ancien ministre du redressement productif veut favoriser les PME implantées en France au nom du patriotisme économique. Il compte le faire grâce la commande publique.

Il faut ordonner l’ensemble de nos ressources nationales vers les PME. Mes propositions : 80% des marchés publics en faveur des PME « made in France ». C’est parfaitement possible ! 

Arnaud Montebourg

Faisable ou infaisable ?

En l’état du droit international, européen et français : non ce n’est pas faisable.

Le principe de non-discrimination sur l’attribution de marché, notamment en fonction de la nationalité, est un principe fondamental du droit de l’Union européenne, protégé par la cour de justice de l’union européenne.

En droit interne, l’égalité de traitement des candidats à un marché public constitue un principe à valeur constitutionnelle. Résultat : il est impossible que les marchés publics soient réservés aux entreprises nationales ou qu’une préférence leur soit accordée.

Ces dernières phrases sont d’ailleurs extraites d’une réponse du ministère du Redressement productif d’août 2014. Le ministère était dirigé à l’époque par Arnaud Montebourg.

 

Vincent Peillon veut être l'homme du New Deal européen 

Selon l'ancien ministre de l'Education, la France doit tenir parole sur la maîtrise de ses déficits, mais obtenir en contrepartie un plan d'investissements massif.

Je demanderai que le plan de Jean-Claude Junker, le président de la Commission Européenne, soit porté à 1.000 milliards d’euros pour préparer les grands chantiers de demain.

Vincent Peillon

 

Faisable ou infaisable ?

Obtenir 1.000 milliards d'investissements européens, cela va être franchement compliqué. Ce plan Juncker a été lancé il y a deux ans et il prévoit de générer 315 milliards d’euros d’investissements d’ici la fin de l’année, grâce à des fonds publics et privés. Vincent Peillon veut donc tripler cette somme sans préciser d’ailleurs sur quel délai.

Deux problèmes avec cette proposition :

D'abord l’Allemagne a déjà dit qu’elle n’était pas franchement d’accord pour doubler le montant de l’actuel plan d’investissement alors que Bruxelles le souhaite. Sans l’accord de Berlin, cela paraît compliqué.

Ensuite se pose la question de l'efficacité. Il y a de nombreuses critiques. Certaines démontrent que les investissements du plan actuel ont en fait financé des projets qui auraient très bien pu trouver de l’argent ailleurs.

 

François De Rugy propose un double zéro : zéro carbone et zéro nucléaire d'ici 2050.

100% de la production d’électricité sera renouvelable d’ici 2050. C’est quelque chose qui se fait sur le temps long mais qu’il faut commencer tout de suite. 

François de Rugy

Faisable ou infaisable ?

C'est faisable si l’on en croit un rapport de l’Ademe, l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

Mais elle nuance et pose plusieurs conditions, et pas des moindres. Il faudrait que la consommation d’électricité en 2050 revienne à son niveau du milieu des années 90. Sauf que la France comptera alors 15 millions d’habitants supplémentaires. Il faudrait aussi que le prix des éoliennes et de l’énergie photovoltaïque baisse largement tout en étant plus efficace.

Et puis surtout, il va falloir convaincre beaucoup de monde de la nécessité d’installer un parc éolien de 17.000 km², soit l’équivalent de deux fois la surface de la Corse.

 

Sylvia Pinel veut la légalisation du cannabis.

 L’idée avait déjà été défendue par les radicaux de gauche et Jean-Michel Baylet lors de la primaire de 2011 pour des questions de sécurité. Pour eux cela permettrait d’assécher le trafic et  permettrait la mise en place de politique de santé publique.

Il faut regarder les choses en face. Les autres solutions n’ont pas fonctionné alors que celle-ci a marché dans des pays qui sont proches de nous. 

Sylvia Pinel

Faisable ou infaisable ?

Pour le faire il faudra passer outre deux textes internationaux officiellement signés par la France : la convention unique sur les stupéfiants de 1961 et la convention contre le trafic illicite de produits stupéfiants et de substances psychotropes de 1988.

Ces textes imposent aux Etats signataires d’incriminer toute production, trafic, cession et détention de drogue. Sur la légalisation, à moins de s’auto-sanctionner, il faudra dénoncer ces textes. Ces normes n'empêchent pas la dépénalisation dont on parle aussi dans cette primaire. Aujourd'hui, la consommation et la détention de petites quantités de cannabis ne sont pas des délits pénaux dans huit pays européens.

 

Jean-Luc Bennahmias l'homme de "l'arc progressiste"

Il propose une coalition qui irait de Jean-Luc Mélenchon à Nathalie Kosciusko-Morizet et qui suppose une juste représentation de toutes les sensibilités politiques au parlement.

Nous devons faire des gouvernements de coalition et pour le faire, il faut la proportionnelle afin que l’ensemble des grandes formations républicaines soient représentées au Parlement. 

Jean-Luc Bennahmias

Faisable ou infaisable ?

Sur le papier, la proportionnelle intégrale à l'Assemblée c’est tout à fait possible. C’est même très facile puisqu’il suffit de faire voter une loi simple. La seule condition serait donc qu’une majorité de député soient d’accord.

Mais cela pose d’autres questions, notamment de gouvernance. Par exemple, s’il y avait eu proportionnelle intégrale aux législatives de 2012, aucun bord politique n’aurait eu la majorité absolue à l’Assemblée Nationale, y compris pour le PS. Même en s’alliant avec les Verts et le Front de gauche.

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