RECIT FRANCEINFO. Du jeune apparatchik à l'outsider victorieux : Benoît Hamon, le candidat à l'Elysée que personne n'attendait
La Belle alliance populaire a trouvé son candidat. Après sa victoire contre Manuel Valls au second tour de la primaire de la gauche, dimanche 29 janvier, Benoît Hamon portera les couleurs d'une partie de la gauche, située quelque part entre Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron.
Le député des Yvelines va désormais devoir de transformer cette victoire surprise en candidature crédible, avec l'objectif de rassembler la gauche pour espérer être présent au second tour de la présidentielle. "Il a déjà gagné la bataille de la notoriété en partant assez tôt dans cette primaire", se réjouit son porte-parole Régis Juanico, interrogé par franceinfo. Mais le plus dur reste à faire pour ce frondeur de 49 ans, classé à la gauche de la gauche du PS. Biberonné dés son plus jeune âge aux combines et manœuvres de l'appareil socialiste, le Breton va devoir user de son habileté au sein d'une gauche en mille morceaux.
Mais dans sa carrière politique, l'ancien ministre de l'Education nationale est parvenu à retourner plus d'une situation. De sa prise de pouvoir au sein du Mouvement des jeunes socialistes en 1993 jusqu'à sa victoire à la primaire, "petit Ben" ou "petit Benoît", selon les surnoms choisis par ses camarades socialistes, a su tracer tranquillement son sillon, et transformer sa position minoritaire dans le parti en arme de conquête.
Le petit Breton engagé
Benoît Hamon est un pur produit breton. Fils d’un ouvrier devenu ingénieur à l'arsenal de Brest et d’une mère secrétaire, il naît à Saint-Renan, une commune du Finistère tout près de Brest. Est-ce en raison de ses origines ? Le socialiste a la tête dure. "Il est têtu comme un Breton", s'amuse son ami, le député socialiste Razzy Hammadi, joint par franceinfo. Mais l’enfance de Benoît Hamon est surtout marquée par les quatre années qu'il a passées au Sénégal, quand son père est envoyé à Dakar pour former des ouvriers sénégalais.
Le petit Benoît fait alors l’expérience de la mixité dans un établissement catholique. "J'ai des souvenirs extraordinaires chez les frères maristes, du CE2 à la 5e, avec des élèves noirs, arabes ou libanais. Et un niveau qui était bien plus dur qu’en France !" confie-t-il à Paris Match. Le jeune élève Hamon mène aussi ses premières batailles contre l’injustice, comme le raconte à Slate Augustin Hoarau, un ancien camarade d’école : "Les 'grands' avaient l'habitude de se réserver les places sur la banquette du fond et de chasser les petits qui s'y installaient. Mais on avait toujours Hamon qui s'opposait à nous. Il trouvait ça injuste que les grands gardent ces places."
Un jour, il a même organisé un vote dans le bus pour savoir si les places du fond devaient être réservées aux plus grands !
Lorsqu'il retrouve sa Bretagne natale, le choc culturel se révèle difficile. "A première vue, il n’y a pas beaucoup de couleurs en Bretagne. (...) On a une ville grise, un ciel gris, il fait froid, et tout le monde est blanc. J’adore la Bretagne, mais ça n’avait rien à voir avec le Sénégal", glisse-t-il au Trappy Blog. Il reste marqué par son expérience sénégalaise. Même s’il est "difficile de dire exactement l’influence que cela a eu dans [son] parcours politique par la suite", selon ses confessions distillées à Slate, "cela a forcément eu un rôle dans ma construction en tant qu’homme".
La France du milieu des années 1980 se crispe déjà sur les questions de l’immigration et de l’intégration. Un mouvement antiraciste apparaît avec la Marche des Beurs et la création de l’association SOS Racisme, popularisée par le slogan "Touche pas à mon pote". Dans le même temps, Benoît Hamon se retrouve confronté à l'intolérance dans son lycée catholique avec l’apparition de badges "Touche pas à mon peuple", distribués par le Front national.
"Une légion de skins avait passé à tabac deux Pakistanais, le Front national de la jeunesse avait un pied dans mon lycée. C’était inconcevable pour moi de rester là, les bras croisés, à ne rien faire", se souvient Hamon dans Les Inrocks. Choqué, le jeune ado sollicite SOS Racisme pour vendre des insignes dans son lycée. "La campagne 'Touche pas à mon pote' me parlait, parce que ça me renvoyait à mes années au Sénégal", se souvient-il. Une première expérience militante qui plonge le jeune Breton dans le grand bain de la politique.
La politique me colonise. Quand vous tombez dedans, si vous avez une sorte de colère sincère, ça vous submerge. <span></span>
L’idole des jeunes socialistes
Fort de ce premier acte militant, le jeune étudiant en fac d’histoire à l'université de Brest prend part, en 1986, aux manifestations lycéennes contre la loi Devaquet, "qui instaurait la sélection par l’argent à l’université", selon ses mots sur son site de campagne. Il prend sa carte à l’Unef, puis au Parti socialiste en janvier 1987. Il s'installe à Paris à la fin des années 1980, milite au sein des Clubs forum, le courant des jeunes rocardiens cofondé par un certain Manuel Valls, et devient à 24 ans assistant parlementaire du député girondin Pierre Brana.
A cette époque, il vit en colocation à Maisons-Alfort (Val-de-Marne) avec quatre amis socialistes, dont Olivier Faure. "Benoît était, à ce moment-là, pas forcément le plus ambitieux ni le plus volontaire", mais "très simple, très joueur", se souvient l'actuel chef de file des députés socialistes, qui garde en mémoire les heures passées "à refaire le monde", soir après soir et cigarette après cigarette. Régis Juanico, autre camarade de longue date, évoque pour sa part un jeune homme un peu "bordélique" : "Il était dissipé, avec une tendance à n’écouter qu’un mot sur deux dans une conversation... Mais il s’est guéri."
Il a toujours été déconneur. Il aimait bien interrompre le fil d’une conversation pour lâcher une vanne.
La vie politique de Benoît Hamon décolle véritablement en 1993, avec un premier coup de force. Il parvient à convaincre le nouveau premier secrétaire du PS, Michel Rocard, de donner une autonomie complète aux jeunes socialistes avec la refondation du MJS, le Mouvement des jeunes socialistes. Le jeune militant de 26 ans réussit au passage à se faire élire président de la structure, en repoussant à 29 ans la limite d’âge, fixée jusque-là à 25 ans. "Il a pris la parole au congrès, et ça a été réglé en 15 minutes", se souvient dans Marianne le député socialiste Jean-Patrick Gille.
Si le MJS prend son indépendance vis-à-vis du PS, Benoît Hamon parvient à le transformer en outil à son service. Certains cadres du PS voient d’un mauvais œil l’emprise grandissante de Benoît Hamon sur le mouvement de jeunesse, et vont jusqu’à évoquer une "secte". Encore aujourd'hui, "le MJS est totalement caporalisé : ce n’est plus un mouvement d’éducation populaire, c’est le courant de Benoît Hamon avec un vrai culte de la personnalité", lâche à franceinfo un vieux routier de l'appareil socialiste, qui soutenait Manuel Valls pendant la primaire.
Sur toutes les élections, le MJS est dans la salle pour faire la claque, quel que soit le candidat, et en contrepartie, Benoît Hamon demande un quota de postes dans les cabinets un peu partout.
Les historiques se souviennent notamment du dernier meeting de Lionel Jospin lors de la présidentielle de 1995, où le jeune Hamon fait scander par ses troupes le nom de Martine Aubry pour Matignon, rappelle Le Monde. Mais cette vision d’un MJS à la botte du candidat Hamon a le don d’irriter Benjamin Lucas, l’actuel président du mouvement. "Il y a un fantasme du 'baron noir', comme si les jeunes ne pouvaient pas penser par eux-mêmes", confie à franceinfo le jeune responsable. Qui jure ne pas recevoir d'ordre du député des Yvelines, malgré des contacts réguliers et une proximité idéologique non dissimulée.
Au fil des ans, Benoît Hamon s'impose en tout cas comme le grand frère, le proche conseiller des dirigeants successifs du MJS. Ce fan de The Cure, Joy Division, Téléphone ou NTM, selon Les Inrocks, parvient à rester proche des nouvelles générations du parti. "Il a une capacité à donner de l'attention à tous, autant à un membre de la haute aristocratie militante qu’à un militant qui vient d’arriver", note Razzy Hammadi, ancien président du MJS de 2005 à 2007. Benoît Hamon tisse sa toile, soigne ses réseaux et étend sa sphère d'influence du MJS à l'Unef, en passant par la LMDE, la mutuelle des étudiants de France.
Un lien qui a permis à Benoît Hamon de se constituer pour la campagne des puissants relais sur l'ensemble du territoire, comme le confirme Régis Juanico : "Il a pu s'appuyer dans cette campagne sur un réseau de militants patiemment construit pendant trente ans." Comme le notait le fan de football Benoît Hamon dans un entretien accordé au magazine So Foot : "Il n’y a pas de bonne attaque sans une solide défense. Au football comme en politique, il faut savoir assurer ses bases arrière."
L’apparatchik de l'appareil socialiste
Rocardien, jospiniste, emmanuelliste, aubryste… Après son accession à la tête du MJS, Benoît Hamon navigue de courant en courant, jouant avec les codes du parti et négociant pendant des heures dans l’arrière-cuisine de Solférino. Ce pourfendeur de la "vieille politique", dit-il, a pris part pendant plus de vingt ans aux tractations politiciennes. "Cette image sectaire, d'homme d'appareil, me colle aux fesses. C'est vrai que jusqu'en 2012, je n'ai fait que ça", concédait récemment à Marianne le candidat Hamon.
Sa science de l'appareil socialiste lui permet toutefois de gravir progressivement les échelons. Après la campagne présidentielle de 1995 pendant laquelle il conseille Lionel Jospin sur les questions de jeunesse, il rejoint le cabinet de Martine Aubry au ministère du Travail. En 2002, il devient porte-parole du Nouveau parti socialiste, mouvement fondé entre autres par Arnaud Montebourg et Vincent Peillon et qui appelait à la rénovation de la vie politique.
"Petit Ben" continue ensuite de grimper dans le parti, sans craindre, quand il le faut, de trahir. L'hebdomadaire Marianne raconte comment il a planté un coup de couteau dans le dos d’Arnaud Montebourg, un soir de décembre 2005, à l’approche du congrès du Mans. Celui qui s’est opposé au projet de Constitution européenne milite pour un rapprochement avec la majorité de François Hollande, contre l’avis d’Arnaud Montebourg. Lors d’une réunion animée du NPS, il fait venir une cohorte de militants du MJS, qui conspuent les orateurs proches de la ligne Montebourg et leur envoient des boulettes de papier. Il s'arrange surtout pour empêcher un vote de la salle.
<span style="font-weight: 400;">Dès que je demandais un vote, il me regardait avec l'index au niveau de son cou, pour mimer une guillotine. C'était de l'intimidation.</span>
Le vote de la salle n'a pas lieu, et ce sont les délégués du courant qui décident d'un rapprochement avec la ligne Hollande. Le jeune intriguant obtient par le courant majoritaire un bureau à Solférino et le poste de secrétaire national aux affaires européennes. Deux ans plus tard, en 2008, Martine Aubry le récompense de sa fidélité en lui attribuant le porte-parolat du parti, un poste exposé dans les médias. "Cela lui a permis de s’extraire des combines d’appareil pour tenir un rôle national, confie un membre du PS aux Inrocks. Il a développé ses talents de communicant et il a pu asseoir son leadership sur l’aile gauche après le départ fracassant de Jean-Luc Mélenchon."
A l'époque, "Le Petit Journal" de Canal + ne manque pas de moquer les fréquents "heuuuuu" du porte-parole à la voix hésitante et rocailleuse, trahissant la consommation compulsive de Marlboro. Un défaut d'expression qu'il a su gommer depuis, même si son équipe assure qu'il n'a pas fait appel à des professionnels pour cela. "Il n'est pas adepte du 'media training', mais on sent qu'il a désormais confiance dans le discours qu’il porte", tente d'expliquer Régis Juanico.
Quant à son image d'apparatchik, Benoît Hamon promet à Marianne qu’il a tourné la page des manœuvres d’appareil : "J'ai été ministre, j'ai été un homme d'Etat quand il a fallu, je suis sorti de ça." Interrogé par franceinfo, son directeur de campagne, Mathieu Hanotin, estime que la primaire a permis au candidat Hamon de se refaire une virginité : "Ce n’est plus vraiment un problème pour nous. Les Français ne le voient plus comme ça. Au contraire, il peut désormais valoriser son parcours au sein du parti."
L’élu de banlieue
Battu aux législatives de 1997 dans le Morbihan, Benoît Hamon glane son premier mandat – de conseiller municipal – en 2001, après un parachutage à Brétigny-sur-Orge (Essonne). Elu député européen dans le Grand-Est en 2004, il est battu aux européennes de 2009, et se retrouve orphelin de tout mandat. Il change alors de stratégie, et décide de s’implanter dans les Yvelines. Il se fait élire lors des élections régionales de 2010 puis aux législatives de 2012, avant d’intégrer le conseil municipal de Trappes en 2014.
Sa nouvelle implantation dans cette banlieue sensible du sud-ouest parisien devient une arme politique à double tranchant. Le socialiste – qui préfère résider à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), à deux pas de Paris – n’hésite pas à faire valoir sa connaissance du terrain, comme lorsqu’il critique sur RTL Emmanuel Macron qui estimait qu’il valait mieux être chauffeur Uber que dealer : "C'est assez caricatural. Moi qui suis élu de banlieue parisienne. (...) Bonjour la perspective entre le deal ou être chauffeur Uber."
Mais la carte de l'élu de banlieue peut aussi se retourner contre le candidat Hamon. Interrogé sur France 3 en décembre 2016 au sujet d’un reportage de France 2 montrant comment les femmes étaient devenues indésirables dans certains lieux publics en banlieue, Benoît Hamon fait preuve d’une certaine maladresse, en semblant justifier cet état de fait : "Historiquement, dans les cafés ouvriers, il n'y avait pas de femmes", dit-il. Des propos qui lui valent des accusations en communautarisme venues de toutes parts, du Front national jusqu’à Manuel Valls, et à propos desquelles il a dû longuement s'expliquer durant la campagne pour la primaire de la gauche.
Le ministre frondeur
Pour la primaire ouverte de 2011, Benoît Hamon ne choisit pas le favori, et se range derrière Martine Aubry. Mais la volonté de rassemblement de François Hollande permet à l'ambitieux Breton de décrocher un maroquin à Bercy en tant que ministre délégué à l'Economie sociale et solidaire et à la Consommation. Il fera voter une loi pour développer l'économie sociale et solidaire ainsi que la fameuse loi Consommation, qui instaure notamment les actions de groupe. Mathieu Hanotin assure le service après-vente : "C’est une superbe loi qui change vraiment le quotidien des Français."
En avril 2014, le jeune ministre déménage ses cartons rue de Grenelle, au ministère de l’Education nationale et devient le numéro 4 du gouvernement. Mais les choix économiques de l’exécutif le mettent mal à l'aise. A l’été 2014, il accepte l’invitation d’Arnaud Montebourg à la traditionnelle Fête de la rose de Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire). Après la dégustation d’une "cuvée du redressement" – une référence critique à la politique d’austérité du gouvernement Valls –, Arnaud Montebourg prend la porte, tout comme Benoît Hamon et Aurélie Filippetti.
François Hollande et Manuel Valls demandent au ministre de l'Education de rester, mais le frondeur préfère acter son désaccord, comme il l’explique aux Inrocks : "Si je restais, c’était en me couchant et en me mettant en pilotage automatique. C’était hors de question." Au final, son passage éclair de même pas cinq mois à l’Education nationale révèle un bilan plus que modeste. Il n’a pas eu le temps de vivre une rentrée scolaire, n’est pas parvenu à calmer la grogne contre les rythmes scolaires et a reculé sur les "ABCD de l'égalité" – un dispositif du gouvernement pour lutter contre le sexisme et les stéréotypes de genre, qui avait déclenché une polémique.
Avec son départ du gouvernement, Benoît Hamon redevient député et rejoint les frondeurs. Il signe alors par deux fois une motion de censure de gauche pour contester l’adoption en force de la loi Travail à l’aide de l’article 49.3 de la Constitution. "Le plus grave, c’est Hamon", réagit François Hollande en voyant la liste des signataires, raconte Le Monde.
L'ancien ministre ne se contente pas d'organiser la fronde. Il consulte, restructure son courant Un monde d’avance, se ressource en lisant de nombreux livres. Bref, il se prépare discrètement. Quand Jean-Christophe Cambadélis propose en juin qu’une primaire soit organisée à gauche, il n’hésite pas longtemps. Certains lui conseillent de jouer le coup d'après, estimant que 2017 est déjà perdu pour le PS, mais son intuition lui commande de se lancer. "On s’est dit qu’il fallait y aller parce qu’il se passerait quelque chose", se souvient Régis Juanico.
A bientôt 50 balais, c’était son heure : il était à maturité politique.
L’ancien porte-parole du PS se souvient surtout de la primaire de 2011, pour laquelle Martine Aubry lui avait demandé de ne pas se présenter. Il avait regretté sa décision en voyant Arnaud Montebourg incarner à lui seul l’aile gauche du PS. "Benoît s’en est tellement mordu les doigts, il ne veut pas faire la même erreur cette fois", confiait le député européen Emmanuel Maurel dans Les Inrocks au début de la campagne.
L'outsider victorieux
Sur le papier, Benoît Hamon ne part pas favori dans cette primaire. Il fait office de poids plume face au panache d'Arnaud Montebourg et à l’expérience de Manuel Valls. Au soir du premier tour, remporté avec 36% des voix, Régis Juanico ne cache d'ailleurs pas sa surprise : "On revient de loin, on était à 10-15% il y a trois mois. On ne s'attendait pas à un tel écart !"
Le revenant est parti tôt en campagne. Il a pris ses concurrents de court en se dévoilant dès le 16 août sur le plateau de France 2. Une avance qui lui a permis de mener un travail de réflexion pour construire son programme. "Il sent bien les choses, la société, il a une vraie intuition politique", se félicite Régis Juanico. Il a su aussi s’entourer d’intellectuels, comme l’économiste Aurore Lalucq ou le philosophe François Jullien, ou puiser l'inspiration dans ses lectures de la philosophe Chantal Mouffe – théoricienne du populisme de gauche. Il a également traversé l’Atlantique pour rencontrer Bernie Sanders, le candidat qui avait mis en difficulté Hillary Clinton, lors des primaires démocrates.
Il est revenu impressionné de sa rencontre avec Sanders. Il a pris des conseils et puisé des idées comme le "49.3 citoyen".
Régis Juanico évoque deux temps forts qui ont ensuite permis de lancer la campagne de l’outsider. Vient d’abord une rencontre avec des étudiants à Toulouse, le 1er décembre, le soir de l’annonce du renoncement de François Hollande, lors de laquelle l'ancien ministre lâche ses coups sous l’œil d’un journaliste du JDD.
Une semaine après, il est l'invité de "L’Emission politique" sur France 2. Malgré une faible audience, il marque les esprits avec sa prestation (63% des sympathisants de gauche interrogés en fin d’émission se disent convaincus, contre 45% pour Valls et 51% pour Montebourg). "C’est 'L’Emission politique' qui fait que ça déborde. On le voit sur la fréquentation du site et sur les nombreuses questions posées sur les réseaux sociaux", confirme Régis Juanico.
La mayonnaise monte au milieu de ce mois de décembre, raconte Régis Juanico : "Nos idées ont commencé à porter et ensuite les gens ont parlé politique en famille pendant les fêtes, cela a infusé dans l’opinion." Dans son programme, le candidat amène de nouvelles idées sur la transition écologique avec la fin du diesel ou sur le rapport au travail avec le revenu universel d'existence.
Benoît Hamon commence à s’intéresser à cette idée environ un an avant la primaire, inspiré par les travaux de la députée européenne luxembourgeoise Mady Delvaux, qui fait le rapprochement entre raréfaction du travail et taxation des robots. Evoquée le 5 octobre dans une tribune publiée dans Les Echos, la proposition se retrouve propulsée au cœur de la campagne. Les autres candidats passent presque plus de temps à parler de la proposition du député des Yvelines que de leur propre programme.
Le candidat aura ainsi réussi à transformer les polémiques en avantage politique, notamment quand il refuse de participer à l’émission "Une ambition intime" sur M6. Officiellement, ce père de famille de deux petites filles dit ne pas vouloir mettre en scène sa vie privée. Mais la production l’accuse d’avoir renoncé pour ne pas évoquer le métier de sa femme, cadre dans la grande entreprise LVMH. Lui évoque une vengeance face à son refus et rappelle qu'il a toujours veillé à ne pas exposer sa vie privée. "En quoi le fait que l’on connaisse ma compagne, que je mette en scène ma vie privée et ma famille change-t-il quoi que ce soit à la manière dont j’exerce mon mandat ?" demandait-il déjà en 2008, dans l’émission "Mots croisés".
Ma compagne n’a pas à supporter l’épreuve que j’ai choisie, avec une activité brutale, parfois difficile.
"Petit Ben" est ainsi parvenu à séduire les électeurs avec sa personnalité. "Il a su être naturel en n'hésitant pas à faire de l'humour dans ses meetings, estime Régis Juanico. C’est quelqu’un de très simple. Dans l’état d’esprit, il me fait penser aux joueurs de l’équipe de France de handball, extrêmement disponibles à la fin de leur match." A la fin de ses meetings, le candidat prend le temps de répondre aux questions, de serrer des mains, de parler avec les gens.
Mais comme dans toute campagne, il reste une part d’irrationnel dans la surprise Hamon. Ces derniers temps, les électeurs semblent se faire un plaisir de déjouer les pronostics. Comme le résume Régis Juanico : "Une élection, c'est le moment où un homme politique rencontre les aspirations politiques des électeurs. Et là, c’était tout simplement 'le moment Hamon'."