"Règle d'or" : Fillon en appelle au PS
Le premier ministre met la pression sur le Parti socialiste, en lui demandant de faire preuve de "responsabilité", au nom du "sens de l'intérêt national" face à la crise de la dette, et d'adopter la "règle d'or" de retour à l'équilibre budgétaire.
Dans une tribune à paraître dans Le Figaro samedi, à quatre jours du Conseil des ministres de rentrée et de l'annonce de nouvelles mesures d'économie budgétaire, le Premier ministre rappelle au passage qu'un retour du déficit à 3% du PIB en 2013 est un objectif "intangible". "Devant l'ampleur de tous ces défis, j'en appelle à l'unité et au sens des responsabilités de toutes les formations politiques", écrit François Fillon, qui s'adresse surtout au PS, principale force d'opposition, à neuf mois de l'élection présidentielle.
"Personne ne demande aux dirigeants socialistes français de renoncer à leurs convictions ni même à leurs ambitions légitimes. Reconnaître les efforts de la France et de l'Allemagne pour sortir de la crise, s'engager sur une 'règle d'or' de bon sens, ce serait faire preuve de responsabilité et d'un sens de l'intérêt national qui serait à leur honneur", ajoute-t-il.
"Un message d'unité nationale est encore la meilleure des réponses aux doutes des marchés et aux craintes des investisseurs", insiste le premier ministre, qui doit recevoir les responsables politiques à partir du 5 septembre pour évoquer la fameuse "règle d'or" et la crise de la dette.
"Contrainte par ses primaires, l'opposition semble par avance répondre non, quelle que soit la question. Il y a pourtant au Parti socialiste des économistes éclairés et des responsables sincères", ajoute François Fillon. Il déplore que "le Parti socialiste semble attaché à la multiplication des emplois publics et des contrats aidés, montrant ainsi qu'il n'a pas encore pris la mesure des efforts que nous devons accomplir pour tenir nos engagements de réduction du déficit et de la dette".
Le Premier ministre rappelle que "le retour à un déficit de 3% en 2013" est un objectif "intangible". Il s'agit aussi de la limite autorisée par les traités européens. Le déficit a été de 7,1% en 2010 (5,7% prévu en 2011). "Personne n'a le droit de mentir aux Français sur les efforts que nous devons consentir. Personne ne pourra revenir sur ces mesures qui garantissent notre souveraineté financière et sociale", ajoute le Premier ministre.
Réactions politiques
Par la voix de son premier secrétaire par intérim, Harle Désir, le Parti socialiste a répondu vendredi par une fin de non-recevoir à l'appel du premier ministre. A ses yeux, "François Fillon appelle à l'union nationale pour payer les factures de sa gabegie fiscale". "Le Premier Ministre François Fillon assène aux Français, qui subissent durement la crise, la leçon d'économie du Professeur Banqueroute", estime Harle Désir
"François Fillon appelle à l'union nationale pour payer les factures de sa gabegie fiscale mais depuis 2007 il a surtout fait l'union des plus riches pour se partager les cadeaux fiscaux", ajoute Harlem Désir dans un communiqué. "Au plus fort de la crise, les Français n'attendent pas du Premier ministre de publier des tribunes politiciennes, mais lui demandent un budget efficace et juste", selon le responsable du PS.
Unanimes, les socialistes ont refusé de voter la "règle d'or" lors de son examen à l'Assemblée et au Sénat au printemps. Ils estiment que ce projet de réforme constitutionnelle est une opération politique du chef de l'Etat. Le gouvernement a besoin des voix des parlementaires de l'opposition pour une adoption définitive de la "règle d'or" à la majorité des 3-5e lors d'une éventuelle réunion du Parlement en Congrès à Versailles. Et le chef de l'Etat doit décider à la rentrée s'il convoquera ou non ce Congrès, composée d'une réunion des députés et des sénateurs.
Pour le député européen d'Europe écologie-Les verts (EELV), Daniel Cohn-Bendit, qui s'exprimait sur France 3, François Fillon "dit 'vous êtes des débiles mentaux, mais débiles mentaux, suivez-moi'. C'est une manière de faire de la politique qui est complètement à l'ouest".
La réaction de la presse
"Ce qui mine la croissance, aux Etats-Unis comme en Europe, c'est le poids extravagant de la dette", écrit Gaëtan de Capèle dans Le Figaro. "La dette, la dette, la dette, voilà quelle devrait être l'obsession de tous ceux qui aspirent à un destin national", poursuit le quotidien conservateur qui a publié la tribune l'adresse du premier ministre aux dirigeants socialistes. Autrement dit: le PS se doit de voter la fameuse "règle d'or".
Les confrères du Figaro sont moins tranchants. A leurs yeux, nul ne sait où l'on va. "La maison Europe tremble sur son socle. L'euro est à nouveau sur la sellette. Dans ce contexte explosif, l'avenir politique est difficile à cerner. (...) Les Français, la peur au ventre, veulent savoir à quelle sauce ils vont être mangés. Les responsables des partis politiques sont, désormais, obligés de laisser la langue de bois aux vestiaires", estime de son côté François Martin dans Le Midi Libre.
La période ne se "prête guère" à un appel "à l'union nationale", "à huit mois de la présidentielle, mais y a-t-il une période pour les crises ?", se demande Patrick Fluckiger dans L'Alsace. "Vu l'ampleur des défis, le chef de l'Etat n'en est qu'au début d'une déchirante révision dogmatique, et la gauche aussi, car au PS comme à l'UMP, on a beaucoup trop promis de raser gratis demain", ajoute l'éditoraliste alsacien.
"L'économie de marché doit oser se réformer et comme il n'est pas sûr qu'elle ait envie de se transformer elle-même, il est indispensable que surgisse une volonté politique capable de stimuler cette transformation
salutaire devenue urgente. L'avenir ne peut pas se résumer aux lettres écrites en noir du mot récession!", écrit de son côté Hervé Chabaud dans L'Union de Reims.
Il faut donc aller de l'avant. Mais la manoeuvre est tout sauf aisé... "François Fillon effectue une manoeuvre publique interdite à Nicolas Sarkozy, évidemment", observe Hervé Cannet dans La Nouvelle République du Centre-Ouest. "Le 'sens de l'intérêt national' vu par l'exécutif, c'est bien entendu d'amener le PS à voter à Versailles. La règle d'or devient une règle de plomb. Le piège de la dette ne se referme pas seulement sur l'opposition", poursuiit l'éditoraliste. Conclusion: la classe politique française n'est pas au bout de ses peines...
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