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Campagne anti-migrants, "garde biterroise"... Retour sur les polémiques lancées par Robert Ménard à Béziers

Deux associations ont saisi la justice pour dénoncer des affiches "xénophobes et racistes" placardées dans les rues. Franceinfo revient sur les différentes polémiques qui ont agité la ville de l'Hérault, depuis l'élection de son maire. 

Article rédigé par franceinfo
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Une affiche anti-migrants dans le centre-ville de Béziers (Hérault), le 12 octobre 2016. (PASCAL GUYOT / AFP)

"Migrants, sujet interdit ? Référendum !" pouvait-on lire ces derniers jours sur des affiches qui présentaient une Marianne bâillonnée, dans les rues de Béziers (Hérault), la ville gérée par Robert Ménard, proche du Front National. Si les affiches ont été retirées dans la nuit de jeudi à vendredi 21 octobre, deux associations, Cultures Solidaires et Esprit Libre, ont saisi la justice en référé-liberté.

L'avocate des associations, Marie-Sygne Leca, dénonce une "campagne xénophobe et raciste", qui entraîne "un clivage au sein de la population. Ce qui est contraire à l'ordre public". Elle cible également le référendum contre l'accueil de 40 migrants de Calais dans la ville, dont la délibération a été adoptée mardi 18 octobre, en conseil municipal.

Référendum anti-migrants, affiches controversées... Depuis qu'il est devenu le maire de Béziers en avril 2014, Robert Ménard n'en est pas à ses premières initiatives (très) critiquées. Franceinfo revient sur les différentes polémiques qui ont agité son mandat.

La campagne anti-migrants

Les affiches représentant une Marianne bâillonnée ont fait leur apparition dans les rues de Béziers lundi 17 octobre. Une image reprise en couverture du bulletin municipal. 

Elles ont remplacé une première campagne sur laquelle apparaissaient des hommes noirs ou à la peau mate, barbus ou la tête couverte d'une capuche, massés devant la cathédrale Saint-Nazaire. Sur ces images placardées le 11 octobre, un texte : "Ça y est, ils arrivent... Les migrants dans notre centre-ville. L'Etat nous les impose."

La Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme (Dilcra) avait saisi le parquet de Béziers qui a ouvert une enquête, mercredi 12 octobre, à propos de ces affiches anti-migrants.

Le 9 septembre 2015, les migrants étaient déjà pris pour cibles dans le journal municipal qui leur avaient consacré sa une. Il publiait ainsi un photomontage laissant penser que les réfugiés allait envahir la ville. Le cliché, pris en juin en Macédoine par un photographe de l'AFP, montre des hommes, des femmes et des enfants s'apprêtant à monter dans un train. Le titre : "Ils arrivent, le dossier des demandeurs d'asile à Béziers".

La charge contre la presse locale

Le 12 août 2016, le maire de Béziers s'attaque à la presse et notamment au journal Midi LibreSur les affiches placardées dans la ville, les passants peuvent lire ainsi : "Tous les jours, l'info en laisse", avec un exemplaire du journal représenté dans la gueule d'un chien. "A qui appartient Midi Libre ? A Jean-Michel Baylet, ministre des Collectivité territoriales", explique l'affiche.

Cette campagne intervient un mois après l'accusation de censure à l'encontre du média racheté en juin 2015 par Baylet. Le 16 juillet 2016, le maire critiquait ainsi l'absence de mention de son discours après les attentats de Nice dans le journal local.

La "garde biterroise"

"Vous êtes ancien policier, ancien gendarme, ancien militaire, ancien pompier, rejoignez la garde biterroise", proclame une affiche, avec pour fond la cathédrale Saint-Nazaire de Béziers. Le 1er décembre 2015, le maire de Béziers, Robert Ménard, annonce la création d'une "garde biterroise", faite de "citoyens du cru" qui patrouilleront dans les rues de la ville pendant la durée de l'état d'urgence. Une garde qualifiée de "milice", par l'opposition municipale, comme le relate Midi Libre

Un projet jugé illégal par le tribunal administratif de Montpellier : saisie par la préfecture de l’Hérault, celui-ci a annulé  la délibération municipale qui devait créer une "garde biterroise", le 5 janvier 2016.

Le fichage des élèves musulmans 

Sur le plateau de "Mots croisés", sur France 2, Robert Ménard a affirmé, lundi 4 mai 2015, recenser les élèves musulmans inscrits dans les écoles de sa commune sur la base de leurs prénoms : "64,6%" d'élèves de confession musulmane dans les école publiques de Béziers. Ce sont les chiffres de ma mairie. Pardon de le dire, le maire a, classe par classe, les noms des enfants. Je sais que je n'ai pas le droit de le faire. Pardon de le dire, les prénoms disent les confessions. Dire l'inverse, c'est nier l'évidence".

Robert Ménard explique comment il compte le nombre d'écoliers musulmans à Béziers
Robert Ménard explique comment il compte le nombre d'écoliers musulmans à Béziers Robert Ménard explique comment il compte le nombre d'écoliers musulmans à Béziers (FRANCE 2)

Une pratique contraire à la loi française. Un aveu qui a provoqué l'ouverture d'une enquête préliminaire et a entraîné de vives critiques de la part de la classe politique. Le lendemain, le maire de Béziers était revenu sur ses propos en déclarant qu'il n'y avait "pas de fichage des élèves à Béziers" et qu'il n'y en aurait "jamais".

Le 7 juillet 2015, le parquet de Béziers a annoncé avoir classé sans suite l'enquête portant sur la "tenue illégale de fichiers en raison de l'origine ethnique". "Il n'y a rien qui permette de prouver quoi que ce soit. Je classe l'affaire sans suite" a expliqué à l'AFP, le procureur de Béziers, Yvon Calvet.

Un "nouvel ami" pour la police municipale 

"Désormais la police municipale a un nouvel ami", proclame le 11 février 2015 une affiche présentant en gros plan un pistolet sur fond bleu. Une campagne d'affichage commandée par le maire pour vanter sa décision d'armer ses policiers municipaux. "Je voulais que les Biterrois sachent que leur police municipale est armée depuis le 1er février, explique-t-il. Voilà, le message est passé." Mais la campagne fait polémique
 
Dans un communiqué, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve dénonce l'outrance de ces affiches qui ne peut "aboutir qu'à un contresens. Réduire l'action des forces de l'ordre à leur arme, c'est en premier lieu méconnaître la conception qu'elles se font de leurs missions." 

Quelques semaines plus tard, le maire de Béziers contre-attaque avec une nouvelle campagne d'affichage intitulée "Désormais notre ville a des milliers de nouveaux amis" qui s'appuie sur un sondage en ligne réalisé par RMC et M6 pour vanter son action. Il affirme ainsi que "72% des sondés" ont plébiscité son affiche sur la police municipale. 

Dans une rue de Béziers (Hérault), le 11 février 2015. (SYLVAIN THOMAS / AFP)

Pas de "repas halal" dans les cantines

Après les municipales de mars, Marine Le Pen est invitée sur RTL, le vendredi 4 avril 2014, à préciser les actions concrètes qui vont être mises en place par les nouveaux maires frontistes. Faut-il rétablir les menus avec du porc dans les cantines où il aurait été supprimé ? "Exactement", répond la présidente du FN.

Au micro de France Info, le lendemain, Robert Ménard embraye. S'il concède qu'"il faut donner toujours aux gens le choix d'éviter de manger un certain nombre d'aliments qu'ils ne veulent pas ou ne peuvent pas manger en raison de leurs convictions religieuses", il évoque tout de même les "repas halal" : "Il n'y en aura pas" dans sa ville, prévient-il. Sauf que de tels menus n'existent pas à l'heure actuelle, explique à francetv info le spécialiste de l'extrême droite Jean-Yves Camus.

Pas de linge aux balcons

Robert Ménard annonce, le 20 mai 2014, qu'il est désormais interdit, dans le centre-ville historique de Béziers, d'étendre le linge aux balcons et fenêtres des immeubles visibles depuis les voies publiques, sauf entre 22 heures et 6 heures, rappelle France 3 Languedoc-Roussillon.

L'arrêté prévoit également une interdiction "de battre les tapis par les fenêtres après 10 heures". Objectif : rendre la ville "plus belle", selon l'élu.

Béziers : Robert Ménard interdit d'étendre du linge aux fenêtres (VERONIQUE GAGLIONE, SYLVAIN DAUBA / FRANCE 2)

Selon la mairie, les personnes qui seront prises "en infraction avec les dispositions de l'arrêté seront passibles d'une amende", dont le montant devrait être de 35 euros.

Pas de garderie du matin pour les enfants de chômeurs

Le conseil municipal de Béziers décide, le 22 mai 2014, de supprimer l'accès à l'étude surveillée du matin, entre 7h35 et 8h30, aux enfants de chômeurs, révèle le Huffington Post. Il n'y aura plus qu'un simple "accueil" des petits élèves avant le début des cours, à condition que les parents apportent un contrat de travail.

Joint par BFMTV, Robert Ménard assume. "Actuellement, seuls 320 élèves sur 6 500 assistent à l'étude surveillée. Voilà pourquoi je la supprime. Quant à réserver l'accueil aux enfants de parents qui ont un emploi, cela me semble être une évidence. Je ne crois pas qu'il y ait des tonnes de rendez-vous pour des entretiens d'embauche avant 8h30 ! Et si le cas se présente, nous accorderons évidemment une dérogation ponctuelle pour accueillir l'enfant." Aimé Couquet, conseiller municipal d'opposition, dénonce l'illégalité de ce type de discrimination.

Une crèche de Noël à la mairie

Robert Ménard multiplie les entorses à la laïcité dans sa mairie. Début décembre 2014, il installe dans le hall une crèche de Noël catholique qu'il refuse de retirer, malgré les injonctions du préfet de l'Hérault. Interviewé sur France 3, il argumente qu'il la considère comme "un élément culturel et non pas religieux".

Le tribunal administratif de Montpellier (Hérault) rejette, le 19 décembre, la demande de l'opposition municipale d'enlever la crèche de Béziers.

Rebelote le 16 décembre 2014, lors de la première journée de Hanouka, la fête juive des lumières. Robert Ménard allume une bougie électrique sur un chandelier à neuf branches dans le hall de la mairie. L'opposition municipale conteste à nouveau cette initiative, qui s'apparente, selon Aimé Couquet (Front de gauche) à du "mépris" pour la Constitution française et la laïcité.

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