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"Sommet de crise" : les syndicats n'y croient pas

La question sociale s'est installée dans le débat présidentiel. "On n’est pas naïf", indiquent les syndicats qui pointent le calendrier. Ils ont pourtant dit "oui" à l'invitation chef de l’État au "sommet social", mercredi 18 janvier, à l’Élysée.
Article rédigé par Catherine Rougerie
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Bernard Thibault, devant le QG de campagne du Parti socialiste, à Paris, le 12 janvier 2012. (AFP - Fred Dufour)

La question sociale s'est installée dans le débat présidentiel. "On n'est pas naïf", indiquent les syndicats qui pointent le calendrier. Ils ont pourtant dit "oui" à l'invitation chef de l'État au "sommet social", mercredi 18 janvier, à l'Élysée.

Le "sommet social" du 18 janvier, rebaptisé "sommet de crise" après la perte par la France du AAA, témoigne-t-il d'une nouvelle ère du dialogue social en France ?

Les syndicats en doutent, soupçonnant une tentative d'instrumentalisation. Ils ne voient pas comment des réformes de fond pourraient être engagées à moins de 100 jours du premier tour de la présidentielle.

Mais "une invitation du président de la République, ça ne se refuse pas", disent-ils.

"Je crois à la réforme par le dialogue social. Je veux vous dire que les partenaires sociaux, et plus généralement les corps intermédiaires, seront écoutés, seront respectés, peut-être plus que cela n'a jamais été le cas. Ma porte leur est toujours ouverte et elle le restera", déclarait Nicolas Sarkozy, le 18 septembre 2007, au Sénat.

La philosophie est déjà fixée

Avant ce sommet , les partenaires sociaux ont peu d'espoir quant à leur marge de manœuvre.

Le Premier ministre, François Fillon, a déjà fixé la philosophie : une évolution du financement de la protection sociale pour alléger les charges qui pèsent sur les entreprises et pour améliorer leur compétitivité. Probablement, via l'instauration d'une TVA sociale.

Le calendrier est calé, lui aussi. Les décisions seront prises après le sommet, "fin janvier", et "la réforme sera soumise au Parlement en février". Inutile de dire que la méthode fait grincer des dents.

"Pas question de faire la politique de la chaise vide"

"En marge de nos discussions avec le Medef, on a eu une réunion bi-latérale avec le ministre du travail, et puis c'est tout. Tout cela ne fait pas une qualité du dialogue social", résume Nadine Prigent, secrétaire confédérale de la CGT, qui perçoit de "l'affichage politique pour essayer de rassurer face à la crise et à trois mois de la présidentielle".

"On est devant un gouvernement qui doit à la fois donner des gages aux marchés financiers, aux agences de notation et en même temps gérer des attentes sociales qui sont extrêmement lourdes", explique-t-elle.

"Ils annoncent beaucoup de réformes mais on ne voit pas très bien comment dans les trois mois qui viennent ces réformes pourraient aboutir", ajoute-t-elle.

Pour autant, "pas question de faire la politique de la chaise vide, de ne pas traiter les attentes sociales des salariés et de ne pas nous exprimer", affirme Mme Prigent.

Remise en cause du système de financement social

A la CGT, l'une des craintes porte sur "l'assouplissement du temps de travail" voulu par le patronat, notamment le "détricotage" des 35 heures contre lesquelles "il y a une offensive permanente".

"La remise en cause fondamentale du système de financement social" est aussi pointée par l'ensemble des syndicats qui dénoncent une gestion à vue.

"La question de la compétitivité des entreprises et de la protection sociale est extrêmement complexe. Elles soulèvent des questions clés : quelle protection sociale voulons-nous ? Qu'est-ce qui relève de l'impôt ? des cotisations ? Elle exige une réforme fiscale d'ampleur", fait valoir Stéphane Lardy, secrétaire confédéral de Force Ouvrière (FO).

Le cadre du débat

"La performance des entreprises n'est pas qu'un problème franco-français. Cela relève du modèle européen et implique, sans doute, de réviser les traités", ajoute-t-il.

Lui ne voit pas de vraie solution poindre "tant qu'on aura pas posé la question clé de la Banque centrale européen", qui n'a pour seule fonction, statutairement, que de lutter contre l'inflation (et non, contrairement à son homologue américaine la Fed de soutenir l'activité et d'assurer le plein emploi).

"On arrive à un instant de vérité. On a une Europe qui ne marche pas, une Europe qui se construit sur un dumping social et fiscal", conclut-il.

La TVA "sociale" ? C'est "niet"

Parmi les sujets abordés au sommet, la TVA dite "sociale". Les organisations ont déjà répondu. C'est "niet".

Pour la CGT, cette mesure est "une arnaque, une mesure anti-sociale". L'augmentation de la TVA aura un effet négatif sur le pouvoir d'achat de toute la population. De plus, la TVA, dont l'impact est plus fort pour les bas revenus que pour les hauts revenus, est particulièrement inégalitaire. Cela va aussi réduire la croissance et amplifier la crise, affirme l'organisation.

L'instauration de cette TVA "anti-sociale" ne vise qu'à répondre à une préconisation patronale de transférer 80% de cotisations sociales sur le contribuable et le consommateur, estime-t-elle.

Les propositions des syndicats

Les organisations salariales sont-elles uniquement dans la contestation ? Leurs propositions attestent plutôt du contraire.

La CFDT se prononce, notamment, pour un recours plus large au chômage partiel pour préserver les emplois menacés.

"On a dix exigences mises dans le débat public depuis la rentrée", rappelle ainsi Mme Prigent de la CGT, entre autres revaloriser les salaires, pensions et minima sociaux, contrôler les aides publiques aux entreprises, contraindre les entreprises à des alternatives aux licenciements, supprimer les exonérations fiscales et sociales sur les heures supplémentaires, mettre en place un fond européen de solidarité sociale et de développement économique

Les revendications sont aussi extrêmement concrètes du côté de FO pour enrayer la crise : relancer la "rémunération de fin de formation" (RFF ou R2F) supprimée par l'Etat en 2009, rétablir l'"Allocation équivalent retraite" (AER) - "une question de dignité" -, développer la formation des demandeurs d'emploi, augmenter les moyens pour Pôle Emploi et arrêter "la casse" de l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

"On est en train de tuer l'AFPA", se désole M. Lardy qui rappelle que cette association "semi public" délivre chaque année des formations qualifiantes et diplômantes à près de 700 000 demandeurs d'emploi. "Il faut sortir l'AFPA du droit de la concurrence", plaide encore le syndicat.

Pas sûr que la question d'un "pôle public" de la formation professionnelle soit au centre des discussions, le 18 janvier.

La formation est pourtant sur les lèvres de tous les responsables politiques depuis plus de vingt ans.

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