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Pourquoi la photo est le nouveau champ de bataille des réseaux sociaux

Alors que Twitter a divorcé d'Instagram, francetv info explique les raisons pour lesquelles la photo est devenue un enjeu majeur.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un écran de smartphone affichant des photos dans Instagram, une application qui propose des filtres pour vieillir artificiellement ses clichés et permet de les partager avec son réseau d'amis, à Paris, le 10 avril 2012. (THOMAS COEX / AFP)

INTERNET - Twitter a divorcé d'Instagram. Le réseau social a lancé, lundi 10 décembre, ses propres filtres vintage pour photos. Il concurrence ainsi directement l'application photo rachetée en avril par Facebook, son adversaire direct.

De son côté, Google aussi s'est lancé début décembre dans la photo en rendant gratuite son application "Snapseed", qui jusqu'ici coûtait 5 dollars (soit 3,80 euros). Comme sa concurrente, elle permet de retoucher puis partager ses clichés avec ses amis. Face à cette ruée, francetv info vous explique pourquoi la photo est devenue un enjeu primordial pour les réseaux sociaux.

Parce que le succès d'Instagram ne faiblit pas

La force de cette application est d'allier la photo rétro, façon Polaroïd, avec un réseau social afin de partager ses photos avec son réseau d'amis. En deux ans, l'application est devenue un incontournable du monde du numérique. Elle a rapidement attiré plus de 20 millions d'utilisateurs, avec une croissance plus rapide que Twitter et Facebook, expliquait en juillet le blog spécialisé Readwrite (lien en anglais).

Et son rachat par le réseau de Mark Zuckerberg a dopé ses chiffres. "Nous avions environ 27 millions d'utilisateurs avant l'annonce de l'acquisition, il y a désormais plus de 100 millions d'inscrits", s'est réjoui, début décembre, le directeur général d'Instagram, Kevin Systrom, lors de l'édition parisienne du salon LeWeb'12, qui a réuni 3 500 professionnels d'internet. Désormais, l'entrepreneur voit grand, très grand : "Nous avons la capacité de devenir une application à un milliard d'utilisateurs", a-t-il affirmé, raconte Usine nouvelle.

Parce que les smartphones tuent les appareils photo numériques

Si Kevin Systrom est si confiant, c'est parce qu'il mise sur la généralisation des smartphones. Et pour cause : moins encombrant, le téléphone s'emporte partout et s'avère plus facile à dégainer qu'un appareil photo. 

Et les derniers chiffres donnent raison au fondateur d'Instagram. En effet, les ventes mondiales d'appareils photo numériques se sont écroulées de 48%, rapportait, fin novembre, le quotidien économique Les Echos"Le marché des appareils photo compacts numériques s'est contracté plus brutalement que prévu, car les smartphones équipés de fonctions photographiques se répandent partout ", a commenté le PDG de l'entreprise japonaise Olympus, Hiroyuki Sasa.

Pire, la production d'appareils photo numériques devrait subir en 2013 une baisse de 7,2% par rapport à 2013. Cette diminution serait due à la fois à un contexte économique défavorable et à la compétition acharnée des téléphones mobiles, selon une étude menée par le site taïwanais Digitimes Research, et rapportée par le site spécialisé Question photo. Sans compter que le nombre global de smartphones en circulation devrait augmenter avec leur forte progression, prévue l'année prochaine, dans les pays émergents comme la Chine, la Russie, l'Inde et les pays d'Amérique du Sud.

Parce que la photo est primordiale sur les réseaux sociaux

"Les photos sont l'application la plus utilisée sur Facebook, elles sont essentielles", estime le spécialiste des réseaux sociaux Lou Kerner, cité par l'Agence France-Presse. Selon de nombreux experts, les contenus les plus appréciés sur les réseaux sociaux, c'est-à-dire les plus partagés, "likés", ou "retweetés" étaient ceux qui contenaient une photo.

"Le contenu à diffuser sur une page Facebook doit" donner la priorité à "un contenu image", explique Sales Forces, société américaine spécialisée dans l'informatique, dans un graphique repris par le site spécialisé Netpublic. Parmi les posts les plus efficaces sur le plus grand réseau social du monde, "il y a les albums photos couvrant des évènements ou les look books", raconte le site spécialisé Web Marketing.

Sur Twitter, "utilisez une image pour obtenir un intérêt maximum", conseille la société spécialisée Buddy Media (lien en anglais).

De son côté, le site inaglobal.fr souligne l'importance de l'image sur les réseaux sociaux en prenant les exemples de deux autres plateformes à succès : Pinterest et Tumblr. La première met l'accent sur des photos que l'on partage, que l'on "épingle" ("to pin", en anglais). La seconde est une plateforme qui permet de créer un blog en quelques clics. Même si ses utilisateurs sont désormais assez variés, elle a rapidement été prise d'assaut par des artistes issus de la mode, comme l'expliquait en novembre 2011 le créateur de Tumblr, David Karp, dans un entretien à 20minutes.fr.

Parce que nous avons "la nostalgie du présent"

Cette expression est empruntée à Fredric Jameson, philosophe du post-modernisme. C'est Nathan Jurgenson, qui travaille sur une thèse concernant la documentation de la vie privée et les réseaux sociaux, qui fait cette hypothèse dans un article repris sur le site Owni.

Il s'est notamment interrogé sur l'apparition de photos à l'allure rétro sur les réseaux sociaux. Selon lui, "l'essor des fausses photos vintage est une tentative de créer une sorte de 'nostalgie pour le présent', une tentative de rendre nos photos plus importantes et réelles. Nous voulons doter nos vies présentes des sentiments puissants liés à la nostalgie". Il explique que les filtres proposés par Instagram et désormais Twitter, qui vieillissent les photos, "souligne[nt] une tendance plus large de voir le présent de plus en plus comme un éventuel passé documenté".

Un mouvement qui colle parfaitement à la voie prise par Facebook, qui a mis en place la "Timeline", un fil qui permet de mettre en scène sa vie de sa naissance jusqu'à aujourd'hui.

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