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Quatre idées reçues sur le dopage espagnol

Ils gagnent tout, les contrôles sont négligés, la loi du silence règne... FTVi s'arrête sur quatre questions quelques jours après la charge de Yannick Noah contre les sportifs espagnols.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le tennisman espagnol Rafael Nadal après sa victoire contre l'Américain Mardy Fish au Masters de Londres (Royaume-Uni), le 20 novembre 2011.  (CLIVE BRUNSKILL / GETTY IMAGES)

"Si tu n'as pas la potion magique, c'est difficile de gagner. Et là, on a l'impression que, comme Obélix, ils sont tombés dans la marmite." Yannick Noah n'a pas mâché ses mots dans une tribune parue sur LeMonde.fr, samedi 19 novembre. L'ancien champion de tennis français cible clairement les sportifs espagnols dont les performances récentes lui posent question. FTVi passe en revue quatre idées reçues sur le dopage en Espagne. 

1. Des sportifs qui raflent tout en même temps, c'est louche

Oui... Petit récapitulatif des victoires espagnoles depuis 2008 : deux titres majeurs pour l'équipe nationale de foot (2008, 2010), deux Ligues des champions de foot pour le Barça (2009, 2011), trois tours de France de cyclisme (2008, 2009, 2010), deux titres européens en basket (2009, 2011), une médaille d'argent aux jeux Olympiques toujours en basket (2008), sept titres pour le tennisman Rafael Nadal en Grand Chelem sur cette période...

Mais... Mais la France excelle dans des disciplines moins médiatisées comme le cyclisme sur piste, la natation, le judo ou le handball. Aux derniers JO, en Chine en 2010, la France a totalisé 40 médailles, l'Espagne seulement 18. On cherche toujours le Christophe Lemaître espagnol ou le Alain Bernard de la Mancha. 

2. La répression du dopage en Espagne, une vaste fumisterie 

Oui... Malgré des déclarations choc, que relate Libérationdu type "le règne de l'impunité appartient au passé", le ministre des Sports de l'ancien gouvernement Zapatero Jaime Lissavetzky, récemment remplacé, n'a jamais été considéré comme très crédible en chevalier blanc de la lutte antidopage. L'Agence mondiale antidopage l'a clairement accusé en 2007 de mauvaise volonté, rappelle Le Figaro, voire de dissimulation d'informations.  

Du matériel de transfusion sanguine saisi par la police espagnole lors d'une course cycliste près de Saragosse, le 24 mai 2006.  (AFP PHOTO/GUARDIA CIVIL)

Mais... Qui se souvient des difficultés à contrôler l'équipe de France de foot alors qu'elle préparait la Coupe du monde 1998 ? Le livre Les Scandales du sport contaminé, d'Eric Maitrot, raconte le contrôle retardé subitement de quelques heures en décembre 1997, les difficultés du ministère des Sports pris entre fierté nationale et lutte antidopage à tout crin, les jérémiades du staff contre ces surveillances qui ne servent à rien...

3. Une génération à maturité

Oui… Les Espagnols brillent aujourd'hui dans des sports où ils brillaient hier. Même avant le règne du cycliste Alberto Contador, l'Espagne est la troisième nation en terme de victoires dans le tour de France. Au foot, le Real Madrid a écrasé la Ligue des champions dans les années 60. En basket, les clubs espagnols ont toujours été dans le haut du panier européen. En tennis, un Sergi Bruguera ou un Manuel Orantes ne brillaient pas que sur les courts de Roland-Garros.

Les victoires à répétition des Espagnols dans les sports majeurs viennent notamment d'une prise de conscience, quand Barcelone s'est vu attribuer l'organisation des jeux Olympiques d'été de 1992. Un grand programme sportif, semblable à celui organisé par le général De Gaulle au lendemain du fiasco français aux JO de Rome en 1960, a été mis en place. De l'autre côté des Pyrénées, on a ciblé un petit nombre de disciplines, très médiatisées. Est-ce étonnant que les Espagnols en récoltent les fruits deux décennies plus tard ?  

Le coureur cycliste espagnol Alberto Contador poursuivi par un supporter qui l'accuse de dopage, lors du Tour d'Italie, le 22 mai 2011.  (LUCA BETTINI / AFP)

Mais... Le fameux docteur Fuentes, soupçonné d'avoir fourni en produits dopants de nombreux cyclistes et d'autres sportifs avant d'être blanchi, a laissé entendre que des handballeurs, des boxeurs et autres footballeurs étaient dans son listing de clients réguliers. D'anciens clients du "Docteur Doping" ont affirmé avoir croisé des vedettes du ballon rond dans son cabinet. "Si je dis tout ce que je sais, adieu la Coupe du monde et l'Euro", aurait-il dit en prison. 

4. La vérité fera surface dans vingt ans

Oui… Dans les années 90, l'Italie a écrasé le football européen. Et ce n'est que 15 ou 20 ans plus tard que les langues se délient. L'affaire Zidane, l'affaire Cannavaro... et les prises d'oxygène à la mi-temps. "Gianluca Vialli [un ancien attaquant de la Juventus Turin], qui a toujours été à la pointe, prenait même de l’oxygène à la mi-temps. Et c’était légal. Il y avait beaucoup de perfusions à l’époque, et on ne se savait pas ce qu’il y avait dedans. J’ai subi des perfusions, deux fois par semaine. On me disait que c’étaient des sels minéraux, mais si c’était autre chose…" explique ainsi le footballeur belge Bertrand Crasson, qui jouait à Naples dans les années 90, à la RTBF. Mais aucun Yannick Noah ne s'était élevé à l'époque et aucun joueur transalpin n'avait été pris la main dans le sac.

La perchiste allemande Anna Battke avec le slogan "Stop au dopage" sur son ventre, lors des championnats du monde indoor d'athlétisme à Valence (Espagne), le 7 mars 2008. (GERO BRELOER / AFP)

Mais... Le plus significatif reste le fait que les footballeurs ont pris en trente ans 5 cm, 10 kg (de muscles) et ont augmenté leur capacité respiratoire de 20%, explique le médecin du sport Jean-Pierre de Mondenard dans son livre Dopage dans le football. Les Espagnols comme les autres. Signe que le dopage, ou en tout cas la surmédicalisation du sport, ne se limite pas à la péninsule ibérique. Et tant que les contrôles antidopage continueront à avoir un ou deux trains de retard sur les tricheurs, ce genre de débat est amené à revenir régulièrement.

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