Cet article date de plus de douze ans.

Raphaël, un génie qui savait s'entourer

Le maître de la Renaissance italienne, dont le Louvre célèbre les dernières années de création jusqu'au 14 janvier, ne s'est pas construit seul. Il a su tirer le meilleur des géants de son temps et s'est entouré de dizaines d'assistants pour créer une véritable usine à peindre.

Article rédigé par Pierre Morestin
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
"Portrait de Baldassare Castiglione", de Raphaël (1514-1515). Huile sur toile, 82 x 67 cm. Paris, musée du Louvre, département des Peintures. ( RMN (MUSÉE DU  LOUVRE) / TONY QUERREC)

EXPOS – Le Louvre célèbre, du 11 octobre au 14 janvier, les dernières années de création de Raphaël, de 1513 à 1520. Cela tombe bien : c'est la période où ce maître de la Renaissance italienne a produit ses œuvres les plus éblouissantes. Mais l'artiste, tout au long de sa vie, a su s'inspirer des génies de son temps (Léonard de Vinci, Michel-Ange) et s’appuyer sur son atelier, véritable usine à peindre composée de dizaines d'artistes, pour produire des œuvres presque "idéales". 

Prendre le meilleur de son époque

Comme le note Goethe dans son Voyage en Italie : "Il [Raphaël] a toujours réussi ce que les autres rêvaient de faire." L’écrivain allemand n'a pas tort et, même aujourd'hui, Raphaël reste un modèle. Le peintre italien, malgré une vie courte (né en 1483, il meurt en 1520, le jour de ses 37 ans) a produit une œuvre qui a inspiré les plus grands : Ingres, qui le représente avec sa maîtresse supposée dans Raphaël et la FornarinaDali, qui peint Tête Raphaëlesque éclatée en 1951, ou même Picasso qui illustre lui aussi les aventures du maître avec la Fornarina dans une étonnante suite de gravures érotiques.

Pourquoi une telle fascination ? Parce que l'art de Raphaël, équilibré, élégant, harmonieux, incarne un idéal. Le peintre a su prendre le meilleur de son époque. C'est durant la Renaissance (qui débute en Italie au début du XVe siècle) que les artistes parviennent pour la première fois à rendre crédible les espaces et de volumes en trois dimensions. Les matières, les étoffes, deviennent elles aussi vraisemblables. Observez comme cette Femme au voile (Velata) ressort du fond sombre. Notez la somptuosité et le rendu très réaliste des tissus (la robe en soie moirée blanche, le voile en lin), de cette manche surtout, qui semble percer la toile. L'impressionnant travail sur les plis crée un contraste fort avec la grâce du visage.

"Femme au voile", dit "La Velata", Raphaël (vers 1512-1518). Huile sur toile, 82 x 60,5 cm. Florence, Galerie Palatine, palais Pitti. (SCALA – COURTESY OF THE MINISTERO BENI E ATT. CULTURALI)

Quand l'élève dépasse le maître

Pour en arriver à ce type de toile, Raphaël a su observer ses contemporains. Et d'abord son premier maître. C’est à 11 ans que le garçon, qui a perdu son père et sa mère, entre dans l’atelier d’un autre grand artiste de la Renaissance, Le Pérugin. Doué, l'élève apprend vite. Il va appliquer toute sa vie la méthode de travail du maître : études de la composition de l’œuvre, croquis d’après modèle et dessin préparatoire sur un carton avant de le reporter sur une toile. Il va reprendre aussi certains de ses sujets : observez la toile Le Mariage de la Vierge, copiée sur celle du Pérugin.

Le tableau de Raphaël donne une impression d'harmonie, de légèreté, de mouvement, notamment parce que les personnages sont répartis de manière moins figée, mais aussi parce que la scène se fond dans le décor. Il n’y a pas, comme chez Le Pérugin, de premier et de second plan.

 

"La Sainte Famille avec le petit saint Jean Baptiste, dite Madone à la rose", Raphaël (vers 1516). Huile sur bois transposée sur toile, 103 x 84 cm. Madrid, musée national du Prado. (MUSEE NATIONAL DU PRADO, MADRID)

Raphaël va, par la suite, surtout emprunter à Léonard de Vinci et à Michel-Ange. Regardez cette Sainte famille, par exemple. Si l'on se concentre sur les zones les plus claires, on retrouve une composition triangulaire, dont le sommet est le visage de la Vierge Marie. Il s'agit d'une composition géométrique que l'on retrouve dans nombre de tableaux de Léonard de Vinci, comme La Sainte Anne, récemment restaurée. Le jeu des regards, qui va de Jésus à Baptiste et de celui-ci à Marie, évoque La Vierge aux rochers de Vinci. Enfin, il y a la posture très dynamique de la Vierge, dont le torse se détourne. Cette torsion du corps est empruntée à Michel-Ange, qui s’en était fait le spécialiste, comme on peut le voir avec la statue L'Esclave rebelle.

Des œuvres virtuoses

L’ombre des maîtres italiens qui plane sur l'ouvrage de Raphaël ne l’empêche pas d’exécuter des œuvres singulières. Ses portraits sont ainsi captivants. D’une certaine manière, Raphaël nous donne le sentiment que nous partageons l’intimité du modèle. Un exemple ? Ce Portrait de Bindo Altoviti, riche banquier et homme cultivé.

"Portrait de Bindo Altoviti", Raphaël (vers 1516-1518). Huile sur bois, 59,5 x 43,8 cm. Washington DC, National Gallery of Art. (STUDIO A / IMAGE COURTESY OF THE NATIONAL GALLERY OF  ART, WASHINGTON)

Le modèle est représenté de dos, et nous regarde comme s’il s’était tourné de façon imprévue. Son visage pâle ressort particulièrement sur un fond presque uni, et l’on finit par ne plus voir que ses yeux, interrogateurs, braqués sur nous. Avec Portrait de Baldassare Castigliane, la proximité créée entre le modèle et le spectateur est encore plus troublante.

 

"Portrait de Baldassare Castiglione", de Raphaël (1514-1515). Huile sur toile, 82 x 67 cm. Paris, musée du Louvre, département des Peintures. ( RMN (MUSÉE DU  LOUVRE) / TONY QUERREC)

Derrière le comte de Castiglione, diplomate et homme de lettres, ami de Raphaël, toujours ce fond coloré presque uni, qui nous oblige à concentrer notre attention sur le modèle. L'homme, assis, les mains jointes, le regard fixé sur nous, semble nous écouter. La posture, évidemment, rappelle le plus célèbre tableau de Léonard de Vinci : La Joconde.

Un travail d'équipe

A la fin de sa vie, le succès aidant, Raphaël croule sous les commandes. Incapable de faire face seul, il s’entoure d’une cinquantaine d’artistes dans son atelier et met en place un système de travail efficace (repris jusqu’au XVIIe siècle). S’il se charge toujours d’élaborer les compositions générales des œuvres, c’est un autre artiste, un fattore (recopieur), Gian Francesco Penni, qui les met au propre. Puis un assistant seconde le maître ou le remplace carrément lors de l’exécution de la toile. La question se pose aujourd’hui de savoir ce qui était vraiment de la main de Raphaël dans ses dernières toiles. L'exposition du Louvre apporte quelques éléments de réponse. On y découvre le travail des assistants, dont celui du plus doué, Giulio Romano, qui reprend avec talent les grandes œuvres du maître. Cette Vierge à l'Enfant, par exemple, vous rappellera peut-être la célèbre Vierge à la chaise, que l’on peut voir à Florence.

 

"Vierge à l’Enfant, dite Madone Wellington", Giulio Romano (1516-1518). Huile sur bois, 51 x 37 cm. Londres, The Wellington Museum, Apsley House. ( SWINDON, ENGLISH HERITAGE)

 Informations pratiques

"Raphaël, les dernières années"

Musée du Louvre, Paris

Du 11 octobre 2012 au 14 janvier 2013

Tous les jours, sauf le mardi, de 9h à 17h45, les mercredi et vendredi jusqu’à 21h45.

12 euros / 15 euros

Tél. 01 40 20 53 17

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.