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Broyer du noir soulage

Le dessinateur Manu Larcenet en termine avec son adaptation BD du roman de Philippe Claudel, "Le Rapport de Brodeck".
Article rédigé par Laetitia de Germon
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (© Manu Larcenet, Dargaud / Bertrand Gatignol, Soleil)

Le théâtre d'ombres de Larcenet

Plonger dans l’adaptation de Manu Larcenet du roman de Philippe Claudel Le Rapport de Brodeck , c’est côtoyer des monstres anodins et accepter de se sentir mal. Alors qu’ils vivent au cœur d’une nature en apparence innocente, pure, belle, dans l’hiver glacé, et que seule la buée sort des bouches silencieuses, les hommes de peu de mots portent en eux des douleurs infinies et d’abominables secrets. Le mal est de ce monde, et ce monde est le nôtre.

Au centre, l’étranger, le coupable idéal comme toujours, parmi nous depuis si longtemps qu’il se croit accepté. Le Rapport de Brodeck , c’est l’éternelle histoire du bouc émissaire. Pourquoi donc mettre tant de soin à dessiner l’horreur et boire l’encre de Chine jusqu’à la lie ? Plus on avance dans l’histoire, plus le noir. Il faut croire que chez Manu Larcenet, broyer du noir soulage.

Le rapport de Brodeck , 2 volumes, L’Autre et L’Indicible aux éditions Dargaud.

La précieuse cruauté d'Hubert et Gatignol

Chez Hubert et Gatignol, les monstres sont des ogres. Des géants. Des Dieux. Et le noir et blanc, précieux, s’éclaire de gris argentés. Hubert et Gatignol avaient marqué les esprits et les rétines avec la sortie de Petit , premier volume des Ogres-Dieux . Le nouvel opus a pour titre Demi-sang .

Il nous conte l’ascension d’un bâtard aux plus hautes marches du pouvoir. Littéralement parlant, puisque pour régner sur les hommes, il faut gravir le grand escalier qui conduit au trône où paressent les Ogres-Dieux. Le jeune ambitieux découvrira vite qu’ils sont horribles, répugnants, cruels. Mais leur dangereuse fréquentation est le prix à payer pour qui veut gouverner. La fable est atroce et ciselée. Du pouvoir comme l’un des beaux-arts.

Demi-Sang , sous le label Métamorphose.

Bézian revient à Bram

En 2012, Frédéric Bézian signait Aller-Retour , une évocation solitaire en voix off dans son village d’enfance. Le village en question s’appelle Bram et se situe dans l’Aude. Il accueille cet été une exposition consacrée à la BD à laquelle il a servi de décor mélancolique, des documents de repérages aux planches originales en passant par les photos de famille de l’auteur.

Allers-Retours , Bézian, l’expo, à Bram dans l’Aude, jusqu’à fin août.

  (© Bézian, Delcourt)
  (info manga 635)

Tous les 15 jours, Jean-Christophe Ogier accueille ici la chronique "Info manga" de Lætitia de Germon de la rédaction de franceinfo.fr. Pour vous guider parmi les nombreuses parutions, Lætitia vous livre sa sélection et ses coups de cœur.

Le Prix Asie de la Critique ACBD 2016 a été décerné à Chiisakobe  de Minetarô Mochizuki, publié aux éditions Le Lézard noir, lors de Japan expo. Le prix de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée) distingue une bande dessinée asiatique remarquable parue en français entre juillet 2015 et juin 2016.

  (© by MOCHIZUKI Minetaro / Shôgakukan / Lézard noir)

Shigeji, jeune charpentier, perd ses parents et l’entreprise familiale, "Daitomé", dans un incendie. Se rappelant les paroles de son père, "Quelle que soit l’époque dans laquelle on vit, ce qui est important, c’est l’humanité et la volonté", il fait le serment de reconstruire Daitomé.

Mais son retour à la maison natale s’accompagne de l’arrivée de Ritsu, amie d’enfance devenue orpheline et qu’il embauche comme assistante, et de cinq garnements au caractère bien trempé échappés d’un orphelinat. La cohabitation va faire des étincelles.

Chiisakobe est une adaptation du roman de Shûgorô Yamamoto, situé dans la période Edo (1600-1868), et que Minetarô Mochizuki transpose dans le Japon d’aujourd’hui. Dessin épuré d’une élégance remarquable, originalité des cadrages, Chiisakobe est une peinture de l’âme japonaise. Quand les petites attentions et les gestes esquissés révèlent les sentiments plus sûrement que des paroles.

"Je suis très content, et je suis sûr que l’auteur le sera également ", a déclaré Stéphane Duval, directeur éditorial du Lézard Noir, lors de la remise du prix. Il en a profité pour célébrer "un livre qui redéfinit les contours de la bande dessinée japonaise en termes de narration et de dessin, puisque très influencé par la bande dessinée américaine, comme celle d’Adrian Tomine et d’autres. "

Les quatre autres titres en compétition pour le Prix Asie de la Critique ACBD 2016 étaient :

Anguilles démoniaques , de Yusuke Ochiai et Yû Takada, éditions Komikku

Le Club des divorcés , de Kazuo Kamimura, éditions Kana

Les Enfants de la baleine , d’Abi Umeda, éditions Glénat

Unlucky Young Men , de Kamui Fujiwara et Eiji Ôtsuka

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