C'est dans ma tête. Directives anticipées de fin de vie
Instaurées en avril 2005 par la loi Leonetti, les directives anticipées de fin de vie n'ont été rédigées que par 13% des français.
Les débats difficiles autour du cas de Vincent Lambert ont montré, une fois de plus, l’importance des "directives anticipées", instaurées, en 2005, par la Loi Leonetti, et qui permettent, pour le cas où l’on ne serait plus en état de le faire, de dire ce que l’on souhaite, pour sa fin de vie. Or, on sait que 13% seulement des français, ont rédigé ces directives. Nous revenons aujourd'hui avec la psychanalyste Claude Halmos sur cette délicate question qui se pose à tous.
franceinfo : Quelles raisons pourraient expliquer les réticences de ceux qui n'ont toujours pas rédigé ces directives anticipées ?
Claude Halmos : Je crois que ce pourcentage de 13% montre clairement que l’idée de la mort peut susciter des angoisses suffisamment fortes, pour empêcher que soient posés des actes que chacun sait, pourtant, nécessaires.
Est-ce que vous pouvez nous en dire plus, sur ces angoisses ?
Elles renvoient certainement d’abord à l’image, en grande partie impensée, que nous avons de la mort. Et qui semble ne pas avoir évolué au même rythme que la science. Parce qu’une personne en proie, aujourd’hui, à la peur de la mort, en a souvent une représentation qui n’est sans doute pas très éloignée de celle qu’en avaient les gens, à l’époque où, parce qu’on ne savait ni l’expliquer, ni surtout la faire reculer, on la représentait sous la forme d’un personnage terrifiant qui surgissait, quand il le décidait, armé de sa faux, pour abattre quelqu’un et lui prendre sa vie.
Pourquoi garderait-on cette image terrifiante de la mort ?
Probablement parce qu’elle traduit le sentiment de totale impuissance que nous avons, face à la mort. La mort est la seule limite dont on sait que l’on ne pourra pas l’éviter. Et la terreur que peut engendrer cette impuissance, est encore aggravée par la façon dont on meurt, dans notre société.
Parce que, d’une certaine façon, on y meurt souvent deux fois. Une personne est déclarée morte, au moment où sa vie s’arrête. Mais elle est souvent déjà morte auparavant, une première fois, sur le plan symbolique. Parce qu’en la transformant en objet de la toute-puissance des autres, on lui a nié, parce qu’elle était très âgée et (ou) malade, son statut de personne à part entière, dont la parole et les volontés doivent être respectées.
Mais les "directives anticipées" doivent permettre, précisément, d’éviter cela ?
Bien sûr. Mais les rédiger oblige à se confronter à l’idée que l’on va mourir un jour, et donc à sa peur. Et l’on repousse le moment de le faire, comme l’on voudrait repousser celui de sa mort.
Il faudrait donc, pour aider les gens à rédiger ces directives, reconnaître l’existence, et la puissance de leurs peurs. Et faire en sorte qu’ils se sentent soutenus, collectivement, pour les affronter. Ce qui supposerait de travailler à faire changer l’image de la grande vieillesse et de la mort. En permettant, par des mesures concrètes, qu’elles deviennent des étapes, à part entière, de la vie ; dont chacun saurait qu’il est possible de les vivre, aussi dignement que les précédentes.
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