C'est dans ma tête. Idoles et sosies : le succès du sosie vocal de Johnny Hallyday
Pourquoi les sosies des idoles passionnent-ils autant les fans ? La psychanalyste Claude Halmos prend l'exemple du succès du sosie vocal de Johnny Hallyday, Jean-Baptiste Guégan, pour décrypter les raisons d'une telle passion, même après la mort de l'idole.
Le chanteur Jean-Baptiste Guégan, sosie vocal de Johnny Hallyday, sera demain dimanche 19 janvier, à 18h, en concert à la Seine Musicale, à Boulogne-Billancourt, avec son spectacle "La Voie de Johnny", dans le cadre de la tournée qu’il fait depuis quelques mois, dans toute la France. Et l’on sait que ses disques figurent parmi les meilleures ventes de 2019.
franceinfo : Comment expliquer que tant de gens puissent se passionner, après la mort de leur idole, pour son sosie ?
Claude Halmos : Il faut, pour le comprendre, revenir à ce qu’est une idole. Une idole est un personnage que l’on a mis en position d’incarner un certain nombre de valeurs, dans lesquelles on se reconnaît, et dont on a fait, en quelque sorte, un idéal. Et la grande période des idoles est évidemment l’adolescence.
Pourquoi l’adolescence est-elle LA période des idoles ?
Parce que l’adolescence est une période de construction de l’identité, où l’on est à la recherche de ce que l’on voudrait être. Pour un enfant petit, le problème est clair : ses parents sont ce qu’il y a de mieux au monde ; c’est à eux qu’il veut ressembler, ils sont ses idoles.
Et puis, au fur et à mesure qu’il grandit, comme il découvre - son univers s’élargissant - d’autres sources d’admiration, il ressent de plus en plus le besoin de s’affranchir de sa famille, et de décider lui-même de ses valeurs. Il choisit donc, dans la société, d’autres modèles : des idoles ; et elles jouent un rôle très important parce qu’il peut les partager avec d’autres adolescents. Cela lui permet de faire groupe avec eux et, dans cette période difficile, de s’appuyer sur eux. Regroupés avec lui autour de l’idole, Ils sont pour lui des sortes de "moi auxiliaires", d’autres lui-même, qui l’aident à se construire.
Et à l’âge adulte ?
A l’âge adulte, la construction étant terminée (ou supposée l’être), les idoles n’ont plus le même rôle de modèle. Mais elles peuvent continuer à représenter un idéal, grâce auquel on peut à la fois se reconnaître, et être reconnu par d‘autres. Avec évidemment, un certain nombre de dérapages possibles vers la pathologie. Quand la personne oublie sa propre identité pour ne plus ressembler qu’à l’idole, par exemple. Ou quand l’idole prend pour elle une place telle, qu’elle s’imagine faire partie de son monde.
Comment expliquer alors la passion pour le sosie de l’idole ?
Elle montre que l’on peut, même si c’est douloureux, faire le deuil de la personne de l’idole, mais que l’on ne peut pas renoncer aux valeurs qu’elle représentait ; et surtout au besoin que l’on a, qu’elles soient incarnées par quelqu’un. On les transfère donc sur une personne qui, parce que - par son physique ou sa voix - elle ressemble à l’idole, peut continuer à faire vivre quelque chose de cette idole.
Et, à partir de là, on peut penser que les spectacles du sosie ont valeur de cérémonies durant lesquelles on peut célébrer le culte de l’idole disparue. En éprouvant à la fois la douleur de son absence, et la certitude de son immortalité ; et en perpétuant, de cette façon, sa mémoire.
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