C'est dans ma tête. Il y a 80 ans, mourait Sigmund Freud
Le fondateur de la psychanalyse, le neurologue Sigmund Freud, est mort le 23 septembre 1939. Où en est-on dans la pratique de la psychanalyse en France, 80 ans après la disparition de son inventeur ?
On commémore donc, cette année, le 80e anniversaire de la mort de Sigmund Freud, médecin, neurologue, inventeur de la psychanalyse et des théories sur les notions de conscient, d’inconscient, de rêve, de refoulement, de transfert ou encore de complexe d’Œdipe. Nous revenons avec la psychanalyste Claude Halmos sur la place qu’occupe aujourd’hui la psychanalyse en France.
franceinfo : À l’heure où, dans le domaine du soin psychique, bien d’autres courants se sont développés, quelle est aujourd’hui la place de la psychanalyse ?
Claude Halmos : La psychanalyse occupe aujourd’hui une place, de plus en plus réduite. Et pour plusieurs raisons. Certaines sont liées à ce qu’elle est ; et d’autres, à la façon dont elle est pratiquée.
La caractéristique de la psychanalyse est de considérer, comme le faisait la psychiatrie classique, chaque personne comme un être unique. Et ses symptômes, comme ayant, dans son cas, un sens particulier, qu’il faut comprendre : on peut avoir peur de l’eau parce que l’on a été, enfant, jeté dans une piscine. Mais, aussi bien parce que le suicide de sa grand-mère, par noyade, est un secret de famille, que l’on connaît, inconsciemment.
Or, aujourd’hui, une telle démarche est rejetée par la psychiatrie, venue des États-Unis, qui remplace, de plus en plus, la psychiatrie classique. Et qui, elle, ne tient compte que des symptômes ; et prétend les éradiquer, sans s’occuper de la personne, et de leur sens, par des thérapies brèves, et surtout des médicaments. Et bien sûr, cela affecte la psychanalyse.
Mais guérir très vite, est une bonne chose, non ?
C’est même une excellente chose, quand c’est possible. Le problème, est que c’est loin de l’être toujours. Parce que, pour le psychisme, comme pour le corps, un symptôme est souvent l’expression d’une souffrance plus globale. Et il faut l’explorer.
Mais l’idée de rapidité séduit. Elle séduit l’économie libérale : on répare le travailleur, au plus vite, en lui retirant son symptôme, et il redevient aussitôt, rentable… Et elle séduit d’autant plus le public que les psychanalystes n’ont pas fait suffisamment évoluer leurs pratiques.
Que voulez-vous dire ?
Freud disait, à juste titre, que l’inconscient "ne connaît pas le temps" (parce que les problèmes de fond traversent, inchangés, toutes les étapes de la vie). Mais il serait bon que les psychanalystes, eux, tiennent compte du temps, et de leur époque. Or trop de cures durent encore trop longtemps. Avec une importance insuffisante accordée à la guérison. Et trop de psychanalystes restent à l’écart des réalités du monde : des grands débats de société, comme des difficultés sociales.
Tout cela fait le lit des méthodes supposées rapides. Et c’est dommageable pour les patients. Pour les adultes : parce qu’un symptôme dont on n’a pas traité les causes, risque toujours de se déplacer, ou de revenir.
Et plus encore pour les enfants. Travailler avec un enfant et ses parents, pour comprendre les angoisses qui l’agitent, prend, c’est vrai, un peu de temps. Mais c’est moins grave que de le décréter d’emblée "hyperactif", et de lui prescrire des médicaments, pour faire taire son agitation. Ce qui, malheureusement, se fait aujourd’hui, de plus en plus.
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