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C'est dans ma tête. Le mal-logement

Quatre millions de personnes souffrent de mal-logement ou sont même, pour certaines, privées de logement.

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
En France, quatre millions de personnes sont sans abri, mal logées ou sans logement personnel, selon la Fondation Abbé-Pierre.  (PHOTO12 / GILLES TARGAT)

La Fondation Abbé Pierre a publié la semaine dernière son rapport annuel sur le mal-logement. On y apprend que quatre millions de personnes souffrent de mal-logement ou sont même, pour certaines, privées de logement. Nous revenons aujourd'hui sur ce problème avec la psychanalyste Claude Halmos. 

Quel impact psychologique le mal-logement peut-il avoir, sur ceux qui le subissent ? 

Le mal-logement a un impact psychologique très important qui est souvent, malheureusement, très largement sous-estimé. En quoi consiste cet impact psychologique ? Pour le comprendre, il faut se rappeler qu’un être humain est capable de survivre très longtemps dans des conditions inhumaines. Mais que, pour vivre de façon satisfaisante, il a besoin que ses conditions de vie lui permettent de satisfaire non seulement les besoins de son corps, mais aussi ceux de son psychisme. Et, en premier lieu, son besoin de sécurité intérieure.

Le sentiment de sécurité intérieure est aussi indispensable à l’être humain que la nourriture, l’air et l’eau. Parce que, s’il vient à manquer, il est immédiatement remplacé par une angoisse qui le ronge.  

Qu’est-ce qui peut donner cette sécurité intérieure ? 

Il faut d’abord un lieu de vie qui, sans être immense, soit suffisamment grand pour que l’on puisse bouger sans contrainte. Un espace trop exigu est toujours vécu (même si la personne n’en est pas consciente) comme une entrave pour le corps. Et cette entrave est toujours ressentie comme une violence. Les personnes emprisonnées, par exemple, sont soumises en permanence à cette violence.

Et il faut ensuite un minimum d’intimité. C’est-à-dire un lieu où l’on puisse s’abriter des autres et de leur regard. Pour se laver et faire ses besoins par exemple. Mais aussi pour mettre à l’abri des objets personnels. Autrement dit pour avoir, tout en restant en lien avec les autres, la possibilité d’une vie privée. Une vie où l’on puisse ne pas déranger les autres mais ne pas être, non plus, dérangé par eux. Le mal-logement (une seule pièce pour six par exemple) rend évidemment tout cela impossible.

On imagine que c’est problématique aussi pour les enfants ?  

C’est encore plus grave pour eux. Parce que le mal-logement hypothèque leur construction. À plusieurs niveaux. Un enfant qui commence à marcher, par exemple, a besoin d’un lieu qui lui permette de faire quelques pas, bien sûr. Mais aussi d’éprouver la sensation de son corps dans l’espace : prendre conscience de la station debout, est très complexe pour un enfant. Un enfant a besoin aussi de repères qui lui permettent de comprendre sa place et celle de ses parents. Or, dans un logement trop petit, l’enfant est mêlé en permanence à la vie de couple de ses parents. Et même à leur sexualité. Ce qui est très destructeur pour lui.    

Et le mal-logement complique aussi les rapports entre frères et sœurs ?  

Bien sûr. Parce que les enfants sont en permanence les uns sur les autres, ce qui est insupportable pour eux, surtout à l’adolescence. Il complique aussi la scolarité : l’enfant n’a pas la place et le calme nécessaires pour faire ses devoirs. Il complique la socialisation : quand on est trop mal logé, on ne peut pas inviter ses copains. Et il complique surtout l’image que l’enfant a de lui-même. Parce que, la pauvreté s’accompagnant trop souvent de honte, l’enfant a honte de ne pas être comme les autres. Avoir un logement où il y ait assez de place pour que chacun ait sa place, est vital pour un enfant. Et il faudrait qu’on le sache.    

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