Cet article date de plus de trois ans.

C'est mon affaire. Bruits des animaux à la campagne : quels sont mes droits ?

Dans l'Oise, un voisin veut faire taire un paon trop bruyant. Régulièrement des conflits éclatent autour des bruits causés par les animaux, notamment à la campagne. Quels sont les limites à respecter ? 

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Les cris ou les chants des volatiles et autres animaux à la campagne suscitent bien souvent des querelles de voisinage...Quels sont vos droits ? (Illustration) (GETTY IMAGES / EYEEM)

Céline Blanc est experte en droit du patrimoine au sein du groupe SVP. Coq qui chante trop fort, cloches qui sonnent, grenouilles ou cigales... Une loi définit le patrimoine sensoriel.

franceinfo : Que dit cette loi en matière de bruits et d'odeurs ?

Céline Blanc : c'est une loi qui comporte peu d'articles. Son idée, c'est d'insérer le son et les odeurs dans le code de l'environnement, comme faisant partie du patrimoine national commun. Le gouvernement doit remettre un rapport au parlement dans les six mois pour voir dans quelle mesure on pourrait introduire dans le Code civil la notion de trouble anormal de voisinage, en tenant compte de l'environnement et du monde rural.

À partir de quand la gêne occasionnée par des animaux constitue un trouble anormal ?

Le trouble de voisinage n'est sanctionnable que s'il est dit anormal, c'est-à-dire que ça dépasse les inconvénients normaux de voisinage que l'on doit supporter dans la vie collective. La jurisprudence tient compte de plusieurs critères.

On va avoir la durée et la répétition d'un bruit, son intensité. On va tenir compte aussi de l'environnement dans lequel ce trouble se produit, et on va regarder si c'est en journée, dans la nuit... Tous ces critères mélangés vont déterminer si on a dépassé le caractère normal, ou pas, des inconvénients de voisinage.

Est-ce que le fait que ces bruits aient lieu à la campagne plutôt qu'en ville a une importance ?

Oui, l'environnement est pris en compte, c'est-à-dire qu'on va regarder si le trouble se produit en zone urbaine ou en zone rurale. Il est évident que si vous allez vous installer au fin fond de la Corrèze, on va considérer que vous devez supporter un minimum de nuisances dites rurales, que vous n'aurez pas à supporter en ville.

Le juge va regarder à partir de quand on va au-delà des inconvénients normaux du fait de vivre en zone rurale. Par exemple, un poulailler en zone urbaine chez son voisin va être considéré comme un trouble anormal de voisinage si les poules font trop de bruit, alors que le même poulailler à la campagne sera considéré comme un inconvénient normal.

Et un chien qui aboie ?

Cela peut aussi être considéré comme un trouble anormal et plein de critères vont être pris en compte, notamment si le bruit est répétitif, si c'est la journée, la nuit, et ça, peu importe qu'on soit en zone rurale ou pas. Ce n'est pas parce qu'on est en zone rurale qu'on peut tout se permettre. Un propriétaire a été condamné pour trouble anormal du voisinage parce qu'il avait un élevage de paons à la campagne, et on a considéré qu'il y avait un bruit excessif, et qu'il ne s'agissait pas d'un animal de la ferme qu'on s'attend légitimement à voir à la campagne.

Comment fait-on constater ces nuisances ?

La preuve est libre. Elle se fait par tous moyens. On peut faire constater par huissier, on peut demander des attestations à ses voisins, on peut obtenir des certificats médicaux pour les gens qui ne dorment pas à cause du bruit, un médecin peut établir le préjudice subi, on peut aussi faire constater par la gendarmerie ou la police municipale. On peut aussi saisir le tribunal en référé pour demander une expertise.

Que risque le propriétaire des animaux ?

Des sanctions civiles et pénales. Au civil, c'est réparer le préjudice avec le versement de dommages et intérêts. Cela peut être une injonction de faire, comme ordonner le retrait du poulailler ou obliger de mettre un collier anti-aboiement à son chien, ou des travaux d'isolation. Il y a aussi des sanctions pénales jusqu'à un an de prison et 45 000 euros d'amende.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.