Intelligence artificielle : "Des voix de synthèse pour communiquer, sans âme, est-ce que c’est cela qu'on veut ?" s’interroge une comédienne voix-off

Tout l'été, on interroge des salariés, des indépendants, des chefs d'entreprise sur leur rapport aux intelligences artificielles génératives. Comment les utilisent-ils, comment modifient-elles leur pratique professionnelle ? Aujourd'hui, Marine Maïwa, comédienne voix off
Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Les intelligences arttificielles génératives et les métiers de la voix. Les professionnels sont inquiets. (Illustration) (MOOR STUDIO / DIGITAL VISION VECTORS / GETTY IMAGES)

Comment les salariés, les indépendants, les chefs d'entreprise utilisent-ils les intelligences artificielles génératives. Quelles modifications évoquent-ils dans leur pratique professionnelle ? Sarah Lemoine a rencontré Marine Maïwa, comédienne professionnelle voix off.

Marine Maïwa a plusieurs cordes vocales à son arc

En plus de son métier de chanteuse, elle utilise sa voix pour enregistrer des documentaires, des publicités à la radio, à la télé ou des vidéos institutionnelles. L'intelligence artificielle, capable de générer une voix de synthèse presque aussi naturelle qu'une voix humaine, au début, elle a trouvé cela bluffant. Mais depuis quelques mois, elle commence à en percevoir les dangers.

"À la mi-mai, j'ai été contactée pour une publicité pour une marque de voiture, et le client, spontanément, souhaitait une voix de synthèse pour enregistrer la voix de sa publicité. La production a dit au client : êtes-vous sûr ? Car vous n'aurez pas un résultat idéal'. Donc le client a accepté finalement d'utiliser une vraie comédienne, c'est là qu'ils m'ont appelée."

"Le client est venu à la séance d'enregistrement, il a pu voir et entendre toutes les retouches que l'on peut faire, toutes nos plus-values, qui ne sont pas possibles avec trois phrases dans un logiciel."

Marine Maïwa, comédienne voix off

à franceinfo

Parmi les écueils, il y a aussi les IA capables de cloner la voix. Selon Marine Maïwa, des sociétés de production commencent à y recourir quand il faut retoucher un enregistrement. Cela évite de faire revenir en studio le comédien voix off, dit-elle, mais cela soulève plusieurs questions. Cela pose un vrai problème de consentement, explique-t-elle.

"Il faut que le comédien soit d'accord pour que sa voix soit clonée. S'il refuse, peut-être que la société de production ne le rappellera pas. S'il accepte, sa voix sera envoyée dans une base de données, et c'est cela qui pose problème parce qu'on ne sait pas où cela va en réalité."

"Il faut légiférer là-dessus, il faut des textes clairs pour qu'on puisse exercer nos métiers, sans avoir peur de se faire voler nos voix, et donc, notre outil de travail, sans rémunération, évidemment."

Marine Maïwa

à franceinfo

Que va devenir le métier de la voix enregistrée ?

Avec l'émergence de ces nouvelles technologies, la comédienne voix off, âgée de 40 ans, n'est pas très rassurée : "On est tous un peu sous le choc, quand on voit la vitesse à laquelle la situation évolue. Aujourd'hui, quand on a une oreille exercée, on entend les défauts des voix synthétiques."

"D'ici quelques années, les IA arriveront peut-être à générer quelque chose de bien meilleur. Avec le risque d'aboutir à des voix très homogènes, qui se ressemblent. Des voix sans âme pour communiquer. Quelle est la limite ? Est-ce que c'est cela qu'on veut ?"

Marine Maïwa

Marine s'inquiète aussi pour ses collègues comédiens qui font du doublage de films. Leur pétition, "TouchePasMaVf", lancée en mai dernier, a déjà recueilli plus de 150.000 signatures.

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