Justice : un salarié ne peut pas être licencié parce qu’il n’est pas assez "drôle"
Si votre boite organise des apéros, des fêtes, rien ne vous oblige à y prendre part. Vous ne pouvez en tout cas pas être licencié pour cela. C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation, dans un arrêt qui pourrait faire date.
Monsieur T., ainsi est-il nommé par la Cour de cassation, n’est peut-être pas l’employé le plus drôle du monde. En tout cas son employeur, Cubik Partners, un cabinet parisien de conseil et de formation qui intervient dans le domaine médico-social, lui reproche sa rigidité, son manque d’écoute, son ton parfois cassant et démotivant vis à vis de ses subordonnées, son impossibilité aussi d’accepter le point de vue des autres. Mais le problème n’est pas là. Monsieur T. refuse la culture "fun et pro" – c’est la dénomination officielle employée dans l’entreprise – de sa petite société. Un refus qui va lui valoir un licenciement.
Une culture "fun et pro" qui va quand même assez loin
Il s’agit en réalité d’un véritable culte de l’apéro, très poussé. Les juges parlent dans cette entreprise de la "nécessaire participation aux séminaires et aux pots de fin de semaine qui génèrent fréquemment une alcoolisation excessive". Une consommation encouragée par les associés qui mettent à disposition de très grandes quantités d’alcool et par des pratiques que l’arrêt de la cour de cassation décrivent comme de la "promiscuité, des brimades et une incitation à divers excès et dérapages". En fait, là encore la lecture de l’arrêt est étonnante : la culture "fun et pro" en vigueur dans l’entreprise était caractérisée par "des pratiques humiliantes et intrusives dans la vie privée telles que des simulacres d’actes sexuels, l’obligation de partager son lit avec un autre collaborateur lors des séminaires, l’usage de sobriquets pour désigner les personnes et l’affichage dans les bureaux de photos déformées et maquillées".
La Cour de cassation vient d’annuler en partie le licenciement de Monsieur T. qui ne voulait à aucun prix se livrer à de telles pratiques. Les magistrats ont considéré que le licenciement était intervenu en raison de l’exercice par le salarié de sa liberté d’opinion et d’expression. La société a été condamnée par la Cour de cassation à verser 3 000 euros à son ancien salarié. Mais une autre bataille va maintenant se livrer devant une cour d’appel : Monsieur T. réclame plus de 400 000 euros pour le dédommagement du licenciement. L’histoire est donc loin d’être terminée.
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