Kak, dessinateur de presse : "La capacité de l’IA à inventer un gag ne s’est pas beaucoup améliorée"

Tout l'été, on interroge des salariés, des indépendants, des chefs d'entreprise sur leur rapport aux intelligences artificielles. Comment les utilisent-ils, comment modifient-elles leur pratique professionnelle ? Aujourd'hui, le dessinateur Kak.
Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
L'humour et l'intelligence artificielle peuvent-ils faire bon ménage ? (WILLIAM ANDREW / PHOTODISC)

Patrick Lamassoure, alias KAK, a deux casquettes. Il est président de l’association Cartooning for peace, qui défend la liberté d’expression à travers le dessin de presse. Tous les jours, il dessine aussi la une du quotidien L’Opinion. La première fois qu’il a utilisé une intelligence artificielle générative, c’était il y a un peu plus d’un an.

"J'ai mis l'IA dans la peau du dessinateur de presse. Je lui ai dit : je suis à une soirée où des gens viennent de recevoir un trophée car ils ont fait des choses qui ont changé la société, que ferais-tu comme dessin drôle ? Et là, aucune réponse, panique à bord. J'ai dû lui donner l'idée : j'aimerais un dessin où Vladimir Poutine arrive devant le bureau où on remet les trophées, il a une bombe nucléaire sous le bras et demande à candidater. L'IA m'a répondu qu'elle ne pouvait pas parce que ce n’était pas conforme à ses conditions d'utilisation. En retirant des mots, j'ai compris ce qui la gênait. D'abord, elle ne voulait pas dessiner Vladimir Poutine, mais elle voulait bien dessiner un Russe. Ensuite, elle ne voulait pas dessiner une bombe nucléaire, mais une bombe tout court. J'ai fini par obtenir un dessin qui n'était toujours pas dans mon style, mais qui ressemblait à peu près à ce que je voulais faire. J'ai dû le retoucher. Donc j'ai perdu du temps sur cette affaire."

L'IA incapable de générer un bon dessin de presse...

Si le dessinateur Kak n’utilise pas les IA génératives dans sa pratique quotidienne, il continue de les tester régulièrement.

"J'ai trouvé que la capacité de l'IA à inventer un gag, en partant de presque rien, ne s'était pas améliorée. Là où j'ai été assez sidéré, c'est lorsque je lui ai suggéré comment je voulais illustrer un dessin sur le débat d'entre deux tours entre Gabriel Attal et Jordan Bardella. Je voulais mettre en scène deux chevaliers, qui se faisaient face, façon joute du Moyen Âge. Au-dessus d'eux, les souverains Emmanuel Macron et Marine Le Pen leur lançaient leur écharpe. ChatGPT, à qui j'ai d'abord posé la question, m'a proposé une description du dessin qui allait bien au-delà que ce que je lui avais demandé, totalement dans ma logique. Il avait extrapolé l'idée pour en faire presque un tableau, avec des idées de composition. Tout ce qu'il me proposait était intéressant d'un point de vue graphique."

...mais utile pour un coup de main

Kak pense que les IA sont incapables de générer aujourd’hui un bon dessin de presse, dans un contexte culturel précis et pour un public donné. En revanche, il perçoit déjà les tâches sur lesquelles il pourrait être épaulé.

"Je ne suis pas très bon pour les couleurs, c'est un exercice laborieux, je considère en général que le résultat n'est pas joli. Je vois bien que je pourrais demander à l'IA de me créer une ambiance en s'inspirant d'un tableau de Turner, de Van Gogh, une aquarelle, etc. Ensuite, il y a tout ce qui relève de la recherche graphique. Si j'ai besoin d'un camion poubelle vu de trois-quarts arrière dans mon dessin, aujourd'hui, je vais sur un moteur de recherche pour trouver des images, que je dois éplucher une par une. L'IA pourrait me les trouver en deux secondes."

Pour Kak, les intelligences artificielles génératives représentent le plus grand bond technologique depuis l’arrivée d’Internet. Ce qui l’intrigue le plus, c’est de voir comment l’humain va collaborer avec elles, et surtout, comment il va en garder la maîtrise.

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