L'illettrisme en entreprise se complique avec la numérisation des postes de travail

Ils ont été scolarisés en France, mais ils ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux. Selon l'Insee, 7% de la population en âge de de travailler ne sait ni lire ni écrire ou très mal. Comment faire quand on doit passer des commandes ou lire des consignes au travail ? Dans le cadre des Journées d'action contre l'illettrisme, un colloque intitulé "Illettrisme en milieu professionnel, comment passer du tabou à l’action ?" a lieu jeudi 13 septembre à Paris pour sensibiliser les entreprises à ce phénomène qui rend le quotidien des salariés de plus en plus compliqué avec l'invasion des écrans au travail.

Aline, intendante hôtelière à l'hôpital de Mantes-la-Jolie dans les Yvelines, s'occupe des rangements, des livraisons, des commandes, depuis 16 ans. Elle a suivi une formation pour combler son retard mais dans sa vie quotidienne et au travail, elle ruse : "Les feuilles sont déjà pré-remplies pour les commandes, il suffit juste de cocher ce qu'il faut. Le mot, quand je ne le connais pas, comme drap housse par exemple, je regarde sur l'étagère comment il s'écrit. Je copie tout le temps." C'est la grande habitude de son poste qui lui permet de lui faire oublier ses difficultés avec les mots. "Le travail est mécanique, raconte Aline, une fois qu'on a appris les mots, c'est toujours les mêmes, donc on recopie un mot que la collègue avait marqué la veille, mais on recopie mal et on fait une faute."

De plus en plus d'écriture dans les entreprises

On trouve davantage de travailleurs illettrés dans le domaine de l'entretien et du nettoyage, dans les services à la personne, dans l'agro-alimentaire. La moitié a plus de 45 ans et la moitié habitent dans des zones rurales faiblement peuplées. Le problème pour ces personnes qui maîtrisent mal la lecture et l'écriture, c'est que le monde du travail se transforme pour donner plus de place aux écrans, aux consignes écrites. Auparavant, la communication passait davantage par l'oral, par le téléphone notamment. Un agent d'entretien qui manque de produits de nettoyage doit par exemple passer sa commande sur une tablette, la personne qui distribue les repas dans un hôpital doit transmettre les menus de chaque malade, également sur un écran.

On demande aux salariés de communiquer davantage, d'avoir plus d'autonomie et de laisser des traces. De plus en plus souvent, les stratégies de contournement qui étaient utilisées pendant des années ne suffisent plus et dans l'entreprise numérisée, il est de plus en plus difficile de donner le change.