Nous, ces infectes pollueurs
C'est un scandale dégoutant. Une odeur...comment la décrire ? Sorte de souffre, mêlé a…une boule puante. Sans parler de la vision d’horreur. Mais qui sommes-nous ? Oui, nous, les gens, ceux qui vont pique niquer au bord de ce canal. Nous, ceux qui vont boire des bières, les pieds a l’ai, sans aucun verre. Nous, qui balançont des caddies, des matelas, des ordinateurs, des magnétoscopes, des centaines de cannettes et de bouteilles, dans un splendide point d'eau
Qui sommes nous ?
Du haut d’un pont, j’ai donc regardé, aujourd’hui, des pelleteuses s’emparer de tonnes de vases laissant apparaitre un spectacle répugnant. Je ne sais pas si j’aurais dû y aller. Me voilà à présent hantée, par cette boue immonde, poussée, ramassée, regroupée, pour se retrouver dans la nasse. Vous voyez?... la pelleteuse, et la sorte de nasse devant, au bout du bras.
Bon, je ne suis pas forte en bâtiment. Je me revois, sur ce pont, au-dessus, et j’ai l’impression que le camion va foncer sur moi
Moi, complètement paranoïaque
Que le bras va se mettre à déjanter. Qu’il va être dévié de sa route, sa route étant censée être, et rester, dans le canal, donc sous moi. Que la boue va venir me chercher. Et m’engloutir, à jamais…
Je vous jure, je n’ai pas arrêté d’y penser. Et y’avait pas que moi. Certains photographes, aussi, avaient des idées bizarres. Mais bon, eux, ça les faisait marrer. Au plus près, à la limite" dans la boue", la photo est meilleure. Finalement, la boue, ou plutôt 'les sédiments', m’ont épargné. Mais alors, quels sédiments !
Caddies, ordi, cannettes
Sédiments couleur marronnasse… noir même. Le chef de l’entreprise qui drague le canal, m’a expliqué qu’il y avait des bonnes choses à garder
Moi : "Hein ? Ça m’étonnerait !"
Lui, "Si, si. 5000 tonnes, sur les 9000 de boues, sont réutilisables"
Impossible
Lui : "ça sert dans le BTP, principalement"
Moi, "Ah je me disais bien aussi. De la boue infecte, ça ne peut pas servir à autre chose"
Lui : "Mais non, elle est nettoyée avant, de toute façon… et ça sert aussi à faire des remblais, des sous couche routières"
Moi : "Ah ben voilà… de la boue dégoutante, qui part dans du bitume"
Lui : "Mais ça sert aussi à des entreprises paysagères. La nature, qui revient à la nature en quelque sorte"
Là, il me cloue le bec.
Bêtise humaine
Et je me dis que, donc : même la bêtise humaine (la pollution en faisant partie) est recyclable sur Terre. Ça, c’est la mauvaise nouvelle de la journée. Je quitte le monsieur, dépitée. Je marche dans un froid polaire, en plein pic de pollution parisienne (au passage). Je me retrouve sur le pont, face à l’Hôtel du Nord.
Et là, un peu secouée, j'ignore pourquoi, mais je déclame : "Atmosphère atmosphère… est ce que j’ai une gueule d’atmosphère ?".
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