A380 : l'adieu
Airbus a livré la semaine dernière son dernier superjumbo A380 à la compagnie Emirates de Dubaï, une page de l'histoire se tourne.
S’il fut le symbole du savoir-faire européen, la fierté d’Airbus, l’A380 n’a jamais comblé les ambitions commerciales de ses concepteurs. Son aventure industrielle s’est terminée cette semaine avec la livraison à Emirates, du 272e et dernier appareil sorti des chaînes d’assemblage de Toulouse. 272e et ultime A380 quand le constructeur européen espérait en vendre plus d’un millier pour rentabiliser le programme.
Apprécié des passagers, boudé par les compagnies aériennes
S’il est très apprécié par les passagers pour son confort et son silence l’A380, a été boudé par les compagnies aériennes. Et pour plusieurs raisons. Lors du lancement de l’A3XX, nom du programme A380 au début des années 2000, Airbus avait misé sur une croissance exponentielle du transport aérien avec le développement de grands hubs internationaux desservis par des géants du ciel.
Or au cours de cette dernière décennie, on a surtout assisté un développement du point à point, des vols directs entre des villes de moindre importance avec des avions moins grands. De plus, l’A380 n’a jamais été exploité dans une configuration de 700 ou 800 places comme annoncé au début du programme.
L’A380 a aussi souffert de sa soute beaucoup trop petite pour le rentabiliser avec du fret, et de ses quatre moteurs forcément plus gourmands qu’un Boeing 777 avec le même nombre de passagers et surtout une grande capacité pour le cargo.
Série de déboires, nombreux retards et énormes surcoûts
L’industrialisation du très gros porteur à deux ponts a également été marquée par une série de déboires, de nombreux retards et d’énormes surcoûts, tout au long du programme. Quelques mois après le roll out, la présentation au monde entier de l’A380, on s’est notamment aperçu que les compagnons d’Airbus à Hambourg et Toulouse n’utilisaient pas les mêmes systèmes informatiques et que les modifications apportées par les uns ne figuraient pas sur la maquette numérique des autres. D’où l’incapacité de raccorder les tronçons.
Il faut reprendre à la main, à Toulouse, les quelque 530 kilomètres de câblages électriques de chaque avion.
"Il fallait reprendre les câblages sur le site d'assemblage final. Cela représentait des milliers d'heures de travail. L'encombrement du site était tel qu'il avait fallu suspendre la livraison des tronçons de fuselage."
Un salarié d'Airbus à Toulouseà franceinfo
En interne, on évoque un an de retard supplémentaire, soit deux ans au total. Mais il faudra attendre le 13 juin 2006 pour qu'un communiqué d'EADS annonce clairement la couleur : Airbus a informé ses clients d' "un recalage des livraisons de six à sept mois".
Le nombre des livraisons d'A380 prévues en 2007 passe de 25 à 9 ! Le lendemain, le titre EADS perd plus de 26% en Bourse. Au passage, plusieurs dirigeants du groupe ont vendu de gros stocks d'actions en mars. Ces ventes donneront lieu, quelques mois plus tard, à une enquête de l'AMF sur de possibles délits d'initiés et sur une crise de gouvernance sans précédent.
La crise des subprimes : premier coup d'arrêt
Une autre crise, celle des "subprimes" en 2008 a donné un premier coup d’arrêt au programme. Les unes après les autres, les compagnies ont commencé à annuler leurs commandes. La crise sanitaire a sonné le glas de l’A380 même si Airbus avait déjà décidé d’un arrêt de la production. Mais au milieu des critiques, un homme, Tim Clark, le patron d’Emirates continue de croire en l’A380.
Le président d'Emirates, Tim Clark, a tenu tête aux sceptiques qui affirment que les jours des grands jets quadrimoteurs sont comptés. "Je ne partage pas du tout ce point de vue (...). Et je crois toujours qu'il y a une place pour l'A380", a-t-il
récemment déclaré à des journalistes.
"Les technocrates et les comptables ont dit qu'il n'était pas adapté à sa fonction. (...) Cela n'a pas d'écho auprès de nos voyageurs. Ils adorent cet avion", a ajouté Tim Clark. La compagnie du Golfe, fidèle jusqu’au bout, plus gros client d’Airbus avec un 123e A380 au sein de sa flotte et sans qui le programme n’aurait jamais pu être lancé.
La disparition de l'A380 a laissé à l'abandon l'un des plus grands bâtiments du monde, une usine d'assemblage de 122.500 mètres carrés à Toulouse.
Airbus prévoit d'en utiliser une partie pour construire certains des modèles à fuselage étroit qui dominent les ventes, à l'image de l'accord avec la compagnie australienne Qantas.
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