Chroniques du ciel. Pascal de Izaguirre, PDG de Corsair : "On navigue un peu à vue"
Dernier entretien de l'été avec un grand patron de l'aérien, sur l'après-crise Covid. Avec aujourd'hui , Pascal de Izaguirre, le PDG de la compagnie CORSAIR
franceinfo : Pascal de Izaguirre, vous êtes président directeur général de Corsair. La crise est-elle derrière ou devant nous ?
Pascal de Izaguirre : Devant nous encore, ce dont je m’aperçois par rapport à la situation après le déconfinement, il y avait un certain optimisme, mais là, on voit bien que cette crise va durer avec de nombreuses incertitudes sur la reprise économique ou l’espoir de trouver un vaccin.
Les inquiétudes pour les compagnies aériennes portent sur la saison d’hiver, les réservations à partir de septembre, qu’en est-il actuellement pour Corsair ?
Nous avons eu la chance de redémarrer assez rapidement sur les Antilles et la Réunion, il y a un trafic important, ce sont des lignes communautaires, comme la Côte d’Ivoire également, mais il faut être très clair, nous sommes partis pour plusieurs mois de sous-activité, avec une grosse interrogation, est ce que le retour se fera à l’été 2021 ou pas, on voit bien qu’on navigue un peu à vue.
Cette crise va faire baisser ou augmenter les billets d’avion ?
Dans un premier temps, elle va les faire baisser, toutes les compagnies sont confrontées à une baisse de la demande, cette baisse de la demande, elle est durable et sera accentuée par les pressions environnementalistes sur le transport aérien, il y aura de la surcapacité qui peut se traduire par une baisse tarifaire.
Cette crise peut entrainer une consolidation en Europe et dans le monde ?
Sans aucun doute, le transport aérien va sortir affaibli de cette crise, il y a moins de passagers, le rythme de croissance va être affecté à la baisse, la plupart des grandes compagnies s’en sortiront avec des aides étatiques, c’est un enjeu de souveraineté, et je pense qu’il y a aussi de la place pour des compagnies comme Corsair sur des marchés de niche sur lesquels nous sommes très implantés comme les départements d’Outre-Mer, mais il y aura des dégâts, des disparitions de compagnies.
Le billet d’avion doit être au juste prix, ce qui n’était plus cas ?
«Non, nous sommes arrivés à une irrationalité économique, on vous fait croire qu’on peut faire des voyages de 10 à 12 heures pour le prix d’un repas dans bon restaurant. On ne peut vendre un produit aussi sécuritaire ou un service à ce tarif.
Certains modèles économiques peuvent être remis en cause, comme celui des compagnies traditionnelles ?
Je pense que oui, le problème de ces compagnies, c’est leur manque d’agilité, de réactivité et leur plus faible capacité à réduire les coûts, en revanche les low cost sont des compagnies qui s’adaptent très rapidement, sur le moyen-courrier, le low cost va devenir le modèle dominant. Je pense aussi que la puissance des hubs va s’éroder car les clients préfèrent les vols directs et vous savez qu’il arrive sur le marché de nouveaux avions monocouloir comme l’A321 très long rayon d’action. Enfin, j’ajouterai que la diminution du trafic affaires va poser problème aux compagnies legacy. Elles tirent leurs résultats économiques de ce trafic affaires.
On va voyager différemment à l’avenir ?
Je pense qu’il y aura moins de sur-tourisme, on ne voyagera plus de manière aussi frénétique, le tourisme de groupe dans des hôtels clubs, sur les bateaux de croisière va être très affecté, on va s’orienter vers un tourisme plus qualitatif et puis les jeunes voyagent beaucoup moins. Soyons clairs, toutefois, on ne va pas remettre en cause le transport aérien, il reste indispensable sur le long courrier mais nos taux de croissance peuvent être affectés à l’avenir.
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