Marc Rochet, président d'Air Caraïbes et de French Bee : "Le comportement des clients va changer, nous devrons faire preuve de flexibilité avec des coûts bas"
Dans "Chroniques du ciel", Frédéric Beniada s'entretient cet été avec des grands patrons du secteur aérien. Comment traversent-ils cette crise sanitaire, et quelles sont leurs perspectives pour demain ? Entretien avec Marc Rochet, président d'Air Caraïbes et de French Bee, les deux compagnies du groupe Dubreuil.
Comment Air Caraïbes et French Bee, les deux compagnies du groupe Dubreuil, ont-elles traversé la crise du coronavirus ? Entretien avec Marc Rochet, président d’Air Caraïbes et de French Bee.
franceinfo : Marc Rochet, au début de la crise, vous avez eu des propos très durs envers les compagnies les plus fragiles, vous avez dit en résumé, cette crise permettra de faire du tri. Ce n’était pas très solidaire, vos propos ont provoqué un certain émoi, vous regrettez ?
Marc Rochet : Je crois que lorsque l’on est dans le milieu des affaires, les réalités du commerce s’imposent à tous, et le transport aérien en général est, par certains de ses aspects, malade de son histoire, il n’arrive pas à se moderniser, ou avec un protectionnisme des états qui est très puissant.
Il faut parfois attendre les grandes crises pour assister à une forme de restructuration, une consolidation du secteur. Si je regarde autour de moi, un certain nombre d’entreprises sont en train de sortir du marché, je citerai Norwegian, Level à Orly, ou encore Emirates qui enchaîne les restructurations.
Marc Rochetà franceinfo
Il faut être conscient que nous sommes dans des milieux économiques, dans des milieux ou la ressource humaine est importante, mais on n’a pas le droit d’en faire n’importe quoi.
Aujourd’hui, nous sommes en sortie de crise, enfin nous l’espérons, vous espérez un retour à la normale quand, et est-ce que les réservations repartent pour vos deux compagnies ?
Je distingue dans cette crise quatre phases. La phase du coup de massue, on ne peut plus voler, les pays se ferment, les aéroports se ferment ; deuxième phase l’arrêt complet, on a fait juste quelques vols vers la Chine pour aller chercher des masques, une phase du sommeil. Phase trois, nous y sommes maintenant, c’est le redémarrage depuis la réouverture d’Orly le 26 juin. Depuis le 12 juin, Air Caraïbes et French Bee ont repris les vols vers le coeur de leur réseau, avec la reprise de notre activité vers l’outremer, et ça marche plutôt bien, puisque nous sommes sur des besoins de déplacements, comme en métropole, de familles ou d’étudiants.
Sur les autres destinations lointaines, comme Cuba ou la Républicaine dominicaine, là il n’y pas de vols, il n’y a pas de reprise, on est sur une phase de redécollage, et en avion, le redécollage est une phase critique. La quatrième phase, je ne sais pas la situer aujourd'hui, ce sera à partir de l'hiver, et sur 2021 : quels seront les comportements des clients ?
Et les comportements des clients, ils vont changer, ça ne sera pas les mêmes clients, ça ne sera pas les mêmes attentes. Il y a aura des opportunités, il faudra être prêt à les saisir, mais il faudra deux atouts, des coûts bas, parce que les clients ne voudront pas payer les mêmes prix, et deuxièmement, il faudra de la flexibilité.
Les prix des billets d’avion vont baisser ?
Ils vont baisser, il y a un peu d’offre, le marché redémarre, il y a peu de demande, avec un élément rationnel, le prix du pétrole a chuté de plus de 30%, donc l’avenir sourira aux audacieux, et il faudra faire des efforts de coût.
Chez French Bee et Air Caraïbes, nous avons fait des APC, des accords de performance collective, nous, nous ne licencions pas, nous allons rebondir et nous serons flexibles, car on ne sait pas où l’on va aller.
Marc Rochetà franceinfo
Les aides étatiques sont nécessaires ? Vous pensez quoi des 7 milliards de dollars de prêt accordés à Air France ?
Ces aides d’Etat sont méritées, justifiées, mais elles ne doivent servir que pour traverser la crise, et ne pas régler des problèmes qui dataient de plusieurs années. L’État prête de l’argent, on devra le rembourser, tous, mais cet argent ne doit pas servir à régler des problèmes structurels.
Il y a un débat sur les vols régionaux, les vols domestiques, Emmanuel Macron, l’a répété, moins de 2 heures 30 de TGV, faut arrêter l’avion ?
Cette mesure est très discutable, d’un côté, on dit : il faut aider Air France et en même temps, on lui dit : faut arrêter certaines liaisons domestiques, je prends leur défense, ce n’est pas normal.
Il y a des problèmes de fond, comme l’écologie ; nous sommes de gros utilisateurs de carburant, on fait tout pour le réduire avec des avions modernes comme l’A350, c’est de notre responsabilité, mais ce n’est pas en faisant du bricolage et de la communication qu’on y arrivera.
Marc Rochetà franceinfo
Un exemple, moins de 2h30, vous prenez le train, mais comment vous vous connectez ? Nous, nous sommes dans un système, Air Caraïbes et French Bee, qui s’appelle le TGV Air, on connecte avec toute la France à Massy-Palaiseau, mais entre Orly et Massy, c’est nous qui payons le bus, et notre bus il est stationné à plus de 500 mètres de la gare, ça montre le manque de préparation, de structuration, l’écologie c’est fondamental, mais ça se prépare, sans faire n’importe quoi.
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